Les visiteurs de Questions de classse(s) connaissent bien Bernard Collot….

L’ouvrage qu’il vient de publier Chroniques d’une école du troisième type aux éditions l’Instant Présent, rassemble 49 des chroniques qu’il a tenu sur le Blog-radio d’Arte et qui nous permettent de découvrir à la fois les principes mais aussi le quotidien de ce qu’il a appelé une « école du 3ème type », une école qui entend rompre radicalement non seulement avec l’école traditionnelle mais également avec notre manière d’aborder l’éducation.

Cette école, celle dans laquelle il a vécu sa carrière d’instituteur, il l’a définit ainsi : « une école sans cahier, sans leçons, sans programmes, sans évaluation, sans horaires, sans emploi du temps, ouverte aux enfants et aux adultes même pendant les vacances. » Difficile donc d’imaginer plus « extra-terrestre », plus éloigné de notre vision de l’enseignement… Difficile aussi de ne pas vouloir aller y voir de plus près et de plonger dans ces chroniques pour comprendre de quoi il retourne…

De manière étonnante, c’est en se référent à la science, que cette visite commence. D’accord, le « non-programme » de l’école du 3ème type s’intéresse beaucoup aux activités scientifiques, mais c’est d’abord en se demandant ce que les sciences ont à nous apprendre des mécanismes de l’apprentissage que Bernard Collot nous invite à rentrer dans son école. Le sujet est ardu, la simplicité du ton, la qualité du style, et surtout la clarté des nombreux exemples, aident le lecteur à s’y retrouver. Au centre, « les langages » (scientifiques, artistiques, etc.), ceux que l’éducation doit nous aider à construire, à nous approprier. C’est également dans l’apprentissage du langage courant, dans la façon dont un enfant apprend à parler, qu’il faut chercher la matrice de cette pédagogie. En s’inspirant de cet apprentissage, on pourra donner accès aux autres langages – ce qui ne veut pas dire qu’il faut les confondre, Bernard Collot nous explique bien par exemple que l’écrit et l’oral ce n’est pas du tout la même chose…

Une fois présentée cette idée des langages, la visite se poursuit : l’aménagement de l’espace – qui doit répondre aux besoins de chaque apprentissage puisque l’école « doit être une maison d’habitation et non un bâtiment d’élevage », l’organisation du temps – qui ne doit pas entraver la soif de connaissance, quel que soit le moment où elle s’exprime, le fonctionnement du collectif – où la présence d’enfants de tous les âges (le « multi-âges ») est un élément déterminant et pédagogiquement décisif.

Concernant, par exemple, la question des rythmes scolaires, Bernard Collot y consacre une chronique qui se conclut ainsi : « Le problème des rythmes, c’est le problème de la conception tayloriste du système éducatif. C’est la conception même de l’école que les rythmes biologiques remettent en cause. On veut prendre en compte les rythmes des enfants pour les ajuster aux rythmes d’une chaîne. Ladite chaîne scolaire devant, elle, s’ajuster aux contraintes économiques et sociales. Si l’intention est louable, comme je l’ai déjà dit pour l’évaluation, c’est un problème insoluble si on ne change pas radicalement la conception de l’école, si l’on ne change pas radicalement de paradigme. »

« Mais qu’est-ce que l’on y fait dans cette école s’il n’y a plus de leçon, plus d’exercices, plus de cahiers, plus de programmes ? C’est la question qui angoisse quasiment tout le monde, surtout les enseignants pour qui la question n’est pas tellement « qu’est-ce que les enfants font » mais « Qu’est-ce que je vais leur faire faire ? ».
La réponse peut être simplissime : les enfants y vivent ! »

Il serait trop long ici de vous détailler le quotidien de cette école, la manière dont l’évaluation, le rôle et l’intervention des parents, les règles de fonctionnement, etc. y sont subvertis… Je vous recommande juste de demander à Bernard Collot de vous ouvrir la porte de son école pour une visite guidée grâce ces Chroniques d’une école du troisième type. Vous y croiserez des bébés dauphins, des fourmis, des limaces, des autoroutes, des fenêtres aux innombrables carreaux… mais surtout vous y ferez l’expérience d’une rencontre du « troisième type » avec une pédagogie pragmatiquement révolutionnaire qui aspire à transformer l’école en une entreprise éducative collective.

Bonne visite !

Grégory Chambat

Chronique d’une école du troisième type, tome 1, Bernard Collot, L’Instant présent, 2013, 232 p., 18 €.

Ce billet reprend le texte de la chronique lecture, tous les 2ème mardi du mois dans l’émission des syndicats CNT éducation RP sur Radio libertaire à télécharger ici.