Catherine Chabrun, de l’Icem-Pédagogie Freinet, a bien voulu répondre à nos questions suite à la parution du numéro spécial “Refondation” du Nouvel éducateur, numéro qu’elle a coordonné (voir édito sur le site de Q2C).


Questions de classe(s) – Ce numéro spécial “Refondation” (du lourd, avec 100 pages !) du Nouvel éducateur mêle analyses du projet de loi et propositions de l’ICEM (il s’articule en 3 parties “Propositions”, “Réponses” “Parole aux amis de la pédagogie Freinet”). Comment est née l’idée de ce numéro et comment s’est-il construit ?

Catherine Chabrun – L’idée de ce numéro spécial est partie d’une suggestion sur une liste de diffusion interne de l’ICEM, reprise avec enthousiasme par quelques-uns dans la foulée. Comme en classe, où nous accueillons l’événement, l’imprévu, le Comité de rédaction s’est emparé de cette proposition et a repoussé les projets prévus.

Il s’est construit en se faisant… Après avoir contacté mes « amis pédagogiques » pour m’assurer de leur accord et de leur disponibilité, j’ai lancé des appels à contributions dans le mouvement. Ensuite, selon leur contenu on a organisé… le dossier. L’idée étant de réunir dans le même numéro des propositions du mouvement Freinet, des lectures critiques du mouvement Freinet, mais aussi de chercheurs et de pédagogues du projet de loi.

Q2C – L’Icem a-t-il participé / contribué “officiellement” au débat sur la Refondation ?

C. C. – L’ICEM comme les autres mouvements pédagogiques a été invité à participer aux travaux de la concertation de l’été. J’ai représenté l’ICEM dans différents ateliers et j’ai pu y intervenir régulièrement. Comme contributions écrites apportées : « Douze propositions pour l’école », une sur les temps éducatifs et une sur la participation démocratique des enfants.

Au sein du Cape (Collectif des associations partenaires de l’école publique), nous avons contribué à la réflexion sur les temps éducatifs et les ESPÉ. Une délégation dont j’étais a été reçue par Vincent Peillon, il n’y a pas eu vraiment de suites… puisqu’il s’est arrêté aux seuls avis des syndicats et des collectivités locales.

Q2C – À la différence d’autres livraisons de la revue, ce numéro fait moins la part belle aux récits de pratiques et aux témoignages. Rentrer dans les généralités, comme le fait le ministre, n’est-il pas un piège ? Comment déborder le cadre imposé du débat sur la Refondation ?

C. C. – Un peu normal, puisque nos pratiques quotidiennes sont déjà des « innovations » pour le système éducatif. Il ne peut y en avoir de nouvelles par rapport au projet de loi. C’était important également de faire entendre d’autres paroles que celles diffusées par les médias où le traitement limité sur le quantitatif des rythmes scolaires a tout étouffé. Ce n’est pas la « Refondation » qui a donné le cadre des débats, mais les médias qui préfèrent le sensationnel à la réflexion. Le débat sur les ESPÉ a très peu transpiré… par exemple.


Q2C – Le dossier s’ouvre par 12 propositions pour l’école formulées par l’ICEM. Si tu devais en retenir une ou deux, ce serait lesquelles ?

C. C. – Pour rester dans le débat imposé par les médias : la n°1 Les rythmes scolaires : l’année, la semaine, la journée et également et la n° 8 Une éducation globale

Q2C – Parfois les mots sont les mêmes, mais les réalités et les projets qu’ils portent s’opposent. Comment l’Icem pense l’articulation entre pratiques pédagogiques et perspectives sociales ?

C. C. – Là, je ne vais pas parler pour l’ICEM, mais comme j’entends ce qu’est un enseignant Freinet.

Les pratiques pédagogiques sont étroitement liées à la visée émancipatrice que nous avons du devenir de l’enfant comme homme ou femme. On ne peut que mettre en perspectives nos pratiques de classe avec celles de la société que l’on souhaite. Par exemple : donner une parole authentique aujourd’hui à l’enfant c’est lui permettre une fois adulte une expression libre et critique ; mettre l’enfant en situation d’être auteur aujourd’hui, c’est lui donner le pouvoir de prendre place et d’agir sur le monde demain…


Q2C – Plusieurs contributions débordent du champ de l’école, appelant à passer d’une “pédagogie Freinet” à une “éducation Freinet”. Sortir de l’école et investir d’autres temps, d’autres lieux te semble-t-il le nouveau défi pour le mouvement Freinet ?

C. C. – Ce n’est pas un nouveau défi, mais une cohérence à tenir. Lorsqu’on défend une éducation globale, qu’on souhaite harmoniser et respecter le développement de tous les enfants avec ambition (les savoirs comme les relations aux autres et au monde), on désire que les principes de la pédagogie Freinet irriguent tous les espaces de vie et d’éducation des enfants. Le scolaire avec sa logique magistrale, autoritaire, de performances… n’est qu’une toute petite partie (quantitative) mais qui irrigue un peu trop les espaces avant et après lui.

Q2C – Un mot de conclusion ?

C. C. – Une utopie à réaliser : penser et travailler en coopération avec tous les acteurs, professionnels, associations, bénévoles, parents, enfants… sur le local, le « territoire » comme ils disent, pour construire des espaces de vie et d’éducation pour tous les enfants… et bien sûr pour tous.

Catherine Chabrun ICEM – Pédagogie Freinet Chargée des relations extérieures et partenariales Responsable des publications pédagogiques Tél : 06 75 16 50 27 Twitter : @Catchabrun

Blog perso : http://www.icem-pedagogie-freinet.org/blog/13

Propos recueillis par Grégory Chambat pour Q2C