Progressisme contre conservatisme, ainsi, selon les « commentateurs », la Ministre a « repolitisé » le débat sur la réforme du collège… en l’enfermant dans l’incontournable querelle pédagogues vs républicains. Le changement, c’est donc bien maintenant… Le ralliement des syndicats pro-gouvernementaux était attendu ; les mouvements pédagogiques ont également salué les avancées du projet. En face, la galaxie réac-publicaine s’est mobilisée pour défendre l’ordre social et ses injustices de classe et en classe. Chacun, en jouant sur l’opposition entre les intérêts de l’élève et ceux des personnels, n’a pas fini d’épuiser ses arguments, la mauvaise foi étant assurément la chose la mieux partagée au monde. Il s’agit ni plus ni moins que de sauver l’école ou de la défendre, de la brader ou de la refonder…
Le résultat est prévisible, si ce n’est l’ajournement du projet, ce sera assurément son édulcoration. Tout se jouera « en haut », de commissions en salons, loin du terrain, non pas dans l’optique de changer l’école – et encore moins la société qui la façonne à son image – mais de l’aménager aux marges en mettant quelques gouttes d’huile dans les rouages du système sans en modifier les mécanismes (la notation et le classement, l’élitisme, la reproduction et la légitimation des inégalités, la perpétuation de la division intellectuel / manuel, la consommation des savoirs plutôt que leur production, etc.).
S’inscrire dans une autre perspective, rappeler qu’il existe un troisième chemin qui n’est ni celui de la réaction ni celui de la réforme, c’est peut-être s’inspirer des deux derniers stages collectifs de 2014 et 2015 [[Le dernier en date co-organisé par l’AFL, la CGT éducation 93, la CNT éducation, la CNT-SO éducation, le GFEN Ile-de-France, la revue N’Autre école, Émancipation, Questions de classe(s) et Sud éducation les 26, 27 et 28 mars 2015 à Créteil et Paris.]] qui ont placé l’égalité au cœur de nos pratiques et de nos combats en travaillant à la subversion de la pédagogie. Si pour cela il faut se saisir des avancées, démasquer les conservatismes ou les hypocrisies des institutions (étatiques et, dans certains cas, syndicales), pourquoi pas. Mais sans se satisfaire de mesures cache-misère. Lutter pour l’égalité sociale et pour l’émancipation individuelle et collective exige d’autres ambitions : de temps, de moyens, de priorités, de changements de structures, de ruptures avec le système et son fonctionnement. Un vrai débat mériterait d’être ouvert – par exemple sur ce site – entre celles et ceux qui se retrouvent sur le terrain pour tenter de transformer, par leurs combats et leurs pratiques pédagogiques, l’école et la société. Il permettrait de clarifier nos engagements sans céder aux illusions d’alliances de circonstances soit avec ceux qui ont abandonné tout désir de changer vraiment le système soit avec ceux qui s’enorgueillissent de vouloir le conserver…
C’est en portant ces analyses et ces exigences que les révolutionnaires seront peut-être les plus conséquents des réformateurs…

Grégory Chambat, enseignant en collège, membre du collectif d’animation de Questions de classe(s)