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Police partout, justice nulle part

L’édito de la revue l’Émancipation syndicale et pédagogique n°9, mai 2015

Ce printemps 2015 risque fort d’être à marquer d’une pierre noire dans l’histoire des luttes pour la justice et les libertés en France.

Certes, le tribunal de Bobigny a déclaré coupable le 2 avril dernier le policier auteur du tir de flash-ball qui avait gravement blessé à l’œil Geoffrey Tidjani, en 2010, alors qu’il poussait une poubelle en travers de la route, devant son lycée, pendant les grèves contre la réforme des retraites. C’est un fait rarissime : c’est seulement la troisième condamnation recensée. Une peine avec sursis, mais Geoffrey, lui, est mutilé à vie, comme plusieurs dizaines de victimes de tirs de flash-ball.

Le même jour, à Montbélilard, un non lieu à été décidé en faveur d’un policier auteur en 2011 d’un tir sur Ayoub, alors âgé de 17 ans, visé alors qu’il attendait un bus.
Ce printemps a vu aussi se dérouler, à Rennes, le procès des policiers qui, il y a maintenant dix ans, avaient poursuivi Zyed etBouna, morts électrocutés dans une installation électrique où ils s’étaient réfugiés. Le drame, on s’en souvient, avait déclenché trois semaines de révoltes dans les banlieues. La décision du tribunal sera rendue le 18 mai, cependant le déroulement du procès laisse peu d’espoir aux familles des victimes. Le Ministère public a demandé la relaxe, et une condamnation même seulement symbolique est très improbable.

À Toulouse, le verdict du procès en appel de Gaëtan, étudiant en histoire de l’art à l’université du Mirail, syndicaliste à Solidaires Etudiant-e-s, est tombé mercredi 1 er avril : deux mois de prison ferme, quatre mois avec sursis et 1100 euros d’amende ! D’autres manifestantEs se sont vu confirmer les peines de prison ferme dont ils avaient écopé en décembre. Ces condamnations viennent après l’évacuation de la ZAD de Sivens, le quadrillage de la ville par la police à chaque manifestation, l’expulsion de la CGT de la Bourse du Travail ou encore l’interdiction d’un meeting de soutien au peuple palestinien dans le cadre de la campagne BDS. Pendant ce temps les coupables du meurtre de Rémi Fraisse restent impunis.

Sans surprise, les députéEs PS, l’UMP et l’UDI ont annoncé qu’ils/elles voteront le 5 mai, en procédure accélérée, la loi sur le renseignement. Cette loi que le gouvernement Valls prépare depuis juillet 2014 élargit les missions de renseignement à la surveillance de toute personne dans le cadre de la prévention de “violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique”. Les services de renseignement pourront recueillir les données de connexion de “personnes préalablement identifiées comme présentant une menace”, sur décision du Premier Ministre, et sans véritable contrôle démocratique, puisque la Commission nationale de contrôle n’aura qu’un rôle consultatif et de recommandation. C’est bien une surveillance généralisée à touTEs les acteurs et actrices des mouvements sociaux qui se met en place sous prétexte de lutte anti terroriste, un amendement les excluant totalement du champ de cette loi ayant été refusé.

Le double visage du capitalisme en crise continue de s’affirmer sous la gestion socialiste : libéral pour les riches et les grands patrons, sécuritaire et liberticide pour touTEs les autres.
Les organisations syndicales, pour la plupart, sont pourtant restées bien silencieuses. Même si la CGT, la FSU, Solidaires, le SNJ et le Syndicat de la Magistrature ont rejoint l’appel unitaire à manifester le 4 mai, ce sont surtout les associations qui sont à l’initiative.
Il nous faut donc contribuer à l’émergence d’un puissant mouvement social, qui serait seul de nature à imposer une véritable rupture avec cette politique.

Raymond Jousmet, 28 avril 2015

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