« Organise le before de ton avenir », c’est le slogan qui sert à promouvoir, sur les réseaux sociaux, O21 (S’Orienter au 21e siècle), le nouveau rendez-vous créé par Le Monde avec des grandes écoles de management, de commerce et de technologie et sous le haut patronage du ministère de l’Éducation nationale « afin d’aider lycéens et étudiants à comprendre le monde de demain pour faire les bons choix aujourd’hui. ». Quatre villes, Lille, Cenon, Villeurbanne et Paris, accueillent ces « rendez-vous » avec « des acteurs locaux de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up » dans le cadre de conférences interactives accompagnées de vidéos de 35 « personnalités ». L’ensemble est sponsorisé par leboncoin.

Le choix des thèmes des conférences comme celui des intervenant-e-s est révélateur d’une vision des « bons choix ». Pour les thèmes, « A qui me fier ? Mes potes, mes notes, mes rêves ? », « Entre “fun” et “safe”, faut-il absolument choisir ? », « Trouver ma place dans un monde de robots », etc. Pour les « personnalités », quelques universitaires, des chefs d’entreprise, et puis surtout des startuppers, des king coders, des investisseurs, des fondateurs d’associations, des responsables d’incubateurs, délimitant un futur de créateurs diplômés et hyperconnectés … L’artisanat figure dans les métiers présentés, mais c’est « J’ai choisi d’être pâtissière après une école d’ingénieur » ; l’art aussi, mais avec « chercheuse en économie, je suis aussi metteuse en scène ».

Le Monde fait ce qu’il veut, et ce texte n’a pas pour fonction de le critiquer. Mais si on avait un jour un ministère de l’Éducation nationale qui accorderait autant d’intérêt à celles et ceux qui n’iront jamais dans de grandes écoles, ne créeront jamais de startup, ne sont des habitués ni des before ni des after, c’est-à-dire la majorité de nos élèves, qu’est-ce que ce serait bien !

Si on avait un jour un ministère de l’Éducation nationale qui, même s’il patronnait des initiatives « haut de gamme », ne fermerait pas les CIO (50 fermetures ces dernières années) dont la mission première est de s’intéresser précisément à nos élèves « communs » et à leurs difficultés pour se frayer un chemin dans le système éducatif le plus basique, qu’est-ce que ce serait bien !

Si on avait un jour un ministère de l’Éducation nationale qui, pour aider les élèves à « s’inscrire dans les nouveaux défis du siècle », plutôt que ces initiatives qui mettent en avant compétition, individualisme et réussite « hightech », favoriserait, préconiserait, développerait des pratiques de travail collectif, d’échange et de solidarité, qu’est-ce que ce serait bien !

Alain Chevarin, QdC