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Priorité au social !

On parle beaucoup d’école chez les politiciens, de droite (surtout), de gauche et du milieu, pour ne rien en dire que des âneries réactionnaires ou, à gauche, faire dans l’habituelle promesse (plus de postes, augmentation des salaires). Les aspects quotidiens du métiers (nouveaux programmes de la maternelle, accueil des moins de trois ans, continuité école-collège et collège-lycée, situation des lycées pro, lecture, apprentissage coopératif)… et surtout les questions qui font mal : désintérêt et éloignement des élèves des classes populaires et de leurs parents, résultats de plus en plus inquiétants pour le « tiers mexicain* » de la population scolaire (le « tiers coréen » des « grands lycées » se porte très bien, merci), maintien des structures élitistes (classes prépas, agrégation), ségrégation de fait du privé aisé (dans la grande majorité des cas, ce n’est plus l’élément confessionnel qui compte) contre le public, rien de tout cela n’est dit ni débattu sérieusement.

D’abord parce que les vrais sujets vivent au temps long des changements et des apprentissages, et non au temps court de la politique politicienne : prenons l’accueil des moins de trois ans en maternelle : prévu dès l’époque de Jules Ferry (mais oui!), il a été relancé au début du quinquennat, avant même la loi de refondation, après une chute progressive depuis le début des années 80 du siècle précédent. Les plus jeunes, que la pauvreté privent d’interactions avec leurs parents, de liens variés avec des adultes différents, de stimulations sensorielles et motrices, en tirent vraiment bénéfice. Mais ils ne sont qu’à peine plus d’un dixième à pouvoir y accéder : familles isolées, lenteur des structures, frein ou détournement du dispositif de plusieurs municipalités. En cinq ans, ne pas faire mieux ? On peut dire que le social, ce n’est pas la priorité.

Certains sujets qui peuvent trouver écho dans la presse ne font pas plus florès ; les quelques petites tentatives de mixité sociale sont refusées par les syndicats, au nom d’arguments maximalistes du genre « il faut la mixité partout, sinon rien » (et surtout pas dans mon collège privilégié). Ces essais sont très tardifs (fin du quinquennat), très localisés : … juste un geste d’adieu pour l’équipe actuelle : le social ce n’est pas la priorité.

Certaines parties du territoire n’arrêtent pas par contre de défrayer la chronique : la Seine-Saint-Denis est de ceux-là. Lycées surchargées, manque de remplacements dans le primaire, période de violence contagieuse à certains moments de l’année. On ne peut pas dire qu’on ne fait rien, on recrute un peu… mais le social, ce n’est pas la priorité.

Il est significatif que les candidats de gauche et de droite parlent de la laïcité ; c’est vraiment le grand paravent (et bien sûr ça ne concerne pas que l’école). Que Peillon ait débuté le quinquennat par ça (et par les rythmes scolaires) est d’ailleurs révélateur : certes il ne risquait pas de fâcher grand monde. Mais de passer, là aussi, à l’écart de la question sociale, oui.

Eh bien nous, notre programme, c’est ça : il faut non seulement des moyens (taille des classes, personnel médico-social, poursuite des dispositifs de l’éducation prioritaire) mais aussi un objectif égalitaire sur tous les plans : les parents doivent avoir toute leur place, car ce sont nos égaux, pas seulement des « partenaires » ; les pédagogies coopératives doivent être encouragées et pas seulement autorisées, car elles donnent la pratique et le sens du collectif et l’évaluation complètement revue, aidante au lieu d’être classante. Les classes doivent être des lieux de parole consciente – le contraire des plateaux-télés – à chaque étape explicite de l’apprentissage, dans les conseils de classe, dans les ateliers-philo.

Facile à dire, nous dira-t-on, vous n’aurez jamais le pouvoir ! Le pouvoir des parleurs et des tricheurs, certes non. Celui que nous prendrons, jour après jour, dans nos collectifs de travail, en tâchant de rallier tous ces collègues rétifs, pourquoi non ?

Jean-Pierre Fournier, Question(s) de classe(s)

* les élèves en échec (PISA) ont des résultats comparables à ceux du Mexique, ceux qui ont de bons résultats ont des résultats comparables aux pays qui ont les meilleurs scores. Ce n’est qu’une indication statistique, mais quand même.

1 Comment

  1. Nobody

    Priorité au social!
    Le désintérêt et l’éloignement des élèves est-il seulement celui des classes populaires ? J’ai l’impression que c’est plus général que ça.
    Le sentiment d’une abandonnite chez les enfants de tous les milieux pour des raisons différentes. cela en arrive à des suicides et des états dépressifs à de jeunes âges 7-12 ans.
    Qu’attendre des parents ? Leur souhaiter que le monde du travail leur en laisse le temps et l’énergie; à ceux qui n’ont pas de travail, de ne pas s’exclure à la longue. Ce n’est pas seulement la pauvreté qui prive les enfants d’interactions avec leurs parents; cette pauvreté de liens affectifs dépasse ce que vous appelez les classes populaires.
    Il n’est plus possible d’être enseignant sans porter un regard sur la situation psychologique de l’enfant et de prendre en considération les tensions engendrées par les conflits familiaux.
    Pour faire court, toutes les tentatives de pédagogie alternatives, en particulier celles qui se développent autour de la valorisations des sens comme une initiative précoce aux rythmes musicaux ne peuvent pas trouver de relais institutionnel. L’institutionnel relaie la plus grande attente commune aux parents; la réussite scolaire. On ne mesure pas l’attente démesurée des parents qui ont pour horizon un marché du travail de plus en plus réduit et paradoxalement des perspectives de réussite pour leur progéniture passant par les radios crochet télévisés.

    Le tiers mexicain est malheureux pour les mexicains.

    Notre égalité avec les parents est celle des citoyens égaux en droit seulement. Les parents dans l’école c’est autant de pédagogies que d’entraîneurs.
    Ce sont des partenaires institutionnels dont les fédérations vivent de leur représentativité à chaque élection. Un président de fédération départementale ou régionale peut avoir plus d’influence qu’un syndicat.
    L’égalité des chances n’est pas l’égalité de la réussite scolaire. Elle peut être de savoir que l’enfant s’épanouira dans une filière professionnelle. Ce serait une révolution.

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