Un camarade grenoblois donnait quelques nouvelles à ses anciens collègues parisiens. Nous lui avons demandé de publier son témoignage.

Pendant ce temps-là…
Alors que la contestation n’en finit pas d’enfler contre les « lois Blanquer » le ministre de l’Education Nationale tente de déminer le terrain. En dépit de déclarations apaisantes mais teintées d’ambiguïtés ses, il continue d’avancer sur le plan idéologique, avec ses affidés.

***Un stage pendant les vacances

Les enseignants du département de l’Isère viennent ainsi de trouver dans leurs boîtes professionnelles et dans les boîtes des écoles une proposition pour le moins byzantine. L’UGA (Université Grenoble-Alpes) par l’intermédiaire d’un de ses labos propose un stage ,au début des vacances d’été tout frais payés, dans le Vercors.
Dans un premier temps cette démarche peut interroger mais sur le fond elle devrait surtout indigner à plusieurs titres.
L’offre est alléchante certes car il y a plus désagréable que le charme pittoresque du Vercors en début d’été mais comme on le craignait depuis longtemps ce type de stage est une véritable offensive inaugurant la formation continue sur le temps de vacances. C’est dans les tiroirs depuis le fameux rapport Pochard, (2008), document à l’origine de la masterisation et dont on constate aujourd’hui les dommages. Rien d’étonnant après tout puisqu’en 2019 comme à l’époque le commanditaire est le même, JM Blanquer.

***Les sciences cognitives, encore et toujours

Le labo derrière ce stage est bien évidemment proche de ceux qui prétendent détenir la « Vérité ». Dans la plaquette ils affirment ainsi que « Dans une optique d’éducation fondée sur les faits, il s’agira de permettre aux enseignants de développer des connaissances et des compétences s’appuyant sur les avancées de la recherche – dans le champ de l’éducation et des sciences cognitives – concernant l’efficacité des pratiques d’enseignement et les processus d’apprentissage ». L’enseignement doit s’appuyer sur des faits…vérité inébranlable

***”La cigale” : chanter vite, est-ce savoir lire ?

Cette équipe qui sévit depuis un certain temps sur Grenoble et sa région a suivi les travaux du Dr Zorman qui en dehors de ses compétences scientifiques avait aussi le sens du commerce puisque peu de salle de classes ont échappé au fameux support « La cigale » développé par ce fameux docteur et son entourage. Jacques Bernardin y fait allusion dans la très bonne revue du GFEN consacrée à la lecture. La clé de voute de la méthode « La Cigale » est le développement de la fluence. Malgré une approche empirique de la question il n’est pas assuré que les élèves de l’Isère gavé à la fluence depuis 15 ans soient de meilleurs lecteurs que les petits parisiens. Je dirais même que travaillant maintenant sur un RASED je vois les contresens que cela génère sur l’acte de lire. Des élèves qui pensent qu’il faut aller vite pour savoir lire, au mépris de la compréhension. Mais qu’importe il n’y aura pas d’études comparatives entre l’Isère et le reste de la France…et pour cause la DEPP (direction de l’étude et de la prospective autrefois en charge de ce genre d’études) a commencé à être désossée par JM Blanquer alors chef de la DGESCO en 2009.La fin du CNESCO et la mise en coupe réglée de la future instance d’évaluation des politiques éducatives en est une autre illustration.

***Le code rien que le code

Dans le même temps les écoles ont aussi été sollicitées par ce labo pour accueillir les travaux d’une doctorante dont l’une des entrées sera de voir si le fait de présenter des mots que les enfants ne savent pas encore décoder est un facteur d’échec dans l’apprentissage de la lecture.En voici un extrait. Les questions auxquelles nous essayerons de répondre seront par exemple : au CP, comment enseigner efficacement les stratégies pour comprendre une histoire? L’usage de textes non entièrement décodables par les enfants est-il bénéfique pour leur apprentissage, pour leur motivation, et de façon différente en début et en fin d’année de CP ? Peut-on automatiser plus efficacement les capacités de décodage avec l’aide d’une application numérique utilisée en autonomie ? Adieu l’entrée dans les écrits dans leur dimension culturelle, le code rien que le code. Cela a été largement et brillamment exposé mais une fois de plus les discours de lutte contre les inégalités tenus par le ministre recèlent une véritable logique d’assignation.

***« Dehaene-Dehaene-Dehaene »

En outre, les volontaires qui passent les entretiens pour bosser dans un CP ou un CE1 « 100% réussite » doivent sortir des mots-clés qui sonnent comme des mantras : « Dehaene-Dehaene-Dehaene » auxquels les grand prêtres du culte accessoirement IEN répondent la main sur le cœur « Quel grand homme ! ».
Enfin ce qui rend ce stage odieux stage c’est qu’il coûte une véritable fortune aux vues des prestations décrites. De l’argent qu’on prétend ne pas avoir dans les couloirs des inspections dès lors qu’on demande des formations pour les enseignants spécialisés. J’ai souvent fait le siège de l’inspection ASH pour arracher 2 jours d’échanges de pratiques avec mes ex-collègues d’Ulis-école face à des problématiques qui étaient aigues dans nos dispositifs. Hélas à chaque fois l’IEN-ASH me disait qu’il ne pouvait pas faute de moyens notamment.

Vous l’aurez donc compris le combat est aussi à mener sur le plan des idées et n’en déplaise aux « marcheurs « ce ne sont pas des hoax. Donc face aux neuro-chiants je suis devenu un neuro-sceptique prêt à croiser le fer de ces lotophages qui ingèrent du Dehaene pour inhiber leur esprit critique.
A Bas,les « Cogni-chiants ».

Alexandre,militant à Sud éduc Grenoble et ex instit du XVIIIème