Texte consécutif à la Journée de Pédagogie sociale du 7 JUILLET organisée au Centre social de Longjumeau.

Paulo Freire fut un éducateur, un initiateur empêché d’agir par des forces violentes, tout au long de sa vie; en butte aux politiques répressives, aux dictatures, à l’exil. Il s’est heurté à des dominations et des oppressions objectives, violentes et concrètes. Mais sa préoccupation s’étendait bien au delà; les répressions et les dictatures ,ça ne dure qu’un temps. Il était bien davantage préoccupé par les effets idéologiques portés sur les individus et les groupes . Il s’inquiétait particulièrement de l’offensive ultralibérale sur la pensée elle même. Partout dans le Monde , se développe en effet une entreprise idéologique et mentale destinée à faire accepter comme naturelles , les pires violences économique set sociales. Partout les médias, les institutions économiques et sociales inculquent et renforcent l’idée qu’il n’y a pas d’alternative, que l’individualisme est la condition humaine, son horizon indépassable et que la concurrence, les marchés, et les inégalités seraient le quel système d’organisation possible et souhaitable entre humains.

Le pire flic que nous connaissions est donc dans notre tête et c’est dans la tête également qu’il convient de lutter contre les désastres libéraux, politiques, économiques et sociaux. Cette entreprise d’abandon à toute initiative politique et sociale , est une entreprise de colonisation des esprits. C’est ce que Paulo Freire qualifiait « d’invasion culturelle »; nous sommes amenés à penser avec des mots, avec des concepts qui ont été préalablement piégés et qui ne savent mener que dans un sens unique: l’acceptation, la résignation face aux inégalités, aux injustices , l’insensibilisation face aux souffrances du Monde.

La libération culturelle est logiquement l’objectif de toute pédagogie émancipatrice et pour laquelle Paulo FREIRE a théorisé sa « pédagogie des Opprimés » que nous faisons nôtre et que nous intégrons dans le champ de la Pédagogie sociale comme une composante majeure.

A la base de la Pédagogie sociale, comme dans toute la pensée de Freire, règne en effet cette intime conviction: jamais la réflexion éducative , sociale ou politique ne doit être séparée de l’action. Nous ne libérerons rien à terme, ou à long terme, quand nous ne le libérons pas dès à présent, ici et maintenant. Il ne saurait y avoir d’objectif qui s’affranchisse d’une pratique immédiate; aucune séparation , même temporaire, n’est concevable entre l’étude et l’action , la compétence et la pratique car chez l’être humain ces deux mouvements, ces deux « moments » ne sauraient s’affranchir l’un de l’autre.

Cette conviction, ce manifeste, déterminent et contraignent la pédagogie sociale , comme une pédagogie cohérente, efficace et … inévitable.

Il est inévitable en pédagogie sociale de faire avec ce qui arrive, d’accepter celui qui vient; il est inévitable de prendre en compte ce qu’on attend et ce qu’on fait de nous.Il est indépassable de faire acte de présence et de compétence dans les domaines où nous sommes convoqués par les autres.

Il est indispensable en Pédagogie sociale, alors que les rapports de force sont contre nous , comme contre nos publics de faire « comme si » ; comme si le progrès était possible; comme si l’évolution de nos conditions de vie, d’amour et de travail, comme si notre l’avenir politique ou économique des uns et des autres, comme de nos structures… ne pouvait aller vers un mieux.

Ce « Comme si » correspond exactement au concept de « Als ob » qu’Emmanuel Kant proposait comme soubassement théorique et doctrinal, à l’action. Ce n’est pas un acte de foi, pas un pari sur l’avenir, pas un pronostic rationnel ou savant.

C’est tout au contraire une condition nécessaire, un point d’appui indispensable sur lequel appuyer toutes nos actions efficaces, et qui toutes, à un moment ou à un autre feront inévitablement « mouche ».

Notre journée de Pédagogie sociale, consacrée à FREIRE
ne nous donc pas donné uniquement l’occasion de réaliser une journée d’étude supplémentaire sur un grand pédagogue , avec des apports universitaires et des approfondissements théoriques de spécialistes. Cette journée nous a donné l’occasion d’une performance, d’une fête.

Elle nous donne la possibilité d’investir , non pas dans un sens économique, mais dans un sens stratégique, un territoire, un quartier, un temps , une collectivité.

Les principes d’action immédiate, de « Comme si » et de « Faire avec » , constituent ainsi trois piliers, trois repères pour tous ceux qui souhaitent agir dans leur environnement qu’ils n’ont pas choisi, dans un contexte d’exclusion politique et sociale généralisée, pour bâtir une communauté et les bases d’une action éducative, collective et sociale, durable.

Peu importe par quoi on commence: investir un jardin, une cantine, un bas d’immeuble, une friche urbaine, un bidonville ou un bout de territoire à l’abandon. Peu importe que les actions que nous mettons en avant ciblent l’éducation, la petite enfance , ou les familles; à partir du moment où on s’appuie sur ces trois piliers, toutes ces entreprises convergent et convergeront dès lors, dans un même sens … commun.

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Laurent Ott,

Intermères Robinson – Espace de Vie Sociale/ CENTRE SOCIAL
Longjumeau- Chilly- Massy et Nord Essonne

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