La chronique de Nestor Romero :
Je viens d’apprendre la triste nouvelle : 62,4% des parents des écoles primaires de Provins se sont prononcés en faveur du port de l’uniforme par les élèves.

Mais attention, attention aux chiffres jetés ainsi en caractères gras. Il semblerait, en réalité, que 345 familles ont participé à la consultation sur les 609 concernées. Ce qui, contrairement à ce que pourrait laisser penser le pourcentage en gras dans le titre, signifie que seule une minorité a explicitement approuvé l’initiative du maire qui prétend imposer l’uniforme à tous les élèves après les prochaines vacances de la Toussaint.

Il n’en demeure pas moins que nombreux sont les parents qui ne verraient aucun inconvénient (pas seulement à Provins) à la « nationalisation » d’une telle mesure.

Comment est-ce possible ?

Comment, parents, pouvez-vous approuver l’enfermement de vos enfants dans une camisole ?

Comment pouvez-vous accepter que vos enfants soient traités comme des « choses », comme des « ressources » ?

Comment pouvez-vous accepter que vos enfants soient « militarisés » ?

Car ne nous y trompons pas, derrière le prétexte de l’égalité républicaine symbolisée jadis par la blouse grise que l’on voudrait remplacer aujourd’hui par l’uniforme aux couleurs chatoyantes, il y a, vous le savez bien, la volonté de plier les corps et de contraindre les esprits.

Ne voyez-vous pas, parents, l’ineptie, digne du ministre qui l’a suggérée, l’ineptie qu’il y a à brandir le terme central de la fameuse trilogie, non seulement républicaine mais révolutionnaire, pour dissimuler son contraire, la persistante inégalité sous des oripeaux.

Ne voyez-vous pas, parents, que dans cette intention de dissimuler les signes de l’inégalité sociale il y a la volonté d’un gouvernement de perpétuer, de perfectionner encore un fonctionnement social, discriminatoire de toutes les façons, un fonctionnement social impitoyable pour les plus faibles, les plus démunis, les plus pauvres ?

Ne voyez-vous pas, parents, que malgré les proclamations en faveur de l’égalité scolaire rien n’a véritablement changé depuis la création du collège unique en 1975, que l’école des riches et l’école des pauvres sont toujours là, plus que jamais, et que dans cette dernière l’uniforme se porte déjà, par nécessité, parce que les pauvres achètent leurs effets aux mêmes rayons pour pauvres (pauvres, oui, trêve d’euphémismes !) ?

Ne voyez-vous pas, en ce printemps, en ce « parcoursup » lamentable que, une fois de plus et comme toujours, les « riches » sont les premiers servis ?

Enfin ne voyez-vous pas, que travestissant leur corps ce que l’on veut c’est travestir leur esprit par l’inculcation des « valeurs » dites républicaines : autorité décrétée et non pas reconnue, hiérarchie, compétition, mérite (sachant que les méritants sont, sauf exceptions, issus des catégories sociales privilégiées), valeurs sur lesquelles s’enracine et prospère l’inégalité sociale ?

Enfin, ne voyez-vous pas parents de Provins et d’ailleurs, que ce que l’on veut, en « uniformant » le corps des enfants, c’est les priver de leur enfance pour en faire des « ressources humaines » obéissantes et résignées ?

Nestor Romero