La victoire de Fillon aux primaires de la droite est comme un coup de tonnerre non pas dans un ciel serein mais dans un climat lourd de menaces pour l’éducation. Si son programme éducatif – finalement très proche de celui de Le Pen – prévoit de ramener l’école très loin en arrière, Fillon traîne également derrière lui un passé – de chef de gouvernement et de ministre de l’Éducation – très caractéristique de la pensée réactionnaire.

De son passé de Premier ministre de Sarkozy, le bilan est lourd : il faut rappeler par exemple la suppression d’une demi-journée hebdomadaire de classe pour les écoliers, ou encore celle de la formation des enseignants mais également la suppression de dizaines de milliers d’emplois à l’Éducation nationale, des mesures imposées brutalement, sans aucune concertation – car c’est ça, aussi, la méthode Fillon – et dont, un quinquennat plus tard, l’école n’a toujours pas fini de payer la note. Comme ministre de l’EN (2004-2005), il se signalera par quelques mesures hautement symboliques qui sentent bon la blouse grise, comme le rétablissement des punitions collectives pour les élèves ou celui de la Marseillaise obligatoire. Tout un programme…

Les années ont passé et la droite fillonesque, toujours plus décomplexée, aligne son projet éducatif sur les représentations les plus rétrogrades. Au cours du dernier débat télévisé entre les candidats de droite, c’est avec une hargne peu commune qu’il a repris les poncifs les plus éculés sur la pédagogie – « l’échec de l’école, c’est la faute d’une caste de pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants » – une conception qui l’avait conduit, donc, à supprimer la formation des profs et qui en dit long sur la pensée sous-jacente de l’individu. Ce n’est quand même pas un hasard s’il bénéficie de l’appui remarqué du lobby ultra- réactionnaire SOS-éducation, vantant « le programme de rupture » du candidat Fillon. De fait, son projet pour l’avenir a tout d’une lourde croisade réactionnaire :

– examens d’entrée au collège comme en lycée, multiplication des redoublements, avec, comme corollaire une généralisation de l’apprentissage pour les enfants des milieux défavorisés ;
– pleins pouvoirs donnés aux chefs d’établissement sur le recrutement des enseignants mais aussi des élèves ;
– suppression de plusieurs dizaines de milliers de postes.

Fillon n’a en outre jamais fait mystère de ses penchants identitaires : avec lui, c’est la vieille morale national-chrétienne qui se voit ouvertes toutes grandes les portes de l’école : dans le très traditionaliste hebdomadaire Famille Chrétienne, il dénonce les programmes actuels « rédigés par des idéologues qui dégradent en permanence notre héritage historique (…) Il y a une perte de repères qui se traduit chez une certaine jeunesse par une attitude très agressive vis-à-vis de la France et de son histoire (…) Nous avons le devoir de redonner à l’ensemble de nos concitoyens des raisons d’être fiers d’être français». C’est dans cette optique qu’il a d’ailleurs évoqué plusieurs fois sa volonté de faire réécrire les programmes d’histoire, à peine entrés en application, par trois académiciens de ses amis. Très révélateur, l’appui remarqué de la cathosphère – en particulier des milieux intégristes proches de la Manif pour tous.

Avec Fillon, on voit avec une certaine frayeur se concrétiser le risque du grand bond en arrière, rêvé depuis de longues années par les pires idéologues – et Fillon est incontestablement un idéologue beaucoup plus retors que Sarkozy : un projet éducatif clairement assumé de régression sociale et d’ordre moral.