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Nous avons lu Stéphane Beaud… Effets des réformes sur l’enseignement des SES et de la sociologie

Cette semaine [[20 février 2018]], nous avons lu Stéphane Beaud… et nous vous conseillons vivement de faire de même.

Le sociologue, spécialiste des classes populaires, a partagé ses impressions sur les réformes du bac et de l’entrée à l’université dans un bel entretien (2) à Alternatives Économiques. La réforme de l’université, l’universitaire l’explique simplement : c’est la capacité pour les facs de sélectionner leur « public ». Parce que, oui, en bon sociologue, Stéphane Beaud ne croit pas à une classe des « méritants », pour lui cette sélection est bien sociale. Il s’agit de sélectionner un public et pas un autre. Celui qui a étudié le rapport à l’école des enfants de milieux populaires demande ainsi : « Que va devenir le puissant mouvement de poursuite d’études porté par la demande légitime de certification scolaire des enfants de classes moyennes et populaires ? ».

Parce qu’avant d’être un chercheur reconnu en socio, Stéphane Beaud fut aussi prof de SES, l’entretien s’arrête aussi sur la conséquence de la réforme du bac sur les « sciences économiques et sociales » au lycée. Pour ce dernier, la relégation de la discipline est dans la droite ligne des attaques contre les SES de la part des lobbies patronaux depuis 20 ans. Pour mieux comprendre, on peut alors aller lire la préface (3) de son récent livre coécrit avec l’économiste Thomas Piketty (le duo éco-socio est à lui seul signifiant !), intitulé joliment « éloge des sciences économiques et sociales » (à lire sur le site d’Alternative Économique). Les deux auteurs nous replongent ainsi dans la genèse de cette discipline bricolée que sont les SES : dans les années 60, on reconnaît l’importance de former les élèves à une certaine pensée économique, et une poignée d’historiens influencent in extremis les programmes pour y accoler un apport en sociologie. Et selon le sociologue, cela a marché : « la série ES a eu le vent en poupe ces deux dernières décennies car son programme « parlait » aux lycéens, notamment aux enfants de la démocratisation scolaire, en les ouvrant sur le monde ».

Toutefois, les SES sont depuis une vingtaine d’années attaquées, notamment par les lobbies patronaux accusant la discipline de gauchisme (et de déprimer les jeunes en leur montrant la courbe du chômage). Les programmes de 2010 relèguent alors la sociologie (dite « compassionnelle ») et la macroéconomie (peu scientifique) au profit de la seule microéconomie (plus utile pour monter une start-up ou boursicoter en bourse, bref pour être un.e winneur/se). Pour Stéphane Beaud, la réforme du lycée proposée par le gouvernement, en marginalisant les SES, réalise le rêve de ses fossoyeurs : « séparer les sciences économiques et les sciences sociales ». « Il s’agira sans doute, à terme, d’une part d’enseigner de la science économique standard aux futurs ingénieurs et élèves des écoles de commerce et, d’autre part, de laisser une sorte d’os à ronger (la sociologie) pour les doux rêveurs » prophétise le sociologue. Et à nous de conclure, bien malheureusement, avec ce gouvernement, les doux rêveurs n’ont pas fini de faire des cauchemars.

Bref, deux beaux textes à lire :

(2)  Entretien d’Alternative Economique avec Stéphane Beaud : « Les enjeux cachés de la réforme du bac », 15 février 2018

(3) Préface du livre Sciences économiques et sociales, de Stéphane Beaud et Thomas Piketty, à lire sur Alternative Économique : « École des sciences économiques et sociales »

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