De la lisibilité
Peu de lecteurs se soucient de la matérialité de ce qu’ils lisent. Pourtant, la lisibilité des documents, par le biais de la typographie (forme des lettres et mise en page) a une influence sur leur attrait, sur la vitesse de lecture, sur la fatigue, et par conséquent sur la compréhension.
Il est donc souhaitable que les enseignants se préoccupent de la lisibilité des documents d’enseignement qu’ils proposent aux élèves, manuels ou productions personnelles.
L’influence de la typographie
Un texte publié apparaît à l’auteur étranger, plus « réel ».
La mise en page infléchit la réception du texte.
Il a existé, dans les années 1970, une collection d’albums pour les premières lectures dans lesquels le texte était composé de façon à ce que les groupes de mots formant une unité sémantique ne soient jamais coupés.
Ceux d’entre nous qui sont plutôt des « visuels » (cf. les profils pédagogiques de La Garanderie) sont sans doute plus sensibles à l’aspect d’un écrit mais nous sommes tous influencés.
Esthétique et sémiologie
Il n’est pas nécessaire de recourir à des ouvrages tel celui de François Richaudeau Recherches actuelles sur la lisibilité (Retz, 1984) pour constater que des textes tassés dans une page incitent moins à la lecture qu’une page aérée, équilibrée. Les enseignants sont souvent producteurs d’écrits pour leurs élèves, lecteurs peu experts, pour lesquels il faudrait faciliter l’accès au sens par une présentation adéquate et soignée. Un peu de formation (autoformation ou formation mutuelle) aux arts graphiques n’est pas superflue.
Certes, les urgences, les contraintes (régler une mise en page demande du temps, les photocopies sont parfois chichement comptées), l’audiovisuel semblent renvoyer bien loin le souci de la qualité des supports et des messages écrits. Pourtant, comme le rappelle un des panneaux de l’exposition de la BNF Choses lues, choses vues : « […] Il n’est pas de texte hors le support qui le donne à lire (ou à entendre), hors la circonstance dans laquelle il est lu (ou entendu). Les auteurs […] écrivent des textes qui deviennent des objets écrits – manuscrits, gravés, imprimés et, aujourd’hui, informatisés – maniés diversement par des lecteurs de chair et d’os dont les façons de lire varient selon les temps, les lieux et les milieux. […] »
De la « lettrure » aux photocopies
C’est peut-être parce que, en Europe, nous baignons dans l’écrit que nous ne nous posons plus la question de ce que cette invention a changé. Certes, l’alphabet est apparu il y a longtemps mais on peut encore s’émerveiller sur cette prouesse de pouvoir transcrire tous les sons et toutes les idées à partir de seulement 26 petits éléments abstraits qui ont perdu tout lien avec la parole ou avec les choses qu’ils permettent de représenter.
C’est sans doute aussi parce que nous sommes si familiers des textes imprimés, typographiés, mis en page dans des publications diverses que nous prêtons peu d’attention à « l’image » de ces textes, qui font l’objet de l’attention des spécialistes : éditeurs, graphistes, dessinateurs de caractères…
De plain-pied dans le système de représentation qu’est l’écriture, les enseignants ne sont pas forcément conscients de l’importance du choix des caractères, de l’exigence d’une certaine beauté des supports sur lesquels les élèves vont apprendre, s’exercer. Alors que les fondamentaux de l’école, la lecture et l’écriture – la lettrure, disait-on au Moyen-âge – insistaient sur le beau tracé, la présentation, à l’heure de l’écrit d’écran et des imprimantes où chacun peut produire et reproduire ses documents, la connaissance des travaux de Jack Goody (La Raison graphique), Robert Bringhurst (La Forme solide du langage), Anne-Marie Christin et Jacques Bertin (qui a formalisé la sémiologie graphique et le design de l’information), celle des imprimeurs, typographes et graphistes qui ont marqué l’histoire du livre et de la communication seraient un atout pour eux. ■
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