AGSAS-Lévine Ateliers de philosophie

L’idée de départ du dispositif, c’est de faire en sorte que chaque individu puisse avoir accès à la pensée rationnelle. Lévine a beaucoup travaillé sur les dispositifs de Matthew Lipman

Mais très vite, Lévine a cherché à dépasser ce travail en permettant à chaque enfant de produire sa propre pensée sur les questions de l’humanité.

Les grands principes du dispositif

Première chose : l’adulte ne participe pas à ces ateliers, il n’intervient jamais. Il se tient à l’extérieur du cercle et n’est là que pour poser le cadre.

Il s’agit de définir un protocole de déroulement des séances (qui ne dureront pas plus de 10 minutes).

Ce n’est pas un enseignement. L’idée est d’introduire du non scolaire dans le scolaire.

Objectifs

1. donner à tous la possibilité de faire l’expérience de la réflexion, d’être la source de sa propre pensée, de l’exposer, de s’autoriser à penser.

2. proposer quelque chose qui soit autant de l’ordre de l’intime que du groupal et de l’universel. Cela repose sur l’individuation : construire son identité en partant du groupe.

3. Savoir qu’on a le droit de penser, et qu’en le faisant, on participe à quelque chose de collectif.

4. Constituer un groupe de pensée. La pensée commune à travers la pensée individuelle. Le cheminement est le suivant : de l’émotion au mot, à l’idée.

Déroulement

On dit aux enfants ce qu’on va faire puis on leur demande s’ils veulent participer. Dans un troisième temps, on leur explique comment cela se déroule. Ensuite, on explique les différents rôles : le président, le secrétaire le garant et un éventuel maître du temps.

Le président se charge de rappeler les trois règles des ateliers. C’est aussi lui qui donne la parole.

Le secrétaire est celui distribue le « témoin » de la parole (bâton, boîte etc…)

Le garant est celui qui garantit le travail du président. Il est également le seul à pouvoir prendre la parole sans avoir à la demander.

Durée : 10 minutes est la durée idéale.

Comme le dispositif est autogéré par les enfants, on peut introduire un 4ème rôle, celui de maître du temps.

Trois règles :

droit à la parole / droit au silence. Pour avoir droit à la parole, je dois la demander.

Je ne dois jamais être agressif, ni utiliser la parole pour autre chose qu’exprimer ce que je pense, ce qui induit qu’il n’y a pas une vérité absolue.

Règle de confidentialité. La parole de chacun, c’est le groupe qui en est le garant et le dépositaire. Quand je dis quelque chose au groupe, ça ne m’appartient plus, ça appartient au groupe qui seul peut décider ce qui en est fait (le partager ou non avec les parents, l’exposer, le montrer ou le laisser en classe)

Il faut au moins 3 ou 4 séances avant que les enfants s’approprient les règles et 6-7 séances pour qu’émergent des réflexions dépassant les premiers échanges avec redites. C’est souvent très long mais la pensée mature souvent sans pour autant être exprimée immédiatement.

Pour conserver des traces de ces échanges on peut soit utiliser un enregistrement audio ou vidéo. On peut également retranscrire en écrivant. C’est un peu plus contraignant en revanche.

On peut établir une liste de thèmes (la faire établir par les enfants)
Lévine dit qu’il n’y a pas de pensée, sans dialogue intérieur. Lorsqu’on écoute, on n’est pas seulement dans l’écoute mais dans un dialogue intérieur. On pense ce qu’on entend.

Il faut que les enfants sachent bien qu’il n’y a pas de jugement de ce qui est dit. Tous les enfants doivent s’autoriser à penser et à parler de tout ce qu’ils veulent. C’est un espace où ils peuvent tout dire tant qu’ils respectent les trois règles du dispositif.

En maternelle, on peut utiliser une boîte, la boîte à parole. On la fait passer. Si on a quelque chose à dire on l’ouvre et on parle sinon on la laisse fermée.

« Nous sommes là en tant qu’habitants du monde » C’est une phrase qu’on peut utiliser pour introduire les ateliers philosophiques car elle en reflète bien l’idée. Nous ne sommes plus les élèves d’une classe ou les habitants d’une ville, ni même les citoyens (ce qui induirait une autre dimension)

Michel Tozzi a fait des ateliers à visée philosophique. C’est une autre manière d’aborder les ateliers philosophiques un peu plus dirigiste pour tout ce qui concerne la position du maître, car c’est à lui que revient la charge de relancer le débat, de poser des questions et de gérer les échanges. Il y a des similitudes comme le passage d’un bâton de parole, la répartition des rôles des enfants. En revanche, le cadre est différent, un peu plus scolaire et certains enfants (notamment les plus fragiles) pourraient y être un peu plus rétif.
Dans le dispositif Lévine, il n’y a aucune évaluation. Comme on considère que l’on est là pour se poser des questions et qu’aucune réponse ne peut être apportée, a fortiori une bonne, on n’a aucune possibilité d’évaluer, de quantifier les résultats.

Les enfants tiennent vraiment à ce dispositif dès qu’il est mis en place et on n’a pas intérêt à oublier une séance car ils se chargeraient de le rappeler. C’est un cadre dans lequel ils s’investissent aisément et volontiers. Ceux qui l’ont éprouvé disent qu’il est très intéressant de voir combien les enfants sont captivés par ce qui a été écrit (de ce qu’ils ont dit)

Si on fait un second tour de parole (temps de retour) pour faire une sorte de bilan, l’enseignant peut être dans le cercle, car son rôle alors ne serait plus le même. Il faut restreindre le temps, car souvent les enfants cherchent à prolonger. On peut utiliser ce temps mais c’est à double tranchant, car les enfants peuvent être tentés de continuer le débat ou de débattre sur ce qui a été débattu.

Le moment de ce temps de retour peut être différé ou immédiatement après, le mieux étant de laisser les enfants choisir.

Quand on donne la parole, on donne du pouvoir. Il se trouve donc que dans ce cas là il faut pouvoir laisser la parole s’exercer. C’est ce qui fait la force de ce dispositif là car les mêmes règles s’appliquent aux enfants et à l’adulte.

Ce dispositif permet aux enfants d’élaborer leur propre réflexion. Beaucoup d’enfants ont été alphabétisés mais n’ont pas accès à la compréhension. Cette démarche, montre que par l’activité elle-même, cela fait du bien, c’est un plaisir de penser, pour soi. Cela permet l’émergence de soi par la démarche réflexive. Lévine permet dès les premiers pas aux enfants de marcher seuls.

Les enfants, sont en permanence en recherche parce qu’ils donnent du sens au savoir.

Symbolique et abstraction

Il est très difficile de faire accéder au symbolique et à l’abstraction, les enfants issus des classes populaires. Cette démarche permet de faciliter cet accès ce qui est bénéfique pour soi et pour les apprentissages.

La prise de parole doit être décidée avant, instaurée ensemble. Ca peut être en cercle, ou dans l’ordre des mains levées…

Echange :

Q : Que faire d’un enfant qui perturbe le cercle ?

=> Le garant et le groupe sont là pour rappeler les règles et au besoin sortir celui qui nuit au bon déroulement de la séance du cercle pour un temps donné.

Q : Comment introduire les séances ? Peut on utiliser les mythes, avoir un support ? Ca peut être difficile de ne pas sortir de soi.

=> Il ne s’agit pas de les faire sortir de soir ou les décentrer

Q : Si on ne relance pas les enfants, si on ne les questionne pas, ne risque t on pas de rester dans des clichés de représentation ? Est ce que les enfants parviennent ensuite à problématiser et à conceptualiser.

=> Même si ils ne se questionnent pas immédiatement, même si les problématiques ne surgissent pas immédiatement, cela peut émerger ensuite. En revanche, toujours faire de la philo en atelier philo.

=> C’est important aussi qu’à un moment, les enfants se retrouvent seuls et que l’enseignant ne soit que le garant du cadre.
Le risque quand un enseignant reste dans le cercle, c’est que les enfants attendent l’assentiment du maître et le regardent en cherchant à savoir s ‘ils ont donné la « bonne réponse ».

Merci à Nathalie pour ce Compte rendu