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On dit que nous sommes des preneurs d’otages…

Tribune de professeur.e.s grévistes à Henin-Beaumont

On dit que nous prenons en otages les élèves
Une prise d’otage est une menace physique et nous n’avons jamais menacé personne 1 . Il faut refuser ce vocabulaire qui tente de mettre hors-la-loi tou.te.s les grévistes, cheminots, urgentistes, … L’opération médiatique de substitution du vocabulaire du conflit social (« droit de grève ») par un vocabulaire du terrorisme (« prise d’otage ») est indigne et inacceptable.

On dit que nous sommes une petite minorité
Nous ne sommes pas une minorité. Le silence de nos collègues sous les menaces n’est pas un consentement, et un grand nombre de collègues non grévistes nous ont témoigné leur soutien pendant les jurys de délibération et ceux des oraux de rattrapage. Une majorité d’enseignant.e.s, de la maternelle au supérieur, est opposée à la réforme Blanquer, tout comme bon nombre de parent.e.s d’élèves 2 et de syndicats lycéens ou professionnels. Le Conseil Supérieur de l’Éducation a voté contre cette réforme, les lycéen.ne.s ont organisé des manifestations, parfois dans un climat de tension extrême, pour exprimer leur désaccord.

On dit que nous sommes dans l’illégalité
Le droit de grève est inscrit dans la Constitution. Nous comprenons les réserves de certain.e.s sur le moment choisi, mais cela n’enlève rien à la légalité de notre action. Avant la grève, nous avons corrigé normalement et sérieusement nos copies. Pendant la grève, nous avons cessé de travailler, et par conséquent nous n’avons pas rendu les copies. De plus, une telle grève n’aurait pas eu lieu si le ministre avait simplement ouvert un dialogue demandé depuis plusieurs mois. En revanche, qu’un ministre donne des instructions pour remplacer la note au baccalauréat par la note du livret scolaire (ou une note arbitraire !) est illégal 3 car cela introduit une rupture d’égalité entre candidat.e.s (article L331-1 du Code de l’Éducation 4 ). Cette injustice touche d’ailleurs tou.te.s les candidat.e.s, pas seulement celles et ceux dont les copies ont été corrigées par des grévistes.

On dit que nous avons saboté le bac

C’est la réforme Blanquer qui attaque la nature même du bac : elle abandonne l’ambition d’un examen républicain équitable, au profit d’une formule incompréhensible pour les élèves, leurs familles, et parfois même les personnels. Avec ParcourSup, le bac a déjà perdu son statut de premier diplôme universitaire, qui donnait un droit d’accès à l’université pour tout.e élève ayant le bac ; avec le bac Blanquer, l’introduction du contrôle continu à hauteur de 10% rompra l’anonymat, et l’organisation des épreuves par les établissements avec leurs moyens propres à hauteur de 30% renforcera les inégalités sociales et territoriales. Le bac n’aura plus la même valeur selon le lieu où il a été passé. En dernier recours, nous avons fait trois jours de grève administrative, une fois les copies corrigées et avant de les rendre, pour exiger l’ouverture de discussions. Nous avons finalement réussi à attirer l’attention sur la mise en péril du caractère national et égalitaire du baccalauréat (constitué d’épreuves communes et anonymisées), ce dont nous pouvons nous réjouir.

On dit que nous sommes irresponsables

Être responsable, c’est refuser une rupture d’égalité. Nous sommes fonctionnaires exerçant une mission de service public, en vue de l’intérêt général de la population, et non d’une politique inégalitaire. Être enseignant.e, c’est prendre en charge les élèves, leur formation de citoyen.ne.s et leur réussite. La réforme Blanquer nous entravera dans cette mission et pour nous, être responsable, c’est alerter sur les dangers de celle-ci, mise en place à marche forcée, sans aucune concertation avec les professionnels de l’éducation. Ce qui nous semble irresponsable, c’est la décision du ministre de forcer des délibérations remplies d’irrégularités juridiques, créant ainsi des situations chaotiques, plutôt que d’ouvrir le dialogue avec ses enseignant.e.s.

On dit que nos revendications sont corporatistes

Nous exerçons notre métier par souci de l’intérêt général, et en premier lieu celui de nos élèves. Or, dans le lycée Blanquer, nous ne servirons ni l’intérêt des élèves, ni l’intérêt général : nous serons mis en concurrence pour attirer le plus d’élèves possibles dans nos spécialités, les transformant en cibles marketing, au détriment d’une véritable transmission des savoirs. Notre action vise à défendre l’ensemble de la communauté éducative (élèves, parent.e.s, enseignant.e.s du premier et du second degrés, assistant.e.s d’éducation, assistant.e.s d’élèves en situation de handicap, infirmiers et infirmières scolaires, assistantes sociales et assistants sociaux, personnels d’administration, etc.) et plus largement tou.te.s ceux et celles, agents et citoyen.ne.s, qui sont attachés à la valeur de la fonction publique.
Cela fait, pour nombre d’entre nous, deux ans que nous nous mobilisons et cela nous en coûte, pour demander plus de justice face à un gouvernement autoritaire qui utilise la violence face à des lycéen.ne.s (mis à genoux à Mantes-la-Jolie !) et l’intimidation face à ses personnels.

NOUS APPELONS l’ensemble des personnes ayant participé aux jurys de délibération du baccalauréat qui ont été révoltées par les irrégularités qui y ont été constatées, à s’unir contre les ordres illégaux imposés par le ministre.

NOUS APPELONS l’ensemble des personnels de l’Éducation Nationale à demander que soient ouvertes de vraies consultations pour améliorer les conditions de formation des élèves et de travail des personnels.

NOUS APPELONS l’ensemble des personnes travaillant dans les services publics ou en bénéficiant à s’unir pour ne pas laisser se poursuivre leur destruction : les services publics sont les seuls garants d’un accès pour tou.te.s aux soins, à la justice ou à l’éducation.

NOUS APPELONS les élèves et leurs parents à demander justice, en contactant par courrier les Rectorats afin de déposer un recours et en contactant l’Union Nationale Lycéenne et la FCPE qui ont mis à disposition une ligne téléphonique
au 01 43 57 16 16.

Pour que la démocratie, la justice, l’égalité et la liberté ne soient pas des mots vides de sens et que tou.te.s aient un futur où l’espoir est permis 5 .
Des professeur.e.s grévistes

1. Lettre ouverte à Emmanuel Macron: non, la grève n’est pas une «prise d’otage»
Une pétition de parents d’élèves en soutien au mouvement de grève regroupe aujourd’hui plus de 13.000 signatures : https://www.mesopinions.com/petition/enfants/declaration-amour-aux-enseignant-greve-premiers/69197
3. De nombreux enseignants ont montré qu’ils refusaient de telles consignes illégales et injustes en signant des motions
lors des jurys de délibération et/ou en refusant de participer aux jurys.
4. « Lorsqu’une part de contrôle continu est prise en compte pour la délivrance d’un diplôme national, l’évaluation des connaissances des candidats s’effectue dans le respect des conditions d’équité. »
5. Vous pouvez soutenir cet appel des enseignant.e.s en faveur des services publics signant la pétition suivante :
https://www.change.org/p/tout-le-monde-enseignant-e-s-engag%C3%A9-e-s-pour-sauver-les-services-publics-2743f6a4-6a2e-4845-b676-f20779b3e6f6

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