Les nouvelles KroniKs sont publiées…
Nous ne sommes plus, et depuis longtemps, dans la période des appels à la libération, au franchissement des barrières, à l’appel de l’aventure et des libérations.
Celui qui ose aujourd’hui s’élever contre les murs, les forteresses , les frontières ressemble à doux rêveur et à un fossile, rescapé des temps anciens et révolus.
Les seules révolutions qu’on nos propose aujourd’hui sont intérieures et les seules libérations, sont condamnées à l’enfermement dans des vies privées, de plus en plus étroites et emmurées.
L’enfermement dans les murs commence par soi même dans une société qui ne promet plus de progrès qu’individuel, et qui affirme que la liberté de quelques uns repose sur l’enfermement de beaucoup d’autres.
Les murs ne servent à rien; et pourtant, ils tiennent encore. On en bâtit chaque jour et à toutes les échelles: dans chaque commune, dans chaque institution, dans chaque cage d’escalier , on y va de son petit digicode, de son badge, de son trousseau et des mots de passe sécurisés.
Les murs ne servent à rien et pourtant on les reconstruit sans cesse, et on redoute leur effondrement, à la moindre fissure qui arrive.
Les murs ne servent pas, mais ils nous asservissent.
La paradoxe du mur est que par nature il enferme des deux côtés tout autant celui qu’on met à l’écart que celui qui pensait se protéger.
La prison n’est pas prison que pour le prisonnier, elle est aussi expérience d’enfermement pour les familles, les gardiens, et même le reste de la société, ainsi que le faisait valoir Foucault.
En éducation, les murs ont ainsi des effets « contraires « à ce qui les justifie et destructeurs dans de nombreux domaines.
Les murs enferment et réduisent la vision du possible, pour tout le monde. Enfants, adultes, parents, professionnels, tous, bloqués par les murs, et limités par eux ne peuvent penser le déroulement du jour, que comme la répétition de la veille. Les murs enferment autant les corps que les pensées. Les premiers s’asservissent, se soumettent, se courbent et s’affaissent ; les secondes s’anesthésient.
Les murs invalident les sens:
Les murs ne servent à rien; c’est pourquoi ils s’écroulent.
Nous sommes encombrés de leurs débris, nous sommes assourdis par le bruit de leur chute. Ils sont encore plus nuisibles en temps d’effondrement, car on est prêts à tous pour les faire tenir coûte que coûte, car on détourne toute l’énergie sociale, économique et politique pour les renflouer. Et c’est peine perdue.
Casser les murs visibles et invisibles, c’est se rendre compte d’abord que les murs dans lesquels on nous enferme servent à la liberté de ceux qui les fabriquent . C’est travailler à comprendre toute la différence qu’il y a entre libéral et libertaire.
C’est cesser de croire que les belles formules du libéralisme nous concernent; ce ne sont pas le libre échange, la libre circulation, la libre entreprise qui nous sauveront des murs. C’est au contraire pour tenter de les protéger qu’on les bâtit.
En Éducation, dans le travail social, comme ailleurs, on commence à briser les murs, en les mettant à nu, en accusant leur nuisance, en cessant de compter sur eux, de se sentir rassurés ou protégés par eux. Ce qui les abolit, c’est de travailler, en dehors d’eux: là où on nous dit que c’est plus difficile, que c’est dangereux.
Contre les murs, il y a la rue. Derrière les murs, il y a nous tous, et ce que nous pouvons être ensemble.
Pour bâtir de nouveau, d’abord , il faut détruire.