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La fille de Mendel, un récit BD de Martin Lemelman

“Notre famille vivait à Germakivka. Aujourd’hui la ville est en Ukraine, auparavant elle était en Union soviétique. A l’époque où nous y habitions, elle faisait partie de la Pologne.
La maison donne sur la rue principale. A l’extérieur, le spectacle est magnifique. Dehors, dans la rue, des arbres, et des pelouses et des maisons, et encore des chevaux, des vaches et des chiens. Tout ce que tu veux, tu le trouves.”

Ainsi commence ce récit de la mère de l’auteur, récit capté à la vidéo à la fin des années 80 puis dessiné après la mort de sa mère par Martin Lemelman. Gusta Lemelman, juive polonaise née en 1922 dans un village où cohabitent juifs et chrétiens, raconte sa vie des années 20 à l’immédiat après-guerre.

La première partie du récit restitue le quotidien de Gusta, fillette puis jeune fille, dans le cadre traditionnel d’une famille religieuse. La vie domestique d’une fratrie de six enfants succèdent à des scènes au Yerid (marché), à la Polska Szkola (l’école publique) ou au Keyder (la classe religieuse).

La deuxième partie est dramatique. “Les Russes franchissent la frontière le 17 septembre 1939. La Guerre commence.” Le père de Gusta, “un capitaliste riche” selon le Parti, échappe par la corruption à la confiscation mais “sous les communistes, nous nous en sortons correctement“. Et le 22 juin 1941, “les allemands attaquent les Russes” et s’installent au village avec le soutien des villageois de culture ukrainienne auxquels les nazis ont promis la liberté… Très vite se seront les sévices, le ghetto et l’Action, la rafle violente et mortelle. De la déportation, la narratrice cachée dans la forêt, ne percevra que les cris et les pleurs qui lui parviennent des trains. De 1941 à mars-avril 44, Gusta, avec une de ses sœurs et ses deux frères se terreront dans des fosses creusées dans la forêt. Aidés par quelques habitants, ils échapperont à la mort contre le cours terrible du génocide.

La langue simple et factuelle de Gusta, teintée de yiddish, est ici traduite avec une grande justesse et fait vivre au lecteur ce récit au premier degré. La narration au présent de l’indicatif fait parfois écho avec le présent de la captation vidéo où les disparus ont toujours leur place. Le dessin au crayon noir de Martin Lemelman, précis et sensible, tire sa force du réalisme des situations et des personnages. Cette chronique des jours paisibles et des temps maudits se lit comme on feuillette un vieil album photo de famille, un documentaire terrifiant, tragique et intime.
Indispensable au CDI du lycée ; à proposer avec le Maus de Art Spiegelman.

Martin Lemelman (texte et dessin), Gusta Lemelman (témoignage), La fille de Mendel, Ça et là, 2017 (2007), 240 p., 22 €.
– Traduit de l’anglais et du yiddish, postface et glossaire d’Isabelle Rozenbaumas ; préface de Serge Klarsfeld.

* Un extrait de 10 pages sur le site de l’éditeur :
https://www.caetla.fr/IMG/pdf/Pages_La_Fille_de_Mendel.pdf
* Le site (en anglais) de l’auteur :
http://www.mendelsdaughter.com/

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