Si la sociologie est un sport de combat, elle s’est occupée surtout d’étudier les stratégies des dominants pour garder le pouvoir. Ce qui d’ailleurs paradoxalement leur a été utile pour encore mieux le conserver. Mais les stratégies des élèves des classes populaires pour s’en sortir ont été beaucoup moins bien étudiées. Certes parce que plus rares, mais aussi peut-être parce que les « prolos », on les aime bien, ils sont gentils, tant qu’ils restent en bas, après ce sont des parvenus. Or les stratégies des élèves des classes populaires pour s’en sortir dans le système scolaire, ne sont pas les mêmes que ceux des classes dominantes pour s’y maintenir.

1) Si éviter la reproduction sociale tu désirs, à tes parents tu penseras…(ou comment se motiver)

Première difficulté, il ne s’agit pas de faire comme ses parents, mais d’éviter de finir comme eux. Lorsqu’on est un élève des classes populaires, pas besoin de penser à ce que l’on veut être plus tard. Il suffit de se concentrer sur ce que l’on ne veut pas être. Pour cela pas besoin d’aller chercher loin, on a le modèle sous les yeux tous les jours à la maison : être socialement méprisé, n’avoir accès à rien et se priver constamment, avoir un travail physiquement pénible et sans intérêt….

Second difficulté, ne pas croire aux illusions, aux miroirs aux alouettes, que la société donne à voir : réussir par le sport, devenir une célébrité (« pop star », star du petit écran …), rencontrer le prince charmant, gagner au loto, le « business…

Le seul moyen de s’en sortir , c’est d’acquérir du « savoir », d’avoir un diplôme… Car il vaut mieux encore être précaire, au chômage, ou sur un emploi sous qualifié, avec un diplôme et en étant armé intellectuellement, que d’être méprisé socialement parce qu’on ne comprend pas correctement les documents, que l’on ne parle pas bien ou que l’on ne sait pas bien écrire….Au moins, on peut toujours se défendre un peu mieux.

2) S’intéresser en cours et participer à l’oral, tu pratiqueras…

Comme l’élève des classes populaires est généralement en situation de difficulté face à l’écrit et qu’à la maison il ne maîtrise pas les méthodes de travail scolaire car ses parents ne peuvent pas lui transmettre, il a tout intérêt à participer en classe pour l’aider à s’intéresser et pour parvenir à suivre ….Ce sera toujours cela de gagné sur le travail à la maison qui est défaillant…

3) Assidûment, tu liras par toi-même…

Vu que ce n’est pas avec le vocabulaire de ses parents et avec les discussions familiales qu’il pourra s’améliorer pour maîtriser le registre de la langue soutenue et enrichir sa culture générale, l’élève des classes populaires à tout intérêt à devenir un assidu des bibliothèques…

Règle complémentaire : Les occasions de te « cultiver » à moindre coût économique, tu sauras utiliser….

En effet, l’élève des classes populaire doit compenser par lui même la scolarisation du temps de loisir que n’effectue pas ses parents, mais que mettent en œuvre les parents des classes moyennes.

4) L’échec plus que les autres, tu sauras affronter…

Connaissant mal les règles du jeu scolaire, l’élève issu des classes populaires, même s’il est plein de bonne volonté scolaire, risque plus que d’autres élèves de se retrouver confronté à l’échec.

Il a dès lors intérêt à apprendre plus que les autres à se relever des échecs et à ne pas lâcher prise…

Avoir réussi une ascension scolaire, puis sociale, c’est souvent pour ces élèves avoir réussi à encaisser plus d’échecs que d’autres.

5) Rapidement tu devras comprendre tout cela, car sinon relégué tu finiras…

Tout cela, il faut que l’élève des classes populaires le saisisse avant la fin du collège unique, car sinon il se trouvera sans avoir eu le temps de comprendre pourquoi en filière professionnelle…

6) De tes origines, tu te souviendras….

Enfin, le dernier écueil est de finir, au cours de l’ascension, par croire aux valeurs libérales de méritocratie et de stratégie individuelle. Face à cela, un bon antidote est de se syndiquer lorsque c’est possible..