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Volo : un parcours militant à travers le XXème siècle

Nos amis de l’Émancipation rendent hommage à Volo, militant instituteur puis professeur de collège ; résistant FTP ; syndicaliste SNI ; animateur de l’École Émancipée avant de poursuivre son engagement avec l’Émancipation. Il fut aussi l’un des fondateurs de l’EDMP.

Notre « vieux » copain Volo vient de fêter ses cent ans. Nous voulons ici lui rendre hommage, rappeler son parcours militant et le remercier de tout ce qu’il a pu nous apporter dans notre vie de militante et militant.

Joseph Volovitch, dit Volo, est né 1er octobre 1913 à Saint-Cloud. Il a été instituteur puis professeur de collège ; résistant FTP ; syndicaliste SNI ; animateur de l’École Émancipée avant de poursuivre son engagement avec l’Émancipation. Il fut aussi l’un des fondateurs de l’EDMP.

Une enfance aux premières loges de la révolution russe

Ses parents étaient des militants socialistes anti-tsaristes qui s’étaient rencontrés à Paris dans les milieux de l’opposition social-démocrate russe. Son père (né en 1877), tailleur, et sa mère (née en 1889) couturière, venaient des deux périphéries de l’empire tsariste (actuellement Ukraine et Lettonie) et de familles d’origines juives dont l’un et l’autre avaient abandonné toutes les traditions religieuses et culturelles. Son père arriva à Paris en 1909, après s’être évadé de Sibérie où, responsable menchevik, il avait été transféré après l’échec de la Révolution de 1905. C’est en Sibérie qu’il avait appris le français auprès de militants francophiles. Après février 1917 son père repartit, avec d’autres mencheviks, pour renforcer la gauche démocratique. Jo Volovitch âgé de quatre ans resta en France avec sa mère. En 1921, son père, opposé au régime bolchevique, eut beaucoup de mal à rentrer en France. Il le dut aux démarches de sa femme auprès de dirigeants mencheviks exilés en France.

Joseph Volovitch a été déclaré Français de naissance par son père. Ils vivaient à Paris dans le XIV° arrondissement Il a fréquenté l’école primaire de son quartier puis est entré à l’École primaire supérieure Turgot. Muni de son brevet supérieur, il est devenu instituteur en banlieue sud, à Malakoff, Le Kremlin-Bicêtre et Villejuif.

Il a grandi dans une ambiance d’adhésion aux idéaux de la gauche et du mouvement ouvrier démocratique français, à travers la presse reçue à la maison et les références de son père qui l’emmenait tous les ans défiler au Mur des Fédérés. JPEG – 732 ko

L’engagement révolutionnaire du premier vingtième siècle

Il devint vite militant aux Jeunesses socialistes, puis à la SFIO. Il était actif aux « Faucons Rouges » et surtout au mouvement des Auberges de Jeunesse dont il partagea d’emblée l’esprit coopératif et autogestionnaire, l’adhésion à l’émancipation féminine et le respect de la nature. Volo rejoignait ainsi la petite frange de militants qui tentèrent, avant et après la Seconde guerre mondiale, de faire vivre l’héritage des luttes et des idéaux révolutionnaires démocratiques et libertaires du mouvement ouvrier français d’avant 1914, il rejoignit les groupes du Cercle Zimmerwald et la revue La Révolution Prolétarienne. Dans l’élan du Front populaire, au sein du SNI, il fut élu pour l’École Émancipée au conseil syndical de la Seine en 1938.

Démobilisé à la fin de la « Drôle de guerre » en 40, il a été affecté dans une école à Cachan où il rencontra Berthe Halvick (née en 1917 à Paris) ; ils se marièrent en décembre1941. En juillet 1942, ils ont dû quitter Paris, Jo ayant été dénoncé par une collègue d’école comme « communiste et juif ». Des solidarités amicales ont alors permis à Jo et Berthe de traverser clandestinement la ligne de démarcation et ils ont trouvé abri à Saint-Étienne. Ils ont été protégés à Saint-Étienne par un réseau de résistants qui s’était constitué pour sortir des Républicains espagnols des camps d’internement. Ce réseau obtint pour Berthe, un poste d’institutrice à Saint-Étienne, et pour Jo de vrais faux papiers et un emploi de bureau au Comité d’organisation du travail des métaux. Volo a été résistant dans les FTP de la Loire et est allé jusqu’au front des Vosges. En 1945, il a rejoint Saint-Étienne où il a travaillé près de deux ans au journal lié aux FTP, Le Patriote , sans être jamais membre du Parti Communiste.

En 1946, Jo, Berthe et leurs deux enfants ont rejoint Paris. Il a obtenu sa réintégration dans l’Éducation nationale du fait de son engagement FTP et a été détaché jusqu’à la fin des années 1940 comme responsable de la coopérative du Groupement Central des Fonctionnaires (fondée avant guerre par les syndicats de fonctionnaires). Il a repris ensuite un poste d’instituteur dans le groupe scolaire de la Butte-aux-Cailles (Paris XIIIe) où Berthe avait été nommée et où ils ont vécu avec leurs quatre enfants dans un appartement de fonction. Il était un instituteur adepte des méthodes Freinet. Dans les années 1960, il est devenu professeur de collège (PEGC) rue d’Alésia (XIVe arrondissement).

Dans les luttes de l’après guerre

Après guerre, Volo a retrouvé le syndicalisme au SNI (École émancipée) et le noyau de la Révolution prolétarienne. Il est resté un des militants de cette frange minoritaire d’une gauche radicale, ni réformiste ni stalinienne ni sectaire, qui maintint l’idéal d’actions et de débats démocratique et pluralistes. C’est le sens de sa présence dans le noyau de la Révolution prolétarienne, de ses liens avec le groupe « Socialisme ou Barbarie », avec les éditions Spartacus et de ses échanges avec certains anarchistes et trotskistes. Il a milité, sans relâche et sans se décourager, contre les dictatures « occidentales » (en particulier le franquisme) et contre les répressions staliniennes du mouvement ouvrier démocratique à Berlin, Varsovie, Budapest, diffusant les écrits, si mal connus avant 1968, sur les dérives staliniennes et léninistes. Proche de l’UGS puis adhérant au PSU, il est resté toutefois plus impliqué dans le militantisme syndical que politique. C’est dans ce contexte militant qu’il a participé aux mobilisations anti-colonialistes, dans la fidélité des solidarités nouées avant guerre, hébergeant quelques semaines chez lui un membre du MNA menacé à la fois par la police française et le FLN, et se liant plus tard avec Mohamed Harbi. Après la répression sauvage du 17 octobre 1961, qu’il fut parmi les premiers à faire connaître, il a caché dans son grenier un stock de livres édités par François Maspero sur ces massacres. En 1967, il a rejoint le Comité Vietnam National.

De l’Ecole Émancipée à l’Émancipation

Il a participé activement à la grève de mai juin1968 à partir du collège où il exerçait et a repris des responsabilités à l’ÉÉ après l’exclusion de la tendance des trotskistes « Lambertistes ». Il est devenu responsable de l’ÉÉ au niveau national en 1972, abritant dans son grenier de la rue Vendrezanne les réunions de l’Equipe responsable et sa ronéo pour tirer les BI. Il a été très actif durant des années lors des « Semaines de l’ÉÉ ». Il est à l’origine de l’installation de l’ÉÉ (région parisienne) dans « Le Local », 8 impasse Crozatier, Paris 12°, en y fondant la librairie coopérative EDMP (Édition et diffusion de matériel pédagogique), liée à l’ÉÉ et locataire du lieu. Le Local EDMP/ÉÉ a été partagé, avec les Éditions Spartacus dès les débuts de la location coopérative. Volo est décrit par tous comme un animateur chaleureux, convivial, attentif aux autres. Jusqu’en 2006, il a été au cœur de la vie du Local, entre la Librairie EDMP et les réunions débat autour de livres (rencontres conclues par un repas fraternel) aux côtés de militants de longue date de la gauche radicale (parmi lesquels Lily Bleibtreu, Denise Salomon, Boris Fraenkel, Martine Maso) et de plus jeunes dont Pierre Cordelier, Rosette Déruelle, Jean et Josette Carrière… Il a tenu jusqu’en 2006 la« rubrique librairie » dans chaque numéro de la revue l’École Émancipée, puis dans l’Émancipation syndicale et pédagogique. À chacune des scissions et tensions internes au syndicalisme enseignant, il a été partisan de sauvegarder l’unité dans la diversité de l’ÉÉ. Lorsqu’une nouvelle scission toucha la tendance à la fin des années 1990, il a encore tenté de maintenir les liens entre le courant trotskyste (LCR) et le courant libertaire, mais est resté avec la minorité « Émancipation » dans le local où a été accueilli, peu après, le siège parisien de RESF (Réseau éducation sans frontières).

Le militantisme de Volo a toujours laissé de côté la question du pouvoir. Pour lui, l’important c’est que, en militant pour « un monde de demain » plus juste et plus fraternel, on se donne les moyens de vivre aujourd’hui, selon ces principes, avec « les siens ».

Sources : Le Maitron (1)

(gracieusement transmis par Claude Pennetier)

Je ne connaissais l’EE que « théoriquement » : dans le Calvados comme dans le Val de Marne, je n’avais jamais rencontré de militant-e-s de cette tendance. C’est un article de Michel Bouvet et Michel Chauvet sur la révolution des œillets au Portugal qui m’a décidée à prendre contact. On m’a donné les coordonnées d’Élisabeth Sagan du GD 94 qui se réunissait à Jussieu.

C’est à ce moment que l’EDMP a loué le local de l’impasse Crozatier et que j’ai fait la connaissance de Lily et Volo dont j’ignorais complètement le rôle dans la tendance. Volo m’a accueillie chaleureusement, comme il le faisait avec tout-e-s les nouveaux/velles venu-e-s. Il déplorait que ce ne soit pas toujours le cas. Son principe était : « Ici on s’aime » et aussi « Ce n’est pas suffisant de sculpter les nuages ». C’est pourquoi il avait fondé la Librairie et organisé les débats autour d’un livre. Il participait peu aux débats.

Il préférait le travail de base : assurer les commandes de la Librairie qui a l‘époque étaient nombreuses et envoyer les colis. Il tenait la comptabilité du CCP (entrée des virements d’office servant à payer le loyer et dépenses pour l’entretien du local). Il savait choisir le bon moment pour vous proposer un virement d’office et était le seul à vendre la revue sur le parcours de toutes les manifs.

Il parlait peu de lui-même. Il préférait évoquer, non sans humour, mais sans amertume, les nombreuses anecdotes de sa vie militante. Il disait, par exemple, que l’EDMP avait la plus belle collection de journaux n’ayant pas dépassé le numéro 2.

J’ai donc plus connu l’homme que le militant au plus fort de son activité militante et je lui garde un profond attachement.

Christiane Morel

Volo m’accueillait toujours (comme pour la plupart des copines) par un « ça va mon petit chat » et une caresse dans le cou. Même en ces temps de « MLF » on ne pouvait pas lui en vouloir. Car Volo c’était la chaleur même.

Je l’ai connu au moment où l’EE, dans les années 75, cherchait un coin où se réunir. Nous squattions des salles à Jussieu mais ce n’était pas des plus pratique et il fallait héberger la ronéo, la stencileuse et tout le matériel que Volo avait stocké dans son grenier de la rue Vendrezanne alors qu’il était responsable national. Alors poussé-e-s par Volo et Lily, nous étions quelques uns et unes à arpenter Paris et finalement c’est Frantz Rutten qui a dégotté l’impasse Crozatier. Mais il fallait pouvoir payer le loyer alors Volo a lancé l’idée de la coopérative de l’EDMP ayant pour base d’activité une librairie (il nous fallait un statut social nous permettant d’avoir un bail commercial) et comme financement des virements automatiques trimestriels assumés par plus de 200 copines et copains. Certains et certaines, au départ ont été réticent-e-s mais cela a marché.
Volo s’ingéniait à en faire un lieu de vie autogéré mais déplorait parfois que l’autogestion du balai ne soit pas toujours évidente ! Volo n’était jamais plus heureux que lorsque le local, son local, était plein à craquer. C’était le cas lors des collèges de l’EE ou des réunions- débats autour d’un auteur. Volo ne participait pas beaucoup aux débats mais il assurait l’intendance : les commandes pour la Librairie, la tenue de la Librairie pendant les Semaines, les envois de livres aux copines et copains de province et le remplissage du réfrigérateur. Il était fier d’afficher les lettres de remerciements venues du monde entier.

Il disait qu’en politique il s’était toujours trompé mais son parcours montre bien qu’il est resté fidèle à ses engagements. Et lors de la scission, il ne s’est pas trompé et a choisi l’Émancipation. Les années venant il a du prendre un peu de recul et peu à peu nous ne l’avons plus vu au local, son état de santé ne le permettant plus. C’est un regret pour toute l’équipe de l’EDMP à qui il a confié le flambeau mais régulièrement nous parlons de lui et par la pensée, il est toujours présent parmi nous.

Volo, on t’aime !

Annick Champeau

100 ans c’est difficile à résumer : on retient surtout ce qui a marqué d’un point de vue biographique et militant. Mais c’est beaucoup dans le quotidien, que les qualités personnelles et militantes se révèlent : Volo c’est avant tout la gentillesse, la simplicité, la modestie… mais en ne perdant jamais de vue le travail collectif pour l’émancipation.

Dès l’entrée du local du 8 impasse Crozatier, la belle écriture régulière de Volo prévient « Toi qui rentres dans ce local, si tu es coopérateurE tu es chez toi, si tu ne l’es pas encore nous t’accueillons avec plaisir ». Tout y est. L’accueil et le désir de faire partager le projet coopératif de L’EDMP. Cet accueil, ce local, cette EDMP, ce projet coopératif que le comité de gestion actuel se donne l’objectif et les moyens de poursuivre, tous ces ingrédients qui rendent ce rez-de-chaussée mal fagoté si attachant, n’auraient certainement jamais existé, sans la détermination et la cordialité (au sens premier du terme) de Volo.

Avec Lily et d’autres camarades de la Librairie, du comité de gestion de l’EDMP et de l’Ecole Emancipée, puis de l’Emancipation, il incarne la concrétisation durable d’un rêve autogestionnaire, mettant au premier plan l’échange, la solidarité, l’activité opiniâtre au service de touTEs. « Vous nous faîtes confiance pour les prix on vous fait confiance pour le règlement ». Cette formule pudiquement limitée à l’économique traduit la façon dont Volo conçoit la confiance dans le collectif de camarades, réciproque. Et en y prenant toujours plus que sa part (ce qui est une bonne façon d’être plus sûr que les choses se fassent) aussi bien pour être responsable national, pour vendre la revue dans les manifs, pour faire vivre l’EDMP. Et comment qu’il l’a faite vivre cette EDMP, en proposant toujours que le local soit un appui pour les luttes, y compris les plus difficiles (on se souvient de la photo de Volo avec Madiguène Cissé, en pleine mobilisation des sans-papiers), en y faisant venirle groupe « Volo » dont il est si fier, en allant chercher les commandes des coopérateurs chez des libraires parfois quasi-introuvables et en les envoyant, y compris aux quatre coins du monde, en assurant la comptabilité et en défendant sans relâche l’EDMP comme partie intégrante de la vie de la tendance, notamment lors des AG statutaires…

Ce n’est pas parce que Volo a assuré nombre de tâches matérielles qu’il ne s’est pas intéressé aux débats théoriques. Mais il s’est toujours bien gardé de prendre les travers de celles et ceux qui s’en sont fait une spécialité, les taquinant parfois, leur rappelant sans relâche la nécessité de ne pas négliger les tâches concrètes. Choisissant quant à lui de participer aux débats par des expériences précises tirées modestement de sa longue pratique militante, en toute humilité, mais à chaque fois avec le souci de ménager l’essentiel pour l’avenir.

Volo, nous espérons que le fait de savoir que nous nous efforçons de continuer ce à quoi tu t’es tant attaché constitue un cadeau d’anniversaire qui te fait plaisir…

Olivier Vinay

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2 Comments

  1. FLAMMANT Thierry

    Volo : un parcours militant à travers le XXème siècle
    Bonjour à tous,
    Ayant publié L’Ecole émancipée, une contre-culture de la Belle Epoque au début des années 1980, j’ai eu l’occasion de rencontrer Volo impasse Crozatier. J’avais apprécié son accueil chaleureux et plein d’humour ainsi que son accent parigot qui était aussi le mien. On avait parlé à bâtons rompus de l’Ecole émancipée, de son histoire, du grand syndicat unique ouvrier qui faisait (et fait encore) défaut, de la situation de l’école, de l’engagement des profs et instits, etc. Hasard des nominations dans l’Education nationale, je fus, quelques années après, le professeur d’Histoire de son petit-fils en Indre-et-Loire et je connus, par la même occasion, son fils qui travaillait, à l’époque, à la revue Alternatives économiques. Trois générations de Volo militants semblables aux miennes.
    Un grand salut donc et une longue vie à Volo que j’embrasse affectueusement.
    Thierry Flammant.

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