Réflexions suite à l’atelier :
La parole EN CLASSE, vecteur de pensée collective et individuelle.

D’abord je trouve ce titre et sa façon de le formuler TRES explicite en soi.

Et, sans vouloir “couper les cheveux en 4”, voici le cheminement de la pensée qu’a provoqué en moi cet atelier,

LES QUESTIONS :

Plus que chercher à me référer à la pédagogie Freinet  ou chercher à appliquer une méthode, je constate que :

Pour que l’enfant puisse développer sa pensée, il est important qu’il prenne sa place dans la classe et ceci se fait à travers la possibilité pour lui de parler (parole individuelle). L’intelligence se construit en sortant ses pensées hors de son esprit.
Mais, que signifie PARLER = parler vraiment ( ?): 
Pouvoir dire ce qu’on pense (ce qui est en train de s’élaborer dans sa tête, donc basé sur son vécu : son intime) à propos de quelque chose.
Et ce quelque chose a du sens pour moi ET doit en prendre pour les autres, si on est dans l’échange. 

1°) Or, ce qui m’a frappé  dans le film c’est que, pour que cela soit possible : Il est indispensable de proposer des cadres à la parole:( les différents temps décrits). Afin de  “saisir” pourquoi on parle.
Même les enfants le disaient dans les extraits du film : “Non là tu dois pas parler de ça, maintenant mais à un autre moment…..c’est dans le “quoi de neuf”…
Et à partir de là ils discutent vraiment et cherchent à comprendre, écouter, raisonner…

Il me semble que Le propre du langage c’est que ça intéresse spontanément les enfants de faire du METAlangage = parler SUR la langue (comment elle est faite, à quoi elle sert…. pourquoi on peut ou peut pas dire ça là, comme ça…)
Et tout ça SANS faire de leçons de  grammaire ….

2°) Mais aussi on a envie de parler même si on est hors sujet ! Et, pour parler vraiment, il faut que cela vienne de son moi intime, de SES questionnements, doutes…..
Pour parler vraiment  on a besoin d’un cadre (de quoi on va parler),
MAIS aussi de liberté : parce que la parole vraie si elle est trop cadrée, elle ose plus sortir : des fois qu’on se tromperait !
 
Oui mais alors : que faire de l’intime hors propos, du hors sujet, du trop perso du…. c’est pas le moment
La question d’une participante m’a aussi frappée (car parfois je la ressens intensément dans ma pratique) :
” A être celui qui donne la parole aux enfants, on peut avoir le sentiment d’être  celui qui a les pleins pouvoirs sur la parole finalement….” Qui a seul le pouvoir de distribuer cette parole. De décider ce qui est bien ou pas !
Et ça l’enfant peut le ressentir comme “seule la parole de l’adulte compte finalement ?”

LES REPONSES :

à ces 2 questionnements (le droit à la parole et la nécessité de la réguler dans différents temps) suite aux débats dans le groupe présent :

Voici pour moi deux  interventions qui m’ont aidé à clarifier ma position par rapport à “parler  avec les enfants” et le sens que cela a dans la classe :

1°) SE RAPPELER QUE PARLER EST UN DROIT POUR L’ENFANT : il a droit à la parole !
Mais CE DROIT EST CORRELATIF D’UN DEVOIR : respecter celui à qui on parle, celui qui écoute = finalement est-ce le bon moment et/ou la bonne personne ?

Je réalise que comprendre cela pour l’enfant c’est déjà se construire symboliquement, c’est à dire se décentrer. Comprendre qu’on est à la fois le centre et pas le centre = que l’autre est différent de moi. 
C’est la logique paradoxale de l’apport de l’individu au groupe (et réciproquement) :
C’est que cela permet d’être dans un aller/retour constant entre DEDANS et DEHORS (soi).

2°) LA PAROLE DIFFEREE N’EST PAS UNE PAROLE PERDUE.
Là aussi l’adulte qui reçoit la parole a un devoir de réponse.
Parfois cela sera simplement signifier à l’enfant qu’on l’a entendu mais qu’on en parlera dans d’autres conditions (et le faire vraiment): c’est montrer qu’on l’a pris en compte, en proposant une autre modalité ou un autre temps d’écoute.

Je réalise aussi que si l’enfant entrevoit que différer de l’immédiateté de la réponse n’est pas être considéré comme inexistant ou sans parole légitime, alors il aura fait un grand pas vers …le développement de ses capacités d’apprentissage c’est à dire accepter la frustration inhérente à la réalité, qui n’est pas la satisfaction immédiate de ses désirs, ou la réussite systématique de ce qu’il entreprend.
Et, qu’avec l’effort et le temps, on gagne en contentement :
l’autonomie ça a un prix.

3°) PLUS ON DONNE LA PAROLE A L’ENFANT, PLUS IL VA ETRE A MÊME DE L’UTILISER.

Et c’est ainsi que l’on va dans le sens d’une Co construction des savoirs.

4°) Les enfants travaillent mieux quand ils ont réussi à comprendre qu’ils fonctionnent en GROUPE CLASSE PLUTÔT QU’EN INDIVIDUS.

 

CONCLUSION  POUR FAIRE UN LIEN AVEC LA RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES :

LE  DANGER  AVEC  CETTE REFORME C’EST QU’ELLE VEUT NOUS ENTRAINER DANS apprendre le langage aux enfants pour ” PARLER POUR ÊTRE LE PLUS COMPETENT”
et non plus parler parce que j’en ai envie parce que cela a du sens et que je suis reconnu quand je parle (même maladroitement) 
On ne tient plus compte des tâtonnements incontournables pour construire sa route. Et du temps (et la confiance en l’humain) que cela nécessite.

ELLE IMPOSE D’ALLER VERS LA PRISE DE PAROLE UTILE.

Alors que justement il ne faut pas confondre : structurer et développer la pensée (personnelle) et non la  modéliser. 

Parfois je me demande s’il ne vaudrait pas mieux pas abandonner toute idée de pédagogie de l’enfant par le biais de l’EDUCATION NATIONALE en maternelle et revenir (en ce qui concerne la maternelle) à ses origines = lieu de garderie pour parents au travail ne pouvant s’occuper de leurs enfants.
Car de fait l’école = instruction n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans.
Cela fera moins de ravages dans la tête des enfants plutôt que chercher à tout prix à les rendre de plus en plus performants !
Au lieu de les laisser vivre leur temps de petite enfance le plus sereinement et simplement.

Plutôt que les rendre éternellement dépendants………des jugements d’autrui.

Francine MISRAHI professeur des écoles en maternelle. (syndiquée à Sud Education)

Merci pour d’éventuels retours sur le site que vous feriez à propos de mes réflexions à partager avec vous.

Je vais vous envoyer aussi deux poésies qui pour moi illustrent à leur manière ce que serait : accueillir la parole de l’enfant.