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L’école et la lecture obligatoire

Si vous ne savez pas lire, vous pouvez écouter des conférences d’Anne-Marie Chartier sur votre ordinateur à condition que vous ayez repéré les chemins d’accès à ces conférences… Boutade à part, lire, dans notre société, est une nécessité. C’est aussi une obligation. Obligation scolaire qui est le sujet de cet ouvrage : L’École et la lecture obligatoire, Histoire et paradoxes des pratiques d’enseignement de la lecture, d’Anne-marie Chartier (2007).

Ce livre est une somme d’articles ou de communications remaniés et actualisés qui constituent autant de jalons pour une histoire de la pédagogie de la lecture et pour une sociologie de la lecture. La pédagogie est vue du côté des enseignants, des praticiens ; les pratiques et les objectifs sont mis en parallèle avec les usages sociaux de l’écrit, les relations à l’écrit de la société de l’époque, que cet écrit soit fiction, information ou propagande.

Prescription

Lisez au moins l’introduction (accessible gratuitement en ligne sur le site des éditions Retz) : il serait surprenant que vous n’ayez pas l’envie de sauter dans un des onze chapitres listés ci-dessous ou d’aller « à sauts et à gambades » chercher le détail de tel ou tel épisode de ce feuilleton passionnant.

Chapitre Premier – Quand lire devient obligatoire
Chapitre II – Les paradoxes de l’obligation
Chapitre III – L’invention d’une alphabétisation collective
Chapitre IV –Apprendre à lire au temps du B. A. BA
ChapitreV –Des ABC aux Méthodes de lecture : la genè –
se du manuel moderne
Chapitre VI – La crise de la lecture à voix haute
ChapitreVII – Lire pour s’instruire : les lectures scolaires
entre mémoire et intelligence du texte
Chapitre VIII – Lire des livres à l’école : la scolarisation
de la littérature de jeunesse
Chapitre Ix – La lecture scolaire entre culture et savoirs
(c’est là que vous trouverez les passages intitulés Culture
humaniste, culture bourgeoise, culture de classe)
Chapitre x – Les métamorphoses de l’échec
ChapitrexI – L’école et les mutations de la culture écrite.

Vous regretterez sans doute que la navigation (pardon, circulation, les nouvelles formes de lecture contaminent le langage) dans le texte ne soit pas facilitée
par des index ; vous déplorerez que les sous-titres pas toujours explicites ne soient pas présents dans le sommaire : le travail des éditeurs, ces chefs d’orchestre de l’écrit, a, lui aussi, de tristes avatars.

Obligation et désir

Un autre passage, accessible gratuitement sur le même site : « Obligation scolaire et désir d’apprendre » vous convaincra que, tout en étant imprégnée des notions de l’institution, l’auteure parvient à exposer clairement une synthèse des aspects chaotiques de la réalité. Ce passage est très différent d’autres qui rentrent au contraire dans les détails comme les pages 184 et sq. sur la lecture littéraire expressive, à haute voix ; ou encore les paragraphes du chapitre x qui concernent la langue des signes – « langue des sons, langue des signes ».

L’écrit remis en cause

La perspective historique et anthropologique avec laquelle sont considérées les pratiques que les enseignants « perpétuent ou abandonnent, aménagent ou improvisent » n’a rien à voir avec les comparaisons internationales qui classent et mettent en concurrence les systèmes éducatifs ni avec les querelles de théories ou de méthodes. Au contraire, les recherches d’Anne-Marie Chartier amènent à remettre en cause des évidences, à contextualiser ce qu’on croit original, nouveau, permanent ou évident (on n’enseigne pas systématiquement l’écriture aux écoliers quand on n’a ni papier ni crayon). Elles permettent aussi de visiter les résistances aux instructions officielles dans le domaine spécifique des « matières ». La définition de la culture par les anthropologues (p. 227) conduit à remettre en cause la suprématie de l’imprimé et « la lecture comme mode d’accès incontournable à tous les savoirs du monde ».

Culture de masse, exclusion

Au fil des pages sont abordées la culture scolaire, la culture d’élite, la culture de masse et la massification de l’enseignement, et ceux qui n’arrivent pas à lire ne sont pas oubliés. Les pages 248 et sq sur les « anormaux d’école » rappellent de façon salutaire que l’écriture est une invention tandis que parler est naturel. Il convient donc de ne pas tirer de conclusions hâtives des échecs d’apprentis lecteurs qui défient méthodes et traitements.
Si vous avez lu tout l’article, vous pourrez lire tout le livre. (Nicole Chosson)

L’École et la lecture obligatoire, Histoire et paradoxes des pratiques d’enseignement de la lecture, Anne-Marie Chartier, Retz, 2007, forum Éducation Culture, 352 p. disponible sur papier ou en version numérique.

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