Et voici que l’on nous crée un nouveau climat de guerre ; comme d’habitude les conflits où nous sommes engagés malgré nous ne reposent sur aucune consultation ou décision commune ; encore moins de débat ou de concertation.
Tout est déjà dit car nous vivons un temps de tautologie : l’ennemi est un barbare ; on ne parle pas avec les barbares, on les réprime et on les mate comme on terrorise les terroristes.
Curieux tout de même que ces deux lettres, EI puissent aussi être l’acronyme de cet ennemi intérieur que l’on nous crée chaque jour. Le véritable ennemi, le plus sournois, c’est lui, le voisin, soupçonné d’immigration (ou d’infiltration) même quand il est français depuis plusieurs générations
Les jeunes des cités, marqués du sceau de l’immigration connaissaient déjà les couvre feux, les interdictions de traîner en bas de l’immeuble, les contrôles dès qu’ils quittaient leur quartier ; les voici aujourd’hui potentiellement interdits de quitter le territoire, enfermés dans un Etat qui les rejette.

Toute violence sociale est ainsi criminalisée et particulièrement ethnicisée. Il ne s’agit plus d’entendre mais de dissuader, plus de comprendre , mais de réprimer. Au point que ceux qui malgré tout s’interrogent et se posent des questions sur les violences institutionnelles, économiques, politiques et ethniques qui sont à l’origine des conflits sociaux et sociétaux, sont toujours en passe de se voir accusés de complicité.

Nous vivons dans l’ignorance de ce qui a conduit au droit et à la liberté. Le renvoi dans la sphère de la barbarie de toute conflictualité, visibilité, révolte , nous condamne à une posture d’inaction et d’obéissance face à la violence de l’ordre établi.

Nul doute que bon nombre de violences actuelles, que nous rejetons en bloc , ne soient le négatif de nouveaux droits à conquérir. Des droits à conquérir dans l’éducation, où toute justice est quasiment absente de la relation aux élèves, ou d’autres droits tout aussi élémentaires en matière d’orientation sont encore à ce jour absents .

Nul doute que les revendications identitaires qui fusent ici ou là avec violence ne soient que l’envers de l’indifférence aux différences, du mépris des histoires singulière et des oppressions spécifiques , dans lesquels s’enferment nos institutions.

Nous oublions que les quelques droits dont nous disposons encore ont eux aussi été gagnés dans la violence et dans le conflit ; nous oublions que le droit seul ne crée pas du droit, mais qu’il y faut aussi de la révolte et de l’insoumission.

Le droit seul ne crée pas le droit, nous seuls pouvons en gagner ou en sauver quelque chose, en contrevenant à la société qu’on nous fait, en dénonçant l’image du monde dont on nous baigne, en refusant de croire à la barbarie et au barbare dans les quartiers, les classes et le monde entier.