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En 2005, la scolarisation des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire a été inscrite dans la loi. Depuis 2013, on parle plus largement d’école inclusive, au sens où tou·te·s les élèves devraient pouvoir être scolarisé·e·s, quelles que soient leurs difficultés (handicap cognitif, moteur, social…). C’est maintenant à l’école de s’adapter pour permettre à ces élèves d’accéder aux apprentissages, et non l’inverse.

La route reste longue…
13 ans après la loi pour l’égalité des droits et des chances, la route reste longue et la situation bien insatisfaisante – et décourageante – dans de nombreux établissements. Et ce n’est pas faute d’essayer, du côté des enseignants, des élèves et des familles ! Mais les entraves sont nombreuses et le parcours de certain·e·s jeunes et de leurs familles est souvent chaotique et éprouvant. J’avais déjà abordé ces difficultés du côté des familles et le travail à faire, dans le groupe-classe, pour que les inclusions fonctionnent: https://www.questionsdeclasses.org/?Une-place-dans-la-classe

Mais la lenteur du système est parfois mortifère pour les élèves à Besoins éducatifs particuliers (BEP). Lenteur des tests par les professionnels extérieurs à l’école, mais indispensables pour la prise en compte des difficultés. Lenteur de l’examen (ou du réexamen) du dossier par le médecin scolaire ou par la MDPH(1), faute de personnels. Lenteur dans le va-et-vient des dossiers, sans compter ceux qui se perdent en cours de route ou qui restent sans réponse, parce qu’incomplets (il est apparemment acquis que si des documents manquent, aucune réponse n’est donnée aux familles…). Ces tergiversations peuvent prendre des mois, et parfois plus d’un an !

S’organiser pour permettre l’accès aux apprentissages… en attendant !
Alors, face à cette machine administrative à la lenteur et au fonctionnement aberrants, les enseignant·e·s, les AESH(2), les élèves et leurs proches s’organisent : rendez-vous réguliers pour faire des bilans de parcours, travail d’équipe, échanges de pratiques, adaptations des cours, des supports, réflexion sur la différence et le handicap avec les élèves… Tout cela pour permettre l’accès aux apprentissages, mais toujours dans l’attente d’une décision concrète de la part des services compétents, afin de rendre les aménagements pérennes et officiels, et d’obtenir, pour les familles, des moyens matériels, humains ou financiers pour favoriser la scolarisation des jeunes.
Et, doucement, nous y arrivons. Certain·e·s élèves s’accrochent, progressent, réussissent grâce aux efforts de toutes celles et tous ceux qui les entourent, obligé·e·s d’agir pour rendre le quotidien accessible, malgré les difficultés parfois très lourdes des élèves (troubles des apprentissages, du comportement ou troubles autistiques).

Aider ou laisser couler
Or, ces petites réussites ont parfois des conséquences surprenantes, voire insensées.
Tout d’abord, il n’est pas rare de nous entendre dire que l’élève réussit « trop bien », que le médecin scolaire (ou la MDHP) a consulté les bulletins et a considéré que les difficultés n’étaient pas assez prononcées pour que l’élève puisse bénéficier d’un accompagnement spécifique ou d’une « reconnaissance handicap ». Première absurdité : les aides fournies par les équipes profitent aux élèves, dans leurs apprentissages quotidiens, mais les desservent sur le plan administratif. Or, sans reconnaissance officielle, les aides ne peuvent pas durer, notamment pour les examens.
Et de là une autre absurdité : certaines directions n’hésitent pas à donner des « consignes » aux enseignant·e·s , expliquant qu’il faut que les difficultés apparaissent sur le bulletin, dans les notes, dans les évaluations, autrement dit, que l’échec se voie, et se voie bien ! Ne pas adapter les évaluations, faire perdurer, volontairement, les difficultés des élèves en ne les prenant pas en compte, les laisser, sciemment, en situation d’échec, voilà à quoi nous devrions être réduit·e·s, pour qu’un dossier ait des chances d’être validé, administrativement.
Et nous en arrivons à la recommandation scandaleuse suivante : détruisons les élèves, pour mieux les aider ensuite !

On imagine aisément devant quel cas de conscience se trouvent les enseignant·e·s, qui ne savent plus comment agir : aider les élèves au quotidien, au risque de trop les aider ? Attendre une décision administrative, qui peut mettre des mois à tomber, au risque de voir la souffrance des élèves se développer ?

Le chemin est donc long, encore, pour une école inclusive qui ne se contente pas de mots et d’effets d’annonce (3), pour une école inclusive qui prenne en compte non seulement les jeunes et leurs difficultés, mais également celles des personnes qui les entourent au quotidien (proches, enseignant·e·s, AESH, personnels des MDPH, de la médecine scolaire…) et qui œuvrent, coûte que coûte, pour que chacun·e puisse bénéficier d’une scolarisation digne.

(1) MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées – structure habilitée à traiter les demandes des familles pour qu’un enfant soit reconnu comme personne handicapée et reçoivent l’accompagnement et les aides nécessaires, dans ou hors l’école.
(2) AESH : Accompagnant·e·s des élèves en situation de handicap
(3) Il n’y a qu’à comparer la communication faite autour de la rentrée du président Macron dans un établissement accueillant une Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) et le silence autour des élèves en situation de handicap non scolarisés, ou sans AESH, sans compter les difficultés quotidiennes des enseignant·e·s pas assez formé·e·s sur ces questions.