L’enseignement de la philosophie souffre d’une image bien souvent négative auprès des élèves pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles consiste dans la difficulté pour les élèves à saisir le lien entre cet enseignement et des situations concrètes. L’étude de cas peut constituer une modalité intéressante pour palier cette difficulté.

Qu’est-ce qu’une étude de cas ?

Utilisée dans différentes situation d’enseignement, en particulier en formation professionnelle, l’étude de cas désigne une situation possible ou réelle. Le travail sur une étude de cas se distingue du jeu de rôle ou de la simulation. En effet, alors que dans ces deux dernières pratiques ont demande aux participants d’incarner directement la situation, dans l’étude de cas, on fait davantage appel à leur capacité d’analyse.

Néanmoins, le travail sur une étude de cas ne peut pas être mené de manière identique dans les pratiques philosophiques avant la terminale et durant l’année du baccalauréat. En effet, bien souvent les pratiques avant la terminale font appel à des capacités de réflexion qui ne s’appuient pas sur la référence à des auteurs de la tradition philosophique. Or s’il est possible de parvenir à intéresser les élèves au questionnement et à la réflexion philosophique, la référence à des auteurs leur apparaît comme inutile.

Il est possible pour palier cette difficulté de prévoir une grille d’analyse de cas qui fasse appel non seulement à la réflexion personnelle des élèves, mais qui leur demande également d’approfondir cette réflexion par la référence aux argumentations d’auteurs, avant de pouvoir proposer une solution.
Les cas peuvent couvrir des aspects très différents du programme de terminale : identité personnelle, vérité et réalité, épistémologie, morale, politique ou anthropologie philosophique…

Typologie des formes de cas utilisables

Il est possible de répertorier différents type de cas possibles :

a) Les cas expériences de pensée.

Ce type de cas peut être produit à partir en particulier d’exemples tirés de l’histoire de la philosophie, mais la science fiction en fourni également un grand nombre. Il est possible de citer quelques exemples :

– L’anneau de Gyges (Platon) : Peut-on avoir des raisons de rester moral si l’on est doté grâce à un anneau magique du pouvoir de se rendre invisible ?

– L’expérience des « cerveaux dans une cuve » (du philosophe H. Putnam) : Est-il possible d’imaginer que nous serions des cerveaux dans une cuve branchés à un ordinateur qui produirait notre illusion du monde réel ?

– L’hypothèse « Bienvenue à Gattaca » : Pourrait-on accepter d’organiser la société sur la base d’une sélection génétique des individus avant leur naissance ?

b) Les cas « conférences de citoyens » :

Ce type de cas convient en particulier au traitement de questions philosophiques portant sur des questions scientifiquement vives (QSV) par exemple liées à des controverses socio-techniques ou des questions ayant trait à la bio-éthique :

– Le comité d’éthique : les élèves sont invités à discuter et à prendre position sur une question touchant au début de vie, à l’expérimentation animale ou humaine, ou encore sur la fin de vie.

– Le forum hybride : les élèves sont invités à discuter un cas qui met en jeu les conséquences des progrès techniques sur l’environnement ou l’être humain.

c) Les cas dilemmes moraux

Il s’agit de s’appuyer sur une situation possible ou réelle qui implique un dilemme. L’un des cas les plus utilisés est celui de Heinz.

– Le cas Heinz (d’après Kohlberg) : l’épouse d’un homme est atteinte d’une grave maladie. Elle a besoin d’un médicament qui est trop cher pour son époux, Heinz. Le pharmacien refuse de leur donner le médicament ou de le vendre moins cher. Heinz, a-t-il le droit de le voler ?

d) Les cas « impliquant » :

Le cas « impliquant » consiste à s’appuyer sur une situation possible à laquelle un élève peut directement s’identifier :

– Comment réagiriez vous si un de vos amis vous expliquait que la politique mondiale était orientée par une société secrète les Illuminati ? Ou que les pyramides d’Egypte ont été construites par des extra-terrestres ?

La grille d’analyse de cas.

Les élèves peuvent être interpellés en tant qu’individu pour analyser et produire une solution. Mais il est possible d’organiser l’analyse d’étude de cas sous la forme d’une « communauté de recherche » (Lipman). Les élèves doivent coopérer pour analyser et trouver une solution collective au cas.

Afin que l’étude de cas puisse pleinement jouer son rôle d’articulation entre la théorie philosophique et la réalité empirique, il est nécessaire de veiller aux points suivants :

a) Faire en sorte la grille méthodologique d’analyse de cas encourage les élèves à l’étudier sous diverses perspectives possibles. Il faut donc qu’il se décentrent de leur point de vue personnel. Ils peuvent être sollicités à prendre en compte l’argumentation qui serait déployée par différents acteurs sociaux aux perspectives divergentes.

b) Il faut que la grille d’analyse invite les élèves à rapprocher ces positions de celle de philosophes.

c) Il faut qu’elle leur demande de dégager le problème philosophique et les conceptualisations opposées qui sous-tendent les discours des acteurs.

d) Enfin, elle doit les inviter à défendre une solution en la justifiant philosophiquement.

Exemple : Le comité d’éthique.

Il est possible de préciser que le comité d’éthique est composé de religieux, de scientifiques ou encore d’acteurs économiques.

On peut leur demander de dégager tout d’abord l’argumentation de chaque type d’acteurs.

La grille d’analyse de cas peut ensuite les inviter à se servir de leur cours pour dégager le lien entre les positions des acteurs et des thèses philosophiques : utilitarisme économique (Adam Smith), rationalisme scientifique des lumières (Condorcet), respect absolu de la personne humaine (Kant).

Il est possible à partir de cet exemple de montrer l’importance dans les décisions du Comité national d’éthique des réflexions de Kant sur le respect inconditionnel de la personne humaine (Cf. par exemple les écrits de Lucien Sève à ce sujet : Qu’est-ce que la personne humaine ? – Bioéthique et démocratie).