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Rentrée scolaire : une mise en scène présidentielle au service d’une politique

Rentrée scolaire : lundi 3 septembre, Macron et son très fidèle serviteur Blanquer sont en déplacement à Laval (Mayenne) afin d’inaugurer en grande pompe le nouvel internat d’un collège de la ville. Dernière fantaisie en date, après la « rentrée en musique », l’interdiction présumée du portable, la Marseillaise apprise par cœur et en tranches et d’autres facéties de la même veine, l’internat blanquerien a une histoire et un coût. Il prend place dans la lignée des internats dits d’ « excellence », lancés en 2010 sous Sarkozy et dont le maître d’œuvre, le dgesco (directeur général de l’enseignement scolaire, véritable n° 2 du ministère) de l’époque, J.-M. Blanquer, fut l’ardent défenseur. Le principe : regrouper en internat un tout petit nombre d’élèves qualifiés de « méritants » (étant entendu que les autres ne le sont pas), qui bénéficieront d’un encadrement matériel et humain hors norme. Dès l’origine, ces internats ont bénéficié d’un écho médiatique à la mesure des budgets qui leur étaient consacrés. On ne compte pas les reportages dithyrambiques consacrés par exemple à l’internat de Sourdun (Seine-et-Marne), présenté par des médias bien peu critiques comme la concrétisation d’une méritocratie dite républicaine enfin restaurée.

La réalité était tout autre. Des dépenses exorbitantes consacrées à un nombre microscopique d’élèves (à l’époque de leur splendeur, les internats en question regroupaient 0,02% du total des élèves scolarisés), des élèves pas spécialement issus de milieux modestes, des résultats peu en rapport avec les dépenses engagées : en fait, les internats d’excellence servaient de couverture à une politique éducative résolument conservatrice aux effets potentiellement ravageurs (suppression de postes, de la formation des enseignants, semaine de 4 jours en primaire etc). En octobre 2012, un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale en dénonçait le effets délétères et le côté superficiel :

« La multiplication de dispositifs spécifiques qui a caractérisé les dix dernières années de la politique d’éducation n’a permis que d’éviter la nécessaire réflexion de fond sur la réforme du système d’éducation prioritaire. Ce n’est pas du saupoudrage des moyens que naîtra une véritable cohérence de l’action éducative en faveur des élèves issus de milieux défavorisés. »

Comment se donner bonne conscience à peu de frais ? Avec cet écran de fumée, déjà le ministre Blanquer perçait sous le dgesco Blanquer et c’est bien dans cet esprit qu’il faut comprendre la dernière en date des opérations publicitaires de l’EN autour des internats « leviers d’égalité sociale et territoriale ». Ainsi, à Laval, la construction d’un nouvel internat aura coûté 1 800 000 euros hors taxe au contribuable – somme à laquelle il faudra rajouter un budget de fonctionnement conséquent – pour au final héberger 44 élèves. Elèves méritants ? Pas moins mais pas plus que les autres : la moitié des places est réservée aux élèves des sections sportives, d’autres à une option bilangue anglais-allemand, autant de critères qui n’ont guère à voir avec la justice sociale, encore moins avec une quelconque priorité, en regard de la décrépitude de bien d’autres équipements scolaires.

De fait, à Laval, la construction et l’inauguration solennelle d’un internat – désormais rebaptisé « internat de la réussite » – s’inscrit dans la continuité d’une mise en scène permanente de l’action politique : en saturant l’espace médiatique, comme il le fait depuis 16 mois, avec la complaisance d’une presse bien peu critique, Blanquer aura réussi, au moins momentanément, à se donner l’image de « caution sociale » du gouvernement, là où, au contraire les mesures annoncées relèvent soit de la pure gesticulation (maternelle à 3 ans, quand quasiment tous les enfants de 3 ans sont déjà scolarisés ; interdiction du portable qui ne change rien à la situation existante ; dédoublements en CP qui ne touchent qu’une minorité d’élèves ; etc), soit au contraire d’une idéologie réellement réactionnaire mise en œuvre avec obstination (sélection précoce des élèves en germe dans une prétendue « individualisation » des parcours scolaires ; surveillance renforcée des personnels et des élèves à travers la multiplication des évaluations et des prescriptions règlementaires ; interventions insistantes dans les programmes scolaires etc).

Sur 58 401 élèves que compte le département de la Mayenne, 44 seront concernés par l’ouverture d’un internat : la solennité organisée autour d’un événement statistiquement insignifiant, sa mise en image, auront une nouvelle fois joué leur rôle dans la promotion d’un président, d’un ministre, qui détournent à leur profit le service public d’éducation. Il faudrait quand même bien que la baudruche se dégonfle.

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