De quelque bord provienne cette aspiration à changer l’école, elle lie l’école à une autre vision de l’humain et de la société. Épanouissement, développement de toutes les potentialités, créativité, respect des personnes, coopération, égalité des chances, etc. La révolution sociale n’est pas forcément la perspective de tous, mais tous ressentent qu’une autre école influera nécessairement sur au moins les comportements sociétaux et tous conviennent que l’école actuelle conforte si ce n’est induit la société inégalitaire et destructrice dans laquelle nous sommes.

OUI MAIS !

Oui mais, changer l’école c’est changer tout le système dit éducatif, si tant est que l’on ait encore besoin d’un « système éducatif ». [[On peut admettre que l’on ait encore besoin d’un système éducatif… au moins provisoirement. C’est plus facile à concevoir si l’on compare par exemple aux systèmes agricoles : l’agriculture biologique avec une autre finalité que l’agriculture industrielle (profits pour cette dernière) requiert de pouvoir s’inscrire dans un système global radicalement différent induisant lui-même d’autres organisations territoriales (petites structures, polyculture…), d’autres comportements et rapports sociaux… Le système agricole actuel, soit rend difficiles les pratiques bio, soit les vide de leur essence en les intégrant dans le système de l’économie de marché. Changer les fermes comme changer les écoles demande à changer les systèmes.]]Dès l’instant où l’on conserve des expressions comme « échec scolaire », « enfants en difficulté », « réseaux d’aide », « programmes », « contenus », « diplômes », « évaluations », « niveaux »… on reste dans le même paradigme. Le système est bien plus fort que l’école et ses enseignants.

Oui mais, changer le système éducatif, c’est changer sa finalité : s’il s’agit que « aucun enfant ne sorte du système sans qualification » comme il est répété aujourd’hui, alors rien ne changera, quoi qu’on fasse.

Oui mais, changer le système, c’est changer la position de tout le monde dans ce système, bouleverser beaucoup de pouvoirs, de situations confortables, de prés carrés… et évidemment de croyances.

Oui mais, même pour les plus révolutionnaires, il restera encore longtemps l’idée qu’à l’école il faut bien que tous les enfants « apprennent », qu’elle est d’abord faite pour cela. Tant qu’on ne reconsidérera pas les conditions dans lesquelles s’enclenchent et se développent différemment tous les processus de constructions cognitives, tant que subsistera, même vaguement, l’idée de transmission de ce qui doit être transmis ou appris de par la grâce ou le savoir d’enseignants, le système éducatif et la chaîne industrielle qui le constitue ne changeront pas, parce qu’ils sont faits pour cela.

Avec les meilleures intentions du monde, même avec les plus révolutionnaires du monde [[Le système éducatif communiste était à peu près identique au système éducatif capitaliste.]], l’école ne changera pas si on ne remonte pas à la cause des causes : comment se construisent (s’auto-construisent) les personnes et par voie de conséquence et rétroaction les groupes sociaux.

Je sais bien qu’il n’y a pas qu’une cause aux causes, mais en s’attachant à celle-ci, c’est tout l’édifice qu’on peut reconstruire autrement avec toutes les conséquences sociétales induites. C’est bien pour cela que tous les tenants et bénéficiaires de l’ordre politique, social, et économique se gardent bien de l’évoquer.