AVANT-PROPOS

Ce texte a été élaboré en tant que texte de contribution au débat lors du 8ème congrès académique de Sud éducation académie de Grenoble. Il a permis d’aborder le lien entre la pédagogie, la lutte, la résistance à une école qui formate autant qu’elle ne forme . Ce texte partage avec Q2C l’ambition de rassembler les forces vives qui pensent que la lutte et la pédagogie ont trop longtemps été séparés, voir opposés, et doivent plutôt être conjugués. Mais curieusement il rejette la lutte pédagogique aux lendemains de la victoire de la lutte sociale. Pour Q2C la lutte se mène sur les deux fronts dès maintenant.

[/Le collectif d’animation de Q2C/]

QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?

La réforme des rythmes scolaires a amené bon nombre d’entre nous à être interpellé sur notre égoïsme socioprofessionnel (nous n’aurions pas l’intérêt des élèves comme centre de préoccupations…), à être interpellé sur notre opposition systématique à toute réforme (mais alors, faites des propositions, quelle école vous voulez ?), à être interpellé sur l’indispensabilité de pratiques pédagogiques alternatives voire innovantes pour des militants SUD.

Il est grand temps de claquer le beignet aux injoncteurs de tous poils qui tentent de nous culpabiliser à la seule fin de masquer leur propre aliénation. Se faire reprocher de ne pas prendre en compte l’intérêt des jeunes par ceux là même qui accompagnent la régression sociale en se rendant aux raisons de l’économie et oublient que les élèves sont autant de futurs exploités, de futures victimes, tient de la farce grotesque.

En regardant tout ce que les usagers des hôpitaux ont gagné grâce à des dirigeants syndicaux responsables qui ont accepté de ne pas « prendre les patients en otages », on a une petite idée de ce qui attend une école qui ne défendrait pas prioritairement ses travailleurs.

Quant à l’école que nous voulons, avec pédagogie alternative ou pas….

En isolant les jeunes humains, la première fonction de la pédagogie, de l’école, est de faire de l’enfance une classe sociale. Une classe soumise, dominée.
L’école installe une relation de pouvoir imprescriptible entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Aucune réussite scolaire, si brillante soit-elle, n’effacera jamais ce traumatisme.
L’école installe la soumission comme une fatalité indépassable, à peine soulagée du constat de la moindre intelligence de certains, renforçant ainsi l’idée même de hiérarchie sociale. Pire même, en lui conférant une valeur morale.
Ce rapport de domination conduit tout naturellement à un effet pygmalion inverse et condamne les élèves à l’apprentissage de l’oisiveté et la niaiserie.
L’acte pédagogique, même alternatif, en tant que média instrumenté entre l’homme et l’expérience, entre l’apprenant et le savoir, réduit ainsi la connaissance à un contenu évaluable, normatif et réducteur. Il transforme alors l’élève en une créature soumise à une hiérarchie dominée par des « experts » et s’impose ainsi comme premier maillon du contrôle social total.

Il nous faudrait alors proposer une « école » sans pédagogie, ouverte, mieux même, une école diluée dans la vraie vie, en prise avec le travail, les groupes, les familles… qui sont autant de lieux de transmission de savoirs indispensables, riches et diversifiés. Mais il s’agit là du travail débarrassé de l’idéologie sacrificielle qui en fait une valeur. Il s’agit là de la vraie vie débarrassée des relations de pouvoir et de soumission. Il s’agit là de l’école d’une autre société. que nous appelons de nos vœux.
Mais, aujourd’hui, pouvons nous réellement revendiquer une école qui n’isolerait pas les enfants des influences du monde le l’entreprise, du productivisme, de la société économique… alors même que cette étanchéité, que nous voulons protectrice et facilitatrice d’apprentissage, est justement ce qui installe l’enfance dans une classe sociale dominée.
Paradoxalement mais naturellement d’ailleurs, c’est cet enfermement protecteur qui ne laisse comme seul horizon indépassable, que l’emploi et l’idéologie de la compétence, de la performance.

On voit bien là tout le paradoxe de l’impossible choix. Il ne nous est pas possible dans notre société de proposer une école qui soit un outil de transformation sociale alors même que toute proposition d’école ou de pédagogie, même alternative, ne ferait que valider sa fonction de contrôle social.

Par contre, il nous est assez facile de définir l’école que nous ne voulons pas : l’école du pouvoir bourgeois, l’école de la soumission, l’école au service de l’entreprise, de l’économie. L’école de l’aliénation. L’école normative. L’école qui ne respecte pas ses travailleurs.

Par le combat syndical, par la lutte sociale, par le sabotage, par le refus de négocier, de cogérer et de se laisser «acheter », par la grève générale, nous avancerons vers la transformation sociale, préalable à toute proposition.

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Changeons de société, ENSUITE nous proposerons une autre école.
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