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Etenesh : L’odyssée d’une migrante, Paolo Castaldi

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Etenesh est une jeune éthiopienne. Elle fait le « choix » de quitter son pays pour tenter de rejoindre la Lybie, point de départ de la traversée de la Méditerranée pour l’Europe.

Ce choix sera le dernier avant longtemps, car ensuite, Etenesh n’a plus sa vie entre ses mains. Elle la remet tour à tour à sa patronne (esclavagiste devrait-on dire) chez qui elle passe un an à regrouper l’argent qui lui servira à rétribuer les différents passeurs ou soldats aux frontières pour son voyage, et à divers marchands d’êtres humains, un calvaire qui durera près de deux ans depuis Addis Abeba jusqu’aux côtes de Lampedusa, en passant par le Soudan, le Sahara, une prison libyenne. Un enfer fait de peur, de violence, d’humiliation et de larmes, toujours.

L’auteur italien Paolo Castaldi n’évoque pas la traversée cauchemardesque de la Méditerranée, évacuée en quelques mots pour laisser la place au dénouement. Elle est très médiatisée depuis 2 ou 3 ans (elle ne le sera jamais assez). Il s’intéresse à l’odyssée qui la précède, non moins cauchemardesque et beaucoup moins traitée. Les mots sont rares et lourds, autant de coups de poings d’une violence inouïe. Le trait de crayon est sobre et anguleux, les couleurs austères, nuances de jaunes rappelant ce désert interminable dans lequel Etenesh espère cent fois mourir. Elle n’a pas le courage de passer à l’acte elle-même nous dit-elle. Mais est-ce plus courageux de mourir que de survivre ?

Ce récit rappelle (pour qui est prêt à l’entendre) que les migrant-es, les réfugié-es, ne viennent pas sur notre continent en quête de l’eldorado, pour profiter de nos conditions de vie, mais juste parce qu’aucune autre solution n’est possible. « Un futur. Je ne veux rien d’autre ». Cette décision n’a rien de facile. Au regard de ce récit, elle paraît même insurmontable. Et quand l’un des compagnons de route d’Etenesh lui révèle que s’il est si bien informé sur ce périple, c’est qu’il l’a déjà entrepris trois fois. Il est même parvenu jusqu’au sol italien avant d’être renvoyé dans son pays. On imagine mal l’anéantissement dans lequel on est plongé face à un tel témoignage, alors même que l’enfer du parcours s’éternise.

Quand l’arrivée sur notre territoire devrait être synonyme de délivrance et de refuge, c’est la stigmatisation et la haine qu’ils ou elles retrouvent, dans des discours et des actes de plus en plus prégnants dans notre société.

Etenesh signifie « tu es ma soeur »… fraternité, l’une des constituantes de la devise que les nationalistes de tous poils sont si prompts à brandir. Ils feraient bien de sortir un dictionnaire pour en vérifier le sens.

Paolo Castaldi, Etenesh : L’odyssée d’une migrante, Des ronds dans l’O (coll. Histoire), 2016, 124 p., 22 €.
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