Paris le 6 mai 2014

Occupation d’école dans le 19ème : les raisons d’une mobilisation

Les parents d’élève de l’école Ourcq A – située rue de l’Ourcq, prés de la porte d’Aubervilliers, dans le 19ème – ont décidé d’occuper l’école certains jours de la semaine afin de protester contre la suppression d’une classe à la rentrée prochaine. Pourquoi cette mobilisation ?

Le Rectorat justifie cette fermeture en arguant des effectifs de l’école, qui sont en moyenne de 19 élèves par classe, quand le seuil de fermeture est à 25 …

Mais c’est justement cette logique purement comptable que contestent les parents, d’autant plus que dans le cas présent elle est purement et simplement fausse !

Ourcq A compte en effet deux classes « spécialisées » :

– une UPE2A (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones. Arrivants) qui accueille des enfants non francophones arrivant en France (comme dans le film La tour de Babel …) ; cette classe compte 15 élèves maximum et, comme on peut s’y attendre, elle est toujours au maximum de ses effectifs (16 élèves même cette année).

– une CLIS 1 (Classe pour l’Inclusion Scolaire, pour des élèves dont la situation de handicap procède de troubles des fonctions cognitives ou mentales) dont l’effectif est limité à 12.

Or ces élèves sont « inclus » dans les autres classes de façon régulière, parfois sur un temps long (une matinée) et, pour les élèves de CLIS, sans accompagnement particulier (sans AVS, auxiliaire de vie scolaire). Si l’on ajoute ces élèves dans les effectifs de l’école, ceux-ci montent à 20 élèves par classe (262 pour un seuil de fermeture de 275) ! Surtout, on voit bien que les inclusions d’élèves non francophones ou en situation de handicap ne sont utiles que si l’enseignant de la classe qui les accueille leur accorde effectivement une attention particulière leur permettant d’être des élèves à part entière : ces élèves comptent double d’une certaine façon ! Sinon la politique d’inclusion n’est que de la poudre aux yeux.

Il faut ajouter à cela que dans ce quartier du 19ème arrondissement, même si la mixité sociale est bien présente, les difficultés sociales et la paupérisation d’une partie des habitants sont ressenties dans l’école qui est classée « Réseau de réussite scolaire » (anciennement « ZEP »). Or difficultés sociales et difficultés scolaires sont liées, on le sait bien. Et la réduction des effectifs dans les classes est un des moyens de lutter contre l’échec scolaire, dans un contexte social défavorisé, comme le soulignent un certain nombre d’études (voir par exemple L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français, Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire (École des hautes études en sciences sociales), Les dossiers évaluations et statistiques, N°173, mars 2006. http://cache.media.education.gouv.fr/file/48/4/2484.pdf).

Est-ce un hasard si les enseignants de Ourcq A constatent précisément un effet positif des petits groupes sur les apprentissages ? Comme le souligne une enseignante : « les petits groupes de cette année en ce1 ont permis des décloisonnements et des adaptations pédagogiques qui ont été bénéfiques aux enfants (par exemple un élève d’âge CM2 anciennement clin et non lecteur inclus en ce1 et avec un emploi du temps particulier). Ainsi tous les élèves de ce1 sont lecteurs »

Enfin, last but not least, les spécificités de cette école apparaîtront mieux si l’on ajoute qu’elle accueille également des enfants des campements roms alentour, enfants qui n’ont jamais été scolarisés (premier problème : leur fournir un cartable …) – accueil pour lequel elle a été félicitée par la LDH et RESF …

Bref, comme le dit un rapport publié sur le site de l’éducation nationale, « Pour contribuer à l’équité dans les écoles et lutter contre l’échec scolaire, les études de l’OCDE montrent que le niveau de financement doit tenir compte des besoins spécifiques des élèves les moins favorisés »http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/09/consulter_la_comparaison_internationale_sur_l_education_prioritaire1.pdf

L’école Ourcq A a réussi jusqu’à présent à relever les défis liés à ses spécificités sociales et scolaires. Cet équilibre risque d’être rompu. L’équité n’est pas l’égalité : l’équité, c’est donner plus à ceux qui ont moins. C’est pour faire entendre ce message à une administration qui annonce une fermeture de classe une semaine avant les vacances de Pâques (élections municipales obligent), sans avoir averti à temps l’équipe enseignante pour qu’elle puisse déposer un dossier « plus de maîtres que de classes » et qui propose que les élèves de CLIN soient tout simplement « inclus » … dans l’école voisine, que les parents mobilisés ont décidé d’occuper l’école.

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