Juger Pétain, récit graphique, fait à la fois œuvre d’histoire, de son nécessaire besoin de distanciation et de récit au présent avec le déroulement, à l’été 45, du procès du vieux dictateur et de son régime réactionnaire, antisémite et collaborationniste. Saada a réalisé un documentaire, – que je n’ai pas visionné -, puis adapté son film en BD car le dessin permet d’aller partout où la caméra ne va pas : dans la tête de Pétain ou dans sa chambre… Nous suivons de manière parfois très précise et historiquement très documenté le procès avec ses juges ayant prêtés serment au Maréchal, ses avocats, son cortège de témoins à charge et à décharge, les journalistes (Kessel, Camus, Mauriac, Madeleine Jacob), le pouvoir discrètement présent (De Gaulle) et l’opinion publique (les résistants, les communistes, les politiques de la III° République). Tous ces personnages clés vont défiler au sens propre devant nos yeux (Reynaud, Daladier, Lebrun, Blum, Laval extradé par Franco fin juillet) ou par des apartés et des éclairages sur la Cagoule, Churchill, la Milice, Darlan, Darnand, …)
La force du récit tient à sa dimension temporelle, à cette plongée dans l’été 1945 où la déportation et le génocide juif sont presque absents et où le personnage de Pétain tient toute la place alors qu’il ne se sera exprimé qu’en début et en fin de procès et d’autre part à ces arrêts du récit et ces gros plans qui éclairent les parcours et les faits historiques : histoire de Vichy et de la collaboration, pages consacrées à Laval. Le scénario fait place parfois aussi à l’imagination graphique et “historique” des deux auteurs.
Ce documentaire tout public au dessin en noir, blanc et sépia, pourra être proposé aux lycéens… et à leurs enseignants. (FS)
Juger Pétain, Philippe Saada (scénario), Sébastien Vassant (dessin), Glénat (1000 feuilles), 2015, 132 p., 19,50 €.
Les premières planches de Juger pétain : http://www.glenatbd.com/bd/livre/juger-petain-9782344005606.htm#page/1/mode/2up
Dans un autre style, il sera intéressant de lire ce “Mitterrand” en oubliant le personnage historique qu’il est devenu, – homme politique de la IV° république, ministre ultra répressif de la Guerre d’Algérie, opportuniste avec le parti socialiste, anti-social au tournant libéral des années 80 -, pour se centrer sur ce fils de la bourgeoisie catholique, vichyste puis résistant.
Un dessin sobre, un récit bien mené dresse un portrait intime et subtil qui ne rend guère sympathique le personnage mais qui l’inscrit pourtant dans la grande histoire (1935-1945), mêlant ses amours, ses amitiés politiques et personnelles (il côtoie des Cagoulards en refusant d’en être), ses évasions d’Allemagne, sa posture dans la bureaucratie pétainiste, son rôle dans les mouvements de prisonniers et bien sûr la résistance active. (FS)
Mitterrand, un jeune homme de droite, Philippe Richelle (scénario) et Frédéric Rébéna (dessin), Rue de Sèvres, 2015, 148 p., 18 €.
Les premières pages ici : http://www.editions-ruedesevres.fr/mitterrand-un-jeune-homme-de-droite
