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Construire l’égalité des sexes et des sexualités, pratique enseignantes à l’école primaire, Gaël Pasquier

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Dans Construire l’égalité des sexes et des sexualités, Gaël Pasquier donne la parole à des professeur/ses des écoles cherchant à prendre en compte les problématiques liées au genre et aux sexualités dans leur enseignement quotidien. Le chercheur ne propose pas de séquences clés en main, mais s’intéresse à comment la question de l’ « égalité des sexes et des sexualités à l’école » problématise « l’acte d’enseigner ».

Si cela n’est finalement pas l’objet central du livre, l’« égalité des sexes et des sexualités » est une proposition forte : éducation à la sexualité, lutte contre les discriminations et travail sur l’égalité fille-garçon sont souvent distinguées, voire cloisonnées à l’école. Ici, elles sont traités de front par l’intermédiaire de cette expression : « égalité des sexes et des sexualités ». L’ouvrage montre d’ailleurs très bien comment la sexualité et le genre se co-construisent de manière permanente, et comment il est important de les prendre en compte conjointement. Lorsqu’on convint un petit garçon de danser en lui assurant un succès futur auprès des filles, commente le chercheur, a-t-on réellement subverti l’ordre du genre ?

Si cette éducation « à l’égalité » est un « objet curriculaire flou », sans réel temps spécifique dédié ni programme, « il ne s’agit […] pas tant de demander à l’école de se préoccuper de quelque chose qui ne la concernait pas auparavant, remarque toutefois l’auteur, mais de rendre visibles certains éléments habituels du curriculum caché qui construisent l’inégalité entre les sexes et les sexualités et sont contraires à l’idéal démocratique  ». Ainsi, le livre interroge comment ces problématiques travaillent les pratiques des enseignant.es qui y sont sensibles.

Le chercheur aborde ainsi plusieurs thématiques comme la gestion de la prise de parole, la littérature jeunesse, les insultes homophobes et sexistes ou encore la cours de récréation. Partant de la parole des professeurs/es, il met en évidence les dilemmes qu’ils/elles se posent. Faut-il faire une alternance stricte garçon-fille dans la répartition de la parole ou se laisser la possibilité d’interroger quand on le souhaite les élèves ayant des difficultés ? Faut-il sanctionner une insulte sexiste en tant qu’elle est sexiste quand les enfants ne la comprennent pas ? Comment transmettre des valeurs démocratiques tout en construisant l’esprit critique des élèves ? « Le travail en faveur de l’égalité des sexes et des sexualités semble ainsi fait de ces situations complexes, en apparence inextricable où les enseignantes et enseignants cherchent à concilier des impératifs qui paraissent parfois au premier abord ne pas pouvoir l’être » résume le chercheur à la fin du livre.

Gaël Pasquier ne donne donc pas de solutions toutes faites. L’ouvrage, dense en thématiques et interrogations, ne satisfera pas ceux et celles à la recherche de clés d’entrée en pédagogie antisexiste, d’idées de séquences ou d’outils, ou même plus simplement des récits de pratiques. En interrogeant les enseignant.es plutôt qu’en proposant des dispositifs, en traitant sérieusement leurs doutes et leurs dilemmes, il s’intéresse moins aux techniques pédagogiques en tant que tel qu’aux postures professionnelles. Il suggère que, loin d’être une contrainte supplémentaire, la question des inégalités et des stéréotypes peut au contraire être une aide pour tous les apprentissages. Que cela soit en Histoire en s’efforçant de lutter contre l’invisibilisation des minorités ou en grammaire en questionnant les règles sexistes d’accord, le/la pédagogue problématise le réel et donne à ses élèves une image « plus dynamique des savoirs scolaires ». Elle/il fait accéder ses élèves à un espace de réflexion sur les savoirs eux-mêmes et leur construction. Gaël Pasquier refuse ainsi un usage de la littérature prétexte à l’éducation à l’égalité, et on pourrait supposer un même refus pour l’Histoire. Au contraire, suggère-t-il, les problématiques liées au genre et aux sexualités sont l’occasion d’enrichir les lectures, tout comme à l’inverse la littérature permet de problématiser les représentations des élèves quant à ces sujets.

L’ouvrage trace finalement en creux le profil d’un.e pédagogue critique : enseignant.e sensible à la question des inégalités, solidement outillés pour les comprendre dans son quotidien, il/elle se saisit « dans le feu de l’action » de tous les événements pour ouvrir un espace de discussion critique.

Gaël Pasquier, Construire l’égalité des sexes et des sexualités : Pratique enseignantes à l’école primaire, PUR (Coll. Paideia), 2019, 228 p., 25 €.
Sommaire : http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4809
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Photogramme du film Tomboy de Céline Sciamma, 2011, sur la couverture du livre.
« Ce pourrait être une fille et un garçon, ou deux filles, ou deux garçons, ou deux enfants dont on pourrait choisir de ne pas spécifier le sexe, tout simplement. L’image est en apparence conforme aux normes et aux rôles de sexe traditionnels, mais comprend en elle la possibilité d’un renversement » commentaire de Gaël Pasquier (p. 225).

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