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SNU : l’éducation nationale (et catholique) sur le pied de guerre

Contestataires les lycéens ? En tout cas pas ceux de Massy, rassemblés le 3 février dans les locaux de l’Ecole polytechnique pour assurer, devant trois ministres aux anges (Blanquer, Attal, Darrieussecq), la promotion du service national universel (SNU). Depuis l’annonce évidemment très médiatisée de la généralisation du SNU à l’horizon 2024, c’est toute l’Education nationale qui se mobilise, le petit doigt sur la couture du pantalon, pour garantir le succès de l’opération. Sur l’ensemble du territoire, toutes affaires cessantes, les directeurs départementaux des services de l’EN (DSDEN), jouent les sergents recruteurs auprès de « notre belle jeunesse » (DSDEN 43), pour remplir le quota de 30 000 volontaires attendus pour la prochaine session du SNU (juin 2020).

Comme l’an passé, les personnels de l’EN sont également mis à contribution pour assurer, au côté des militaires, l’encadrement des recrues. Ainsi, dans les Côtes d’Armor, les enseignants sont sollicités afin d’ « assurer des fonctions d’encadrement auprès des jeunes volontaires ». Si c’est d’abord à leur fibre civique et patriotique que s’adresse le DSDEN ( « Il s’agit d’exercer un engagement différent de votre service habituel mais toujours au service des valeurs de la république et de leur diffusion auprès des jeunes… » ), il est entendu que quelques menus avantages matériels ne pourront que favoriser cette implication attendue des enseignants : « Vous exercerez cet emploi en étant déchargé de votre service d’enseignement et remplacé sur votre poste. Vous bénéficierez d’une indemnité spécifique qui sera prochainement précisée. » Qui dira encore après cela que l’EN n’est pas en mesure de remplacer les profs absents ? Quant aux enseignants qui se voient opposer une fin de non-recevoir à toute demande de revalorisation, ils apprécieront à sa juste valeur cette promesse d’indemnité.

La question également cruciale de l’hébergement des jeunes en « maisonnées » (on ne dit plus casernes), est en passe d’être résolue : ainsi parmi les 8 sites d’accueil retenus pour l’Ile-de-France, 3 sont des établissements catholiques (le collège La Salle Passy Buzenval à Rueil-Malmaison, tenu par les Frères des Ecoles chrétiennes, l’établissement privé catholique Fénelon à Vaujours, l’école Saint-Martin de France, tenue par les Oratoriens, à Pontoise). Miracle de la laïcité à la française : un ministre de l’Education qui interdit aux mères de familles voilées d’accompagner les sorties scolaires ne voit pas de contradiction avec un temps d’internement obligatoire imposé aux jeunes au sein d’un établissement religieux, réactivant ainsi l’alliance du sabre et du goupillon…

Enfin, toujours pour cette même région, un certain nombre de recrues seront hébergées à l’hôtel Meininger, à Paris : avec un tarif de 75 euros par personne et par nuit (et sans doute davantage en juin), il se confirme que les milliards du SNU seront décidément bien employés… mais sans doute bien insuffisants lorsqu’il s’agira d’héberger non pas 30 000 participants comme il est prévu en juin prochain mais les 800 000 jeunes d’une classe d’âge.

Dans le contexte actuel, la mise en place accélérée et inconsidérée du SNU vient mettre un peu plus en lumière :

– le dogmatisme d’un dispositif quasi totalitaire, visant à faire du SNU et d’un internement à dimension militaire et identitaire une étape obligée de la scolarité.
– l’autoritarisme de son maître d’œuvre, le ministre de l’EN, mettant toute son administration, ses locaux, son personnel, son budget, au service d’un projet qui n’a jamais été discuté par les premiers intéressés (jeunes, parents, enseignants, éducateurs).
– l’amateurisme qui préside au déploiement d’un concept surréaliste dont la faisabilité n’a jamais été évaluée.

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