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Livret scolaire numérique: Droit d’accès=pipeau!

Pour ceux qui sont “forcés” de remplir les casiers scolaires des enfants à partir de 6 ans pendant leurs vacances de Noël, sachez que le droit d’accès et de rectification tel qu’il est indiqué en petites lettres en bas des bulletins que vous remettrez aux familles, (tout comme le droit d’opposition totalement illusoire que j’ai expérimenté l’année dernière) je l’ai aussi testé pour vous: c’est aussi du pipeau….
Si les parents s’adressent comme indiqué en bas des bulletins au directeur de l’école:
Celui ci ne sait pas ce qu’il doit en faire, il transmet à l’IEN …
qui ne sait pas quoi en faire, il transmet au délégué académique à la protection des données…
qui au bout de deux mois et demi après la demande initiale + quelques mails et coups de fils intermédiaires de rappel ne sait toujours pas lui même ce que le ministère entend par donnée personnelle ni ce qu’il est en droit de vous transmettre…

La loi dit qu’au bout d’un mois grand maximum on aurait dû obtenir l’ensemble des données nous concernant et ceci par simple demande à l’établissement, puisque ce sont les modalités indiquées noir sur blanc dans les documents fournis aux familles!!

Que pouvez vous y faire? Surtout commencer par ne pas considérer ce fichier comme un “simple” livret scolaire, c’est une véritable trahison à l’égard des enfants, qui sape -pour peu que les parents en prennent conscience- la confiance qui devrait fonder les relations au sein de la communauté éducative. LSUN fut déployé depuis le début de façon déloyale (absence généralisée des informations légales) , il ne garantit en rien le droit à l’oubli, ni ne respecte la loi sur la protection des données personnelles (puisque les droits d’information, d’accès, d’opposition ne sont pas effectifs, puisque les agents censés en être garants ou les alimenter ne sont pas formés à ces enjeux ni n’ont les moyens de les appliquer, ils sont les premiers à le reconnaître, mais n’ont pas le droit de s’en plaindre officiellement).
Vous autoriser à contester leur légitimité, vous autoriser à contester leur intérêt pédagogique ainsi que leur caractère chronophage aux dépends de votre vrai métier, néfaste pour la reconnaissance de votre profession…de plus en plus instrumentalisée et dévalorisée …
Si jamais le rapport de force à l’heure actuelle ne permet pas encore de les boycotter au moins les renseigner à minima, sans prénoms dans les appréciations (moi j’ai même eu celui de la copine, la maîtresse s’était trompée de ligne et d’appréciation à la saisie, “les cases étaient trop petites et les noms de famille étaient trop proches”…) S’abstenir de commentaires prêtant à interprétation ou ambiguïté, d’éventuelles allusions aux traits de carractères, à la plus ou moins grande acceptation de la “discipline” scolaire, ne pas renseigner les dispositifs permettant d’identifier les enfants en situation de handicap, ou particularité médicale, ou allophones…
Envisager comment faire changer le rapport de force, trouver comment reprendre la main sur votre métier par l’action collective de toutes les manières possibles . .. parce que là, l’obéissance aux desseins blanqueriens, en plus d’être néfaste aux élèves, en plus de décrédibiliser votre métier finira par vous pousser à bout, c’est en train de partir totalement en cacahuète… et ça se voit!

Voici un passage du livre “Désobéir est parfois un devoir” de François Le Ménahèze, un ancien directeur d’école et formateur qui s’est battu il y a quelques années également contre le fichage scolaire, cet ouvrage paraitra très bientôt, fin janvier 2020. Suite à un échange récent, il m’autorise à partager cet extrait, qui je l’espère pourra vous intéresser également!

“C’est donc chemin faisant, tout au long de nos interminables palabres et actions, que j’ai compris qu’il était possible de mener des résistances efficaces de plusieurs manières, à différents niveaux. J’en ai identifié trois qui peuvent être adoptées de façon parallèle, consécutive ou encore exclusive. Ce qui est certain, c’est qu’elles n’engagent ni les mêmes risques ni la même puissance d’action.

La voie 1 : Exercer sa parole – interroger – interpeller – se positionner.

L’enjeu n’est pas si aisé lorsqu’on constate comment s’exerce la parole au sein de son propre milieu, notamment lorsqu’il se joue des relations de pouvoir, voire de pression. Une des premières instances de parole dans le milieu enseignant reste le conseil des maitres. Le premier exercice de cette parole est donc d’aborder directement dans son équipe la question de la réforme en jeu ou encore de mettre à l’ordre du jour un point à débattre. Cette forme demande tout simplement d’être capable d’interroger celle-ci, d’interpeller les collègues sur les enjeux posés par ce point, cette mesure, aussi bien en terme d’intérêts que de limites. Poser la question des valeurs en jeu, du lien avec nos missions d’enseignant de l’école publique au service de tous. Poser la question de l’intérêt en termes pédagogique, éducatif, didactique, ceci aussi bien pour les élèves, pour leurs parents, que pour l’école en elle-même. Chacun peut ainsi éviter l’étouffement dans lequel on s’arrange dans sa solitude enseignante et, d’autre part, pour que l’ensemble des personnes puissent se questionner elles-mêmes, voire se positionner.

Le plus difficile dans cet acte individuel, au service du collectif, est de ne pas entrer dans le jugement, si vite atteint dans ce type de contexte et bien souvent stérile. Il s’agit simplement de remettre du collectif, de la parole sur un métier devenu bien souvent solitaire et culpabilisant. Cette étape ne parait pas « manger beaucoup de pain » mais elle est néanmoins essentielle. L’enjeu reste bien de mettre de la parole, d’oser l’ouvrir en conseil des maitres, de provoquer l’échange et la discussion, de mettre chacun face à ses responsabilités professionnelles et humaines. Et comme l’affirmait De La Boétie dans son “discours sur la servitude volontaire” : « Sans le soutien actif du peuple, les tyrans n’auraient aucun pouvoir. La désobéissance passive suffit à briser les chaînes de la domination. » Ce simple questionnement paraît profitable à tous… et plutôt efficace.

La voie 2 : De la parole… à l’action – ne pas coopérer – contourner – détourner.

L’idée est ici de ne pas se contenter de la parole « questionnante », mais de décider de passer à l’action. Ce premier grain de sable dans la machine pourtant bien huilée peut prendre diverses formes. L’imagination ne manque pas alors : contournement – omission – détournement – etc. Les stratégies sont nombreuses. Il peut s’agir de détourner une mesure, celle des évaluations nationales par exemple, en modifiant par exemple les temps de passage des élèves, ou encore en sortant des consignes stricto sensu, les résultats seront alors viciés et l’analyse ultérieure qui en sera menée n’aura plus aucune validité scientifique. Il peut aussi s’agir d’omissions, celle par exemple d’avoir omis d’enlever ou d’ajouter un élève sur le fichier Base élèves (devenu Ondes) ou de ne pas avoir effectué la dernière mise à jour. C’est en tout cas ce qui s’est largement pratiqué dans le cadre des évaluations nationales, de l’aide personnalisée, des activités pédagogiques complémentaires, du fichage, etc. Ces petits grains de sable multipliés sont susceptibles de s’agglomérer pour aboutir à de réels dysfonctionnements de la machine.

On y retrouve le principe de non-coopération cher à Gandhi. Il s‘agit bien de refuser volontairement de collaborer avec le pouvoir. On ne somme pas encore la tête du pouvoir, on agit tout simplement pour ne pas faire fonctionner convenablement le système, ne pas contribuer à la bonne marche de la mesure en question, en altérer les résultats, les rendre abscons. Il s’agit bien alors de contribuer à développer une force de non-collaboration. On ne s’affronte pas directement à l’autorité, on mesure ainsi les risques pris dans le cadre professionnel mais on cherche à neutraliser les mesures contestées. Et, bien sûr, on peut donner l’idée à d’autres d’agir dans ce sens. Un principe fondé sur le constat mené par de La Boétie, que tout pouvoir, pour s’imposer et se maintenir, a besoin du consentement de ses sujets, de leur servitude volontaire.

La voie 3 : Désobéir ouvertement – agir – s’engager – rendre visibilité – s’autoriser.

Celle-ci engage une démarche supplémentaire car elle va provoquer de réelles prises de risques pour celles et ceux qui s’autorisent à sortir du sacro-saint pseudo “devoir de réserve”. Il s’agit donc, ouvertement, d’affirmer que l’application de cette réforme ne correspond pas aux valeurs liées à ses missions d’enseignant. Il suffit de regarder chaque réforme sous le filtre de sa mission principale, essentielle, qui est l’intérêt premier des enfants qui nous sont confiés. Le fait de s’autoriser à dire « non » ne se vérifie pas seulement comme un simple acte de résistance mais comme la seule possibilité de retrouver une autorité aujourd’hui largement perdue sur son métier. La caractéristique de cette démarche est qu’elle s’effectue au grand jour, elle est affichée et assumée. Les moyens sont divers : courriers directs à l’autorité hiérarchique, positionnement dans la presse, affichage sur son lieu de travail, rencontres et actions médiatisées, etc. L’objectif reste bien de rendre visible les positionnements afin qu’ils puissent éventuellement semer de nouveaux grains de révolte et d’autres mises en action chez les enseignants. Il s’agit alors de revendiquer la pleine responsabilité de la désobéissance. Cette étape, comme les autres d’ailleurs, est évidemment à mener le plus largement possible de manière collective, coopérative. C’est en tout cas dans ce sens que nous avons agi lors de cette période.”

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