Les écoles Montessori sont en plein essor et bénéficient même d’une certaine couverture médiatique. Nous serions mal venus de nous en plaindre. « Nous », c’est tous ceux qui veulent que la conception de l’école et de l’acte éducatif change.

Mais qui s’intéresse à Montessori, qui a les moyens d’y confier ses enfants ? Force est de constater qu’il ne s’agit et qu’il ne peut s’agir que d’une infime partie de la population qui a les moyens d’une part, qui est éclairée d’autre part.

Pour les moyens, c’est évident puisque ces écoles sont privées et dépendent de l’adhésion à une puissante organisation internationale (Association Montessori France pour nous) développant des formations, la diffusion d’un matériel spécifique, des études, organisant des événements, des conférences, etc. Il est certain que cette organisation n’a pas d’objectifs idéologiques, ce qui n’est pas le cas comme par exemple pour certaines écoles se réclamant de Steiner… qui, au demeurant, n’est qu’un philosophe, certes visionnaire comme pour l’agriculture biodynamique, mais que l’on peut mettre à toutes les sauces, y compris les sauces sectaires. Mais ces moyens sont essentiellement consacrés au seul développement de ses propres écoles, dans ce sens on peut regretter que l’association Montessori n’ait pas une action plus politique, au sens noble du terme.

Et bien sûr il s’agit d’une population éclairée. La plupart des « grands » ( ?!) de notre monde ne mettent pas leurs enfants n’importe où et très rarement à l’école publique, y compris nos ministres… et même ceux de l’Education nationale ! Ce n’est pas forcément pour qu’ils ne soient pas mélangés à ceux du peuple. Beaucoup choisissent justement en toute connaissance Montessori qui peut se parer de noms et de réussites célèbres, élèves ou clients ou promoteurs, comme les fondateurs de Google ou d’Amazon, les princes anglais, Jacky Kennedy, les époux Clinton, Anne Franck, Gabriel Garcia Marquez, ceux de la silicon valley… jusqu’à Thomas Edison ou Graham Bell ! Comme quoi, quand on s’interroge encore sur l’efficience des pédagogies modernes, eux savent et n’hésitent pas.

Alors, pourquoi n’arrivons-nous pas à faire comprendre à ceux pour qui nous voulons faire l’école du peuple que ce qui est bon pour les enfants de ces privilégiés l’est aussi pour les leurs et qu’ils devraient même lutter avec nous pour cela ?

Pourquoi les centaines d’enseignants Freinet et des pédagogies actives continuent depuis un siècle à susciter méfiance ou rejet d’une bonne partie de ceux pour qui ils œuvrent ?

Bien sûr les gouvernants successifs n’ont jamais rien fait, non seulement pour les aider mais même simplement pour informer. L’émancipation et l’élévation du peuple n’ont jamais été leurs réelles préoccupations en dehors de quelques beaux discours. Mais cela ne suffit pas à expliquer la passivité et la frilosité de la quasi-totalité de la population dès qu’il s’agit d’envisager que l’école soit autre chose et surtout que cela impliquerait une autre façon de penser, voire que cela pourrait avoir des conséquences sur l’immuabilité de la société. Que nous ayons plus d’un siècle d’expériences (vécus) probantes et connues ne sert à rien, n’arrive pas à être pris en compte.

C’est bien la question la plus importante que nous ayons à nous poser.

Comment faire pour que le peuple ait envie de l’école du peuple, lutte pour l’école du peuple, défende l’école du peuple ? Comment aussi sortir de nos cercles restreints et fermés ?

C’est la nouvelle question de classes que je nous pose !

Bernard COLLOT
« Parents d’élèves, éveillez-vous », www.TheBookEdition.com