Même remis à ses justes proportions (un quart de 43 %), l’affirmation du FN aux européennes nous interroge tout particulièrement ceux qui veulent conjuguer éducation et égalité.

L’analyse n’est pas si évidente à faire : quand on parle du vote des jeunes peu ou pas diplômés (je laisse ici la radicalisation d’une partie de la droite classique), on touche plusieurs registres :

le ressentiment vis-à-vis des « intellos », bloc générique où l’on retrouve, assimiliés, les politiciens et les profs, autrement dit ceux qui « savent parler » « raconter n’importe quoi » « nous enfumer » ;

le fossé entre jeunes issus de l’immigration et les autres, qui vivent mal la rage des premiers, avec ce que cela veut dire au quotidien comme agressivité et rivalités ;

la crainte de certains faiblement diplômés de « tomber plus bas », cette réaction qu’un auteur américain a bien décrite et qui fait que « les pauvres votent à droite »

la réaction assez semblable dans le fond de ceux qui, issus de l’immigration, veulent bien montrer qu’ils en sont sortis, qu’ils ne sont pas « pareils » que ceux qui viennent d’arriver. On a constaté parfois de drôles d’attitudes vis-à-vis des sans-papiers.

Beaucoup d’hypothèses, qui ne sont pas contradictoires entre elles mais qui méritent confirmation. A creuser si on ne veut pas rester dans la plainte.

Mais l’analyse ne suffit pas, c’est de riposte dont nous avons besoin.

On peut bien sûr crier son dégoût dans la rue et coller des affiches vengeresses. Efficacité ?

Deux pistes à discuter sur notre site (et au-delà bien sûr !) :

l’existence de lieux et d’activités qui permettent à tous de sortir de l’isolement ; un petit exemple : le jour des élections, une fête de quartier pas comme les autres, la Rue aux enfants, se déroulait dans le 19°arrondissement de Paris; j’y ai vu le contraire du résultat que tout le monde prévoyait : immigrés ou pas, familles pauvres, modestes ou de salariés ordinaires, enfants, adultes et vieux, dans une fête tranquille, non-commerciale, gérée par tous, dans le suivi des activités du Cafézoïde, un café des enfants à l’orientation émancipatrice proclamée et vécue. Ne peut-on pas faire le pari que la multiplication de ces lieux et de ces moments pourrait être une antidote possible au refus de l’autre, au remâchage haineux ?

Une école qui affirme ses choix égalitaires, dans ses manières d’enseigner sans résignation devant l’échec, d’éduquer au collectif, de tenir un langage fraternel aux parents. Là encore, tout un travail, de multiples et longs chantiers. Cela n’empêchera pas la fuite vers le privé, mais qu’au moins dans notre domaine on affirme autrement qu’en déclarations vagues et creuses d’autres valeurs que celles de l’argent, de la réussite contre les autres, de l’étiquetage ethnique. N’est-ce pas une priorité ?