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Si proche Turquie

Le scrutin l’a montré : la Turquie est une société vivante, pleine de potentialités, ne pliant que d’extrême justesse à la démagogie d’un apprenti-dictateur s’appuyant sur la religion. « Le combat continue » est dans ce cas autre chose qu’une formule rituelle : l’expression d’une réalité tangente, d’une situation en attente.

Ce pays est aussi – c’est sans doute l’origine de l’intérêt que ces élections ont provoqué – un de ces États-tampons que l’Europe riche affectionne.
Les États auxquels nous appartenons sont bien contents, quitte à se fendre de quelques mots de réprobation à l’occasion, d’être entourés d’une ceinture de pays pas très propres sur eux du point de vue des libertés mais qui présentent des avantages : ce sont les pays de l’Est intégrés ou non à l’Union européenne, avec leur main d’œuvre bon marché sur place et la disponibilité à tous les sens du terme des travailleurs détachés ; c’est le Maroc et la Tunisie du tourisme et des investissements immobiliers de retraités français qui peuvent, même avec des pensions modestes, y mener une vie de colon à l’ancienne ; ce sont les pays-freins à l’immigration de la misère, de la dictature, des guerres civiles sans frein dans l’horreur du Moyen-Orient et de l’Afrique subsaharienne (quitte à payer des milliards d’euros à la Turquie pour qu’elle fasse le sale boulot). Certes on y applaudit les émergences démocratiques quand elles ont lieu, mais on est bien content d’avoir des liens avec ces pays qui ne sont ni des dictatures hystériques à l’érythréenne, ni des démocraties, mais les régimes intermédiaires du « proche étranger », pour reprendre l’expression forgée pour la Russie. « On » : les classes dirigeantes, bien sûr, et ceux qui à un titre ou un autre profitent du peintre serbe ici ou des riads d’Agadir.

Tout cela est fragile, car ces sociétés géographiquement et humainement proches ne sont pas immobiles : après les printemps arabes, il y a eu les soulèvements de grande ampleur, dans le nombre et la durée, de Biélorussie et de Roumanie contre la corruption, l’opposition des femmes au pouvoir polonais ; et en Turquie, nombreux sont ceux et celles (car les femmes sont en première ligne) qui luttent pour les droits. Au premier rang desquels les Kurdes, dont la ténacité et les évolutions politiques (le PKK est ainsi passé de Staline à Murray Bookchin, le penseur écologiste libertaire, même s’il faut être prudent, le symbole n’est pas négligeable) appellent notre attention et notre solidarité.

Diffuser à nos collègues des informations sur ces luttes, c’est notre souci (modestement, les pages consacrées aux Kurdes dans notre prochain numéro 6 de la revue N’Autre école – Questions de classe(s) vont dans ce sens). Et avec les collégiens et les lycéens, à partir des informations académiques

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/doc/typespace/urb1/MetropScient9.htm

ou militantes

http://www.kedistan.net/

il y a de quoi faire.

Car soyons logiques : si les dirigeants de nos sociétés, et tous ceux que la méconnaissance ou l’ignorance voulue font aller dans le même sens, soutiennent dictateurs, semi-dictateurs, affairistes et militaires, ayant bien conscience finalement d’appartenir au même monde malgré les décalages de niveau de vie, nous n’avons pas à être en reste. Le proche étranger nous est plus proche qu’étranger : savoir, faire savoir, c’est déjà être solidaire.

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