Nous avons souvent cette réflexion issue de nos pratiques en Pédagogie sociale que ce qui fait la vraie valeur de notre travail est rarement mis en avant. ce n’est pas cela que l’on retrouve comme objet dans les demandes de subvention; c’est rarement sur cet essentiel là que portent les demandes de résultats ou d’évaluation.
Curieusement, ce qui fonde et exprime l’originalité intrinsèque de nos actions, n’est pas vraiment financé , ni vu, ni reconnu. Et les mêmes qui ne voient rien sont pourtant les premiers à s’étonner de l’impact de nos actions ou se demandent comment nous pouvons nous y prendre pour entrer en contact, le garder et le conserver avec les publics les plus éloignés, et les plus invisibles depuis les collectivités et institutions.
Il en est ainsi de l’accueil, tel que nous pouvons le concevoir et le mettre en œuvre.Quoi d’extraordinaire en effet dans le fait de vouloir accueillir les publics? Toute institution, le moindre dispositif utilise et met en avant le terme d’accueil.
Nous constatons même, dans le cadre de nos pratiques, combien ce terme d’accueil peut être usé et abusé, quand on en parle sans arrêt dans des institutions, et quand on voit comment elle est mise en œuvre.
Force en effet est de constater que ce que l’on appelle « accueil » dans de nombreuses structures du Social ou champ socioculturel désignent en réalité des services destinés à faire barrière, filtrer, orienter, et au final renvoyer les gens (certes de manière bienveillante ) en leur expliquant que ce n’est jamais ni l’heure, ni le lieu.
L’accueil quand il est pensé comme un lieu, une fonction , quand il est incarné par une personne censée l’assumer, ne peut être qu’une contradiction dans les termes. Quand l’accueil est délégué, il est en effet relégué.
Nous pensons, en Pédagogie sociale, que l’accueil ne saurait être une fonction séparable des autres; que c’est une grave erreur de prétendre l’isoler, ou le limiter aux nouveaux arrivants ou vis à vis des personnes extérieures.
Nous considérons l’accueil comme un effort de l’action et de la pensée qui doit être continu. Ce n’est pas la première fois que nous accueillons une personne nouvelle, un stagiaire, un volontaire, un bénéficiaire ou un partenaire que nous devons l’accueillir; c’est en tout temps et en tout lieu et à chaque occasion de la continuité de nos relations que l’accueil doit être un effort soutenu de la part des pédagogues. L’accueil est ainsi vu comme un processus continu.
Quand nous cuisinons , nous accueillons; quand nous jardinons « avec », nous accueillons. Nous conduisons en accueillant, nous travaillons en accueillant .
Par ailleurs, on associe généralement la notion d’accueil à quelque chose de relativement passif de la part de la personne ou de l’équipe qui accueillent. Ceux ci doivent au mieux être disponibles et bienveillants , mais pour le reste il s’agit d’accueillir, de recevoir.
Il est bien vu que l’accueillant soit à distance et en retrait pour manifester justement par sa passivité et son observation, cette disponibilité recherchée. Évidemment on ne s’aperçoit pas qu’avec une telle conception de l’accueil, ce que l’on met en œuvre c’est justement de la mise en distance, des barrières. Il y a une manière explicite et dramatisée de mettre en œuvre l’accueil qui aboutit justement à ne jamais vraiment accueillir rien, ni personne.
De cette manière là, également notre manière de concevoir l’accueil en Pédagogie sociale tranche avec cette mise en scène dramatique, de la distance et la passivité. Dans nos pratiques, l’accueil que nous mettons en avant est actif . C’est pourquoi nous préférons l’appeler « hospitalité » car ce terme convient mieux à ce que nous faisons, puisque en quelque sorte, nous nous mettons au travail pour et avec l’autre, à chaque fois qu’il vient.
Dans notre conception de l’accueil, nous mettons beaucoup d’empathie, beaucoup de paroles, de mots, et d’actes que nous adressons intentionnellement et justement à celui qui vient. Nous avons toujours une petite phrase, un souvenir à évoquer, une question personnelle, une forme de rituel ou d’habitude avec chaque personne concernée. Accueillir pour nous, c’est faire et c’est faire pour quelqu’un en particulier. C’est abolir les distances et oser la proximité. Tout accueil devrait être unique, comme nous le sommes.
Il s’agit d’accueillir chacun que ce soit pour la première ou la millième fois, COMME JAMAIS! Il s’agit de faire événement par notre accueil, de rompre une monotonie, un ordre établi. Il s’agit d’étonner, il s’agit d’aller au delà des échecs attendus ou annoncés. « Vous avez eu raison de venir ici » – « Vous êtes au bon endroit » , « Nous pouvons certainement faire beaucoup pour vous », telles sont en effet les phrases que nous disons le plus souvent à ceux qui viennent pour la première fois.
Et cela vient bien au delà de toute notion de prestation. Nous n’ouvrons pas de droits, nous ne donnons pas de prestation. Nous n’avons pas (ou si peu) de programme à distribuer . « Nous n’avons pas de programme, disons -nous, ici puisqu’il se passe toujours quelque chose »!
Ainsi nous n’accueillons pas pour faire l’article, ni pour caser ce que nous savons faire; nous accueillons juste l’autre pour lui même et il s’avère que pour ceux qui le vivent, il s’agit souvent d’une expérience rare, voire unique.
Beaucoup de nos anciens volontaires, bénéficiaires, etc. confient des années après comment la manière dont ils ont été accueillis sur nos activités ou dans nos locaux a fait événement dans leur vie, c’est à dire, une rupture. Il y a eu un avant et un après un tel accueil pour eux mêmes. Car cet accueil a été un don, quelque chose de réellement vécu, pas une prestation.
L’accueil que nous mettons en œuvre est ainsi durable , il fait effet pour longtemps. Il marque et engendre des vocations.
Car l’accueil va au delà de l’accueil d’autrui ici et maintenant. Comme l’instituteur en Pédagogie Freinet qui bâtit la journée de classe avec ce que l’enfant amène, ce qui se passe dans la rue et dans la ville, en Pédagogie sociale nous accueillons ce qui arrive, ce qui nous arrive (et qui justement crée ce « nous ») , c’est l’événement, c’est la vie elle même. Nous accueillons ce qui vient.
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Laurent Ott, Directeur,
Association Intermèdes-Robinson
Centre Social – Esapce de Vie sociale – MJC
Chilly-Mazarin – Longjumeau – Nord Essonne
Tel 06 61 48 21 98
http://www.intermedes-robinson.org
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Laurent Ott, Directeur,
Association Intermèdes-Robinson
Centre Social – Esapce de Vie sociale – MJC
Chilly-Mazarin – Longjumeau – Nord Essonne
Tel 06 61 48 21 98
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