Les lectures personnelles outils d’émancipation
Dans une société où l’emprise du diplôme est si puissante, le peu d’espoir de mobilité sociale des enfants issus des classes populaires reste malgré tout lié à leur destin scolaire.
L’idée selon laquelle le diplôme constitue l’arme des faibles peut assurément être discutée.
D’autres pistes restent à explorer : la lecture, surtout abordée du point de vue de la lutte contre l’illettrisme ou de la faiblesse de la littératie, gagnerait à être considérée sous un autre angle…
Il me semble que l’on tend à oublier le rôle que la lecture personnelle peut jouer dans la réussite scolaire des enfants des milieux populaires. Ma propre expérience me donne à penser que ces lectures ont occupé une place fondamentale dans ma trajectoire scolaire, puis universitaire, en m’aidant à compenser certaines difficultés liées à mon origine sociale et à des troubles de l’apprentissage.
Des élèves de moins en moins lecteurs
La diminution de la lecture de livres touche tous les élèves, quels que soient leur milieu social et leur sexe, même si elle affecte plus encore les garçons. Une situation qui est également constatée chez les nouveaux enseignants : ceux-ci sont de moins grands lecteurs que leurs aînés entrés dans la carrière dans les années 1970.
D’autres pratiques culturelles peuvent compenser en partie cette diminution. On évoque la pratique de lecture sur Internet. Celle-ci pose pourtant une difficulté concernant les élèves : c’est que l’information n’y est pas pré-selectionnée comme dans un CDI ou une bibliothèque municipale. Les élèves se trouvent donc conduits à évoluer dans un espace où tout est mis sur le même niveau : jeux en ligne, vidéos, sites d’information, blogs personnels, bibliothèques en ligne… Au CDI ou à la bibliothèque municipale, ils peuvent demander conseil à un adulte formé. Chez lui, l’élève issu des milieux populaires ne bénéficie pas de l’encadrement intellectuel parental comme dans les classes moyennes. C’est ce qui rend d’autant plus cruciale la prise en charge de l’éducation au numérique par l’institution scolaire.
Cette diminution des lectures personnelles (sur support papier) peut donc poser davantage encore de difficultés en ce qui concerne les enfants des milieux populaires. Les lectures personnelles permettent de compenser en partie un capital culturel que ne possède pas la famille. Elles peuvent également permettre d’améliorer la mémoire sémantique qui est fortement corrélée à la réussite scolaire. Les livres des CDI et des bibliothèques municipales – à la différence des cours particuliers ou d’autres loisirs culturels (cinéma, théâtre, etc.) – sont accessibles économiquement à tous les élèves. Même si la seule gratuité ne règle pas tous les obstacles à la fréquentation par les classes populaires.
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