Les « passions tristes » (Spinoza via Benasayag) l’emportent : la xénophobie, ciment commun des électorats frontistes culturellement et socialement diversifiés, le ressentiment, la peur sont ces forces qui motivent et renforcent le vote frontiste. Les sondeurs et les sociologues qui commencent à s’intéresser à ce domaine immensément important de la psyché humaine le soulignent : ce sont les sentiments qui ont dominé après les attentats ; ce sont ceux qui dominent après tel faits-divers sanglant, telle image-choc, tout ce qui fait battre le cœur et qui shunte le cortex.
C’est le même processus qui bloque l’apprentissage chez tant d’élèves, ce que Daniel Favre* démontre de façon si convaincante.
C’est aux émotions, aux ressentis qu’il faut répondre. A ce racisme qui remonte si vite (« avec eux ») , à ces non-dits bien plus meurtriers que les propos directs d’il y a peu, à ces haines complémentaires entre les fractions des classes populaires qui viennent de l’immigration et les « bien-de-chez-nous ».
Mais rien ne nous y prépare, nous les profs, nous les militants. Ni notre intellectualisme qui met tout en théorie et qui a peur de l’émotion, qui ne sait pas la traiter, ni l’absence de lieux et de structures où nous puissions en parler pour faire face. Alors, on tient des propos fermes ou on évite en classe les sujets qui fâchent ; et quand on a une étiquette politique ou syndicale, on pond un communiqué de plus et on scande « no pasaran »… comme à chaque fois qu’ils passent.
Si on travaillait à répondre ? A s’outiller pour comprendre les émotions, y compris les pires ? A être responsables ?