Une proposition apparemment anodine, pédagogique, voire artistique, du ministre Blanquer ne provoque pas grandes réactions : chorale tous les matins. Certes c’est la musique en action, le sentiment d’appartenance à un groupe dans une réalisation collective, la fusion dans un collectif producteur, etc. Loin de moi de dénigrer en quoi que ce soit l’intérêt d’une chorale et j’aime particulièrement écouter les gospels pour ce qu’ils procurent de plaisir auditif et même visuel.

Cependant je ferais remarquer que le chant collectif, systématiquement imposé et dirigé avant toute période collective, fait partie des techniques puissantes qui en procurant une certaine extase annihilent toute autonomie et responsabilité individuelle, imposent de se plier non pas au groupe mais à celui qui le dirige. Les écoles mussoliniennes ou des pays totalitaires le pratiquaient systématiquement. Les lever aux couleurs, les marches militaires au pas cadencé et au son des clairons font partie de ces techniques ancestrales. Les écoles Steiner utilisent aussi systématiquement le chant collectif dès le début de la matinée pour « l’éducation du cœur » (les deux autres domaines séparés dans cette pédagogie étant l’esprit et le corps). Les sectes l’ont bien compris ou détourné en utilisant le plus souvent ainsi la pédagogie Steiner dans leurs écoles.

Si le ministre voulait vraiment développer le sens artistique et la musique, je lui suggérerais alors de proposer des séances d’improvisation musicale collective selon la vieille méthode Orff. Il y a bien le plaisir et même l’extase d’appartenir à un groupe qui produit collectivement, la découverte que chacun est capable de produire de la musique avec les autres, mais il ne s’agit plus d’obéir et de produire ce qu’on vous demande de produire : il s’agit de créer collectivement en intégrant sa propre création dans l’écoute attentive des créations des autres pour arriver à une harmonie commune gérée par un tempo.

Il y a bien la musique, l’appartenance à un collectif, la puissance d’un collectif, le plaisir, mais cela n’enclenche pas les mêmes phénomènes, n’induit pas les mêmes choses.

Je n’irai pas jusqu’à dire que l’intention de Blanquer est mussolinienne, mais son insistance est quelque peu troublante.

Allez, chantez tous en chœur « Petit papa Noël » !