Les savoirs scolaires ne font pas sens pour les élèves. L’enseignant aurait donc la tâche de donner du sens aux savoirs scolaires. Mais cette injonction pour aussi fondamentale qu’elle soit, que recouvre-t-elle exactement ?

En effet, « donner du sens » est une injonction assez abstraite. En outre, il n’est pas certain qu’elle recouvre la même définition pour tous.

A la recherche du sens…

Rechercher le sens de l’existence, du monde, de la vie…semble renvoyer d’abord à une interrogation d’ordre religieuse qu’a évacué la science moderne. La science moderne s’interroge sur le « comment », mais elle ne prétend pas répondre à la question du « pour quoi ? ». Chercher le but de l’existence du monde ou de sa propre existence, semble renvoyer à la présupposition d’une intention qui préexisterait à l’existence du monde et à notre propre existence. C’est l’idée de Dieu que certains entendent réintroduire via la thèse de dessein intelligent : l’ordre du monde présupposerait une intention qu’il nous faudrait interpréter. Néanmoins, un tel type de recherche du sens semble peu compatible avec les objectifs d’une école laïque.

Vers plus d’utilitarisme ?

Il existe une autre manière de comprendre l’injonction à donner du sens, c’est de montrer l’utilité des savoirs scolaires. Les élèves ne s’intéressent pas aux savoirs scolaires parce que pratiquement ils ne voient pas à quoi cela peut bien servir.
Néanmoins, cette interprétation de l’injonction « donner du sens » aux savoirs semble là aussi poser problème. Tout d’abord, parce qu’elle va dans le sens des tendances utilitaristes qui dominent le rapport à l’école des élèves les plus en difficulté et qu’elle entre en résonance avec les logiques néolibérales. Ensuite parce qu’elle coupe les élèves de la logique des développements de la recherche fondamentale. Celle-ci préexiste à ses usages sociaux et à ses applications techniques.

Quel sens construire ?

Peut-être que donner du sens à un savoir scolaire, c’est plutôt parvenir à dégager les enjeux socioculturels d’un savoir.

Pourquoi un mathématicien a-t-il consacré tant d’heures pour parvenir à une découverte ? Pourquoi les autres mathématiciens ont considéré sa découverte importante ?

Pourquoi les astronomes étudient-ils le ciel ? Ce n’est pas seulement dans l’objectif d’aller coloniser d’autres planètes et de pouvoir augmenter notre stock de matière première. Pourquoi cela apparaît à des êtres humains si important de intéresser à cela ?

Pourquoi des êtres humains se sont affrontés verbalement ou même physiquement au sujet d’une question ? Pourquoi était-ce ou est-ce aussi important pour eux ?

Dégager l’enjeu des savoirs, c’est alors être capable de mettre en relief leur valeur et leur importance pour comprendre le monde et les sociétés humaines.

Cela peut sembler une évidence. Pourtant si j’écris ce texte, c’est que j’ai eu bien souvent l’impression en tant qu’élève de ne pas parvenir à dégager dans le discours de mes enseignants cette dimension.

Cette impression me semble concordante avec des discussions que j’ai parfois avec des collègues, par exemple en mathématiques, qui lorsque je leur parle du sens des savoirs, me répondent par le fait que l’enseignement des mathématiques est beaucoup plus soucieux de montrer l’utilité pratique.

On peut recommander sur ce sujet la lecture de:
Philippe Perrenoud, “Sens du travail et travail du sens à l’école”