Les comparaisons internationales PISA mettent en avant que le système scolaire français reproduit plus que d’autres les inégalités liées à l’origine sociale et géographique des élèves. De même, si les filles réussissent mieux que les garçons, les orientations scolaires restent fortement genrées en fonction des filières.

Il me semble que la lutte contre la reproduction des inégalités sociales à l’école et par l’école ne pourra pas avancer tant qu’il n’y aura pas une réelle prise de conscience au sein des équipes éducatives de ces questions. Cela suppose des enseignants formés, un volontarisme contre la reproduction des inégalités et une pédagogie visant l’apprentissage des compétences méthodologiques.

Être enfant issue de l’immigration et des classes populaires dans le système scolaire français.

Devenue aujourd’hui enseignante, je mesure le désajustement entre les exigences du système scolaire et les compétences que la réussite scolaire suppose de mettre en œuvre d’une part et d’autre part l’ethos des familles des classes populaires en particulier immigrés.

Le monde scolaire apparaît ainsi comme remplis de demandes que ne comprennent même pas les parents issus de ces groupes sociaux. Je me souviens ainsi, par exemple lors de ma rentrée en sixième, de la difficulté à faire comprendre à mes parents l’importance qu’accordait le collège au fait que j’amène des enveloppes timbrées. Il me fallut près de trois semaines pour donner ces enveloppes sous la pression du professeur principal et du CPE.

Mais surtout, j’eus le sentiment progressivement de ne pas être suffisamment équipée en habitudes de travail pour réussir. Si les emplois des classes populaires supposent des compétences, ce ne sont pas celles qu’implique le travail scolaire : s’avancer, planifier son travail dans le temps… C’est par la suite, en particulier au lycée, que j’empruntais des ouvrages à la bibliothèque pour améliorer mes compétences scolaires et compenser par moi-même ce que ni mon milieu familial et ni suffisamment l’école ne m’avait apporté.

Formation des enseignants et volontarisme dans la lutte contre la reproduction des inégalités.

L’organisation scolaire, sans volontarisme, tend à reproduire les inégalités. « Naturellement », dans une terminale technologique « communication », il n’y a que des filles et une terminale scientifique, option « sciences de l’ingénieur » est principalement composée de garçons.

Il me semble par conséquent qu’éviter la reproduction des inégalités suppose des enseignants qui soient conscients de la sociologie scolaire des inégalités et qui aient donc été formés à cela.

Cela suppose non seulement des enseignants formés à la sociologie, mais également de la part des équipes éducatives et des personnels de direction la volonté de ne pas reproduire ces inégalités. Cela passe par exemple par la promotion des filières scientifiques et techniques auprès des filles. Cela suppose par exemple une analyse comparée des propositions d’orientations faites aux élèves en fonction de leurs résultats scolaires et de leur origine sociale…

Mon expérience actuelle du système scolaire en tant qu’enseignante me conduit à constater que la prise de conscience des inégalités et de l’importance de les résorber, le niveau de formation nécessaire pour l’effectuer fait malheureusement en grande partie défaut. Il faut bien avouer que pour ma part, je dois consacrer une grande part de mon temps personnel à me former sur ces questions sans avoir reçu de la part de l’institution scolaire l’aide nécessaire.

La lutte contre la reproduction des inégalités à l’école implique également un travail d’encapacitation (empowerment) des élèves issus des milieux les moins dotés scolairement. Cela signifie qu’il est nécessaire que les enseignants reçoivent une formation initiale et continue sérieuse en pédagogie. Il s’agit en effet de pouvoir les aider à doter les élèves des compétences nécessaires pour pouvoir apprendre à l’école.