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Les relations de pouvoir dans la classe : le genre et la pédagogie

Nuria Galicia Pérez

Intervention lors du premier congrès d’enseignement de la philosophie en Castille et Léon (2004)

Le texte ci-dessous permet de mieux appréhender certaines des relations entre la pédagogie critique et la pédagogie féministe. L’auteure les inclut dans une catégorie plus vaste les pédagogies radicales.
Elle inscrit son propre cadre théorique de réflexion dans la philosophie de Michel Foucault. Après avoir développé l’analyse foucaldienne du pouvoir en général et dans l’école en particulier, elle revient sur certains des aspects mis en avant par l’analyse féministe de la reproduction du genre à l’école. Parmi les pratiques qui ont été développées par les pédagogies féministes, figurent celles consistant à partir du vécu d’oppression et celles qui développent les capacités d’empowerment. On peut par exemple mentionner une pratique particulière qui consiste à entraîner spécifiquement les élèves à résister à des contextes d’oppression : par exemple entraîner les filles à prendre la parole dans un groupe majoritairement masculin. L’auteure insiste sur le fait que les pratiques ne sont pas émancipatrices en soi, mais sur l’importance de tenir compte du contexte.
Son approche foucaldienne la conduit en outre à s’intéresser à la question de l’autorité des enseignantes. Elle souligne comment leur autorité ne peut être pensée à l’école sans la mettre en lien avec les stéréotypes qui renvoient l’enseignante à la mère de famille.
Même si l’auteure ne le souligne pas, cette dimension est certainement présente dans le discours de ceux qui considèrent que la féminisation du corps enseignant serait nuisible pour inculquer une discipline aux élèves garçons.
L’auteure du texte est de ce fait conduite à s’interroger sur la possibilité pour l’enseignante d’assumer une autorité différente (liée par exemple à une éthique du care) et aux difficultés que cela présente. En effet, les pédagogies féministes ont mis en avant l’importance d’une pédagogie inclusive et safe, reposant sur le care. Mais ce faisant, cela la conduit à se demander si ces pratiques ne contribuent pas les pédagogues féministes à s’enfermer dans une représentation de l’enseignante femme conforme à des stéréotypes de genre. Elle clôt l’article en proposant non pas que l’enseignante face reposer son autorité en classe sur une relation maternelle avec les élèves, mais sur sa capacité à s’affirmer comme une auteure c’est-à-dire par l’affirmation de sa personnalité

Historiquement, la didactique et la pédagogie émergent comme des conséquences de l’apparition de l’école publique et presque comme une demande de celle-ci : pour imposer des programmes éducatifs décidés par un gouvernement, il faut un corps de professeur qui sache quoi et comment enseigner aux élèves. Cela maintient, ainsi, une étroite relation avec les politiques éducatives des secteurs dominants du pouvoir qui établie quels savoirs seront enseignés.

Tout cela nous renvoie à l’idée de pouvoir disciplinaire de Foucault à partir des postulats duquel on peut interpréter que l’éducation dans les écoles révèle l’exercice du pouvoir : le sujet apprend près de l’autorité et de la hiérarchie moins par des discours que par la construction quotidienne d’habitudes et de coutumes incluses dans les dispositifs scolaires (corps et classes ordonnées, le maître contrôle tout, devoirs organisés en temps limités…) Foucault se centre sur les subjectivités qui sont générées à partir de la relation de savoir-pouvoir, produites par un réseau déterminé de pratiques et d’institutions coercitives. Parmi celles que compte l’institution éducative, l’école est de celles dont l’objectif est de relier l’individu au processus de production, à la formation et à la correction des producteurs en vertu d’une norme déterminée et d’un concept de pouvoir.

Cependant, l’éducation est également un espace de discussion, de réflexion et d’action à partir duquel on peut formuler des modes d’action pédagogique alternatifs aux pratiques traditionnelles. Dans ce sens ont surgit des courants décidés à réorienter le travail des enseignants en le mettant en adéquation avec les principes démocratiques et les demandes sociales actuelles, en réinterprétant les relations de savoir-pouvoir établies entre l’enseignant et l’élève, comme essaient de le faire les courants critique, radical et féministe de la pédagogie ces dernières années, qui amènent une vision post-structuraliste dans la pédagogie et permettent l’inclusion et le traitement des questions qui avant étaient marginalisées dans l’éducation, comme la perspective de genre et l’incorporation de la femme comme membre de plein droit de la communauté intellectuelle.

L’objectif principal de cette communication est d’exposer la critique foucaldienne des régimes de vérité et des relations de savoir et de pouvoir qui dominent la pédagogie traditionnelle et de mettre en relief certaines des alternatives possibles.

Les pédagogies traditionnelles

Ces pédagogies traditionnelles sont celles qui produisent le savoir au moyen d’un pouvoir qui s’établit à travers des relations de domination hiérarchique sur l’élève.

La pédagogie suppose la coexistence de pratiques enseignantes et de visions sociales, et ce sont ces dernières qui déterminent ce que l’on enseigne, comment et pourquoi on l’enseigne.

L’apparition de la scolarisation situe la pédagogie académique dans le cadre de discours de régulation sociale : l’école forme, mais également réprime. Elle montre ce que l’on doit faire et ce que l’on ne doit pas faire. Elle établie les aspects régulateurs de la connaissance par l’imposition et l’exercice du pouvoir hiérarchique.

Paulo Freire dénonce ce qu’il appelle « l’éducation banquaire » qui caractérise les pédagogies traditionnelles :
– Le maître « enseigne » aux élèves à être « enseignés »
– Le maître sait tout et les élèves ne savent rien
– Le maître parle et les élèves écoutent
– Le maître pense et il fait penser les élèves
– Le maître impose une discipline et les élèves sont disciplinés
– Le maître choisit et impose sa leçon et les élèves l’accepte.
– Le maître agit et les élèves se donnent l’illusion qu’ils agissent à travers l’action du maître
– Le maître sélectionne les contenus du programme parmi ceux qui lui proviennent de l’institution et l’élève s’y adapte
– Le maître confond l’autorité du savoir avec sa propre autorité professionnelle qu’il fait valoir en opposition avec la liberté des élèves
– Le maître est le sujet du processus d’apprentissage tandis que les élèves sont de simples objets.

C’est le discours sous-jacent à la pratique institutionnelle et disciplinaire à travers laquelle on participe à la formation, au fonctionnement et à la diffusion de ce qui est politiquement correct et imposé par les instances de pouvoir. Ces discours sont ceux à partir desquels sont possibles les disciplines et les institutions et à partir desquels se soutiennent et se distribuent les idéologies. Le discours académique répète des stéréotypes sociaux structurels en décadence et qui rencontrent des discours d’opposition qui ne sont pas toujours analysables à partir du structuralisme classique et pour lesquels on a besoin d’une analyse post-structuraliste qui permette leur explication et leur pratique.

La critique à partir de Foucault 

Les discours revendicatifs et contraires à la pédagogie traditionnelle se sont parfois appuyés sur des versions modifiées des idées de Foucault pour les employer comme des armes explicatives, surtout dans la pédagogie radicale.

Pour Foucault, pouvoir-savoir sont des termes en relation, qui peuvent être unis, mais maintiennent des différences. Dans la vision traditionnelle de la relation entre savoir-pouvoir, le pouvoir apparaît comme un élément négatif, coercitif et restrictif qui agit par le moyen de contraintes et de manipulations et dont les erreurs sont éliminées par le savoir qui s’oppose à lui. Selon Foucault, pouvoir-savoir est une relation de forces qui ne doit pas être interprétée comme négative car le pouvoir ne se possède pas, il s’exerce.

Foucault s’occupe surtout de la manière selon laquelle les formes de gouvernement exercent le pouvoir : si durant certains moments de l’histoire le pouvoir souverain se donne à voir dans une seule personne, actuellement gouverner c’est structurer le champ d’action d’autrui à travers des « technologies normalisées de soi », à travers un « pouvoir disciplinaire » et invisible.

Les « technologies de soi » supposent un code de coutumes et de lignes directrices culturelles, suggérées et imposées aux individus d’une communauté de sorte que savoir et pouvoir s’impliquent mutuellement. Il n’y a pas de relations de pouvoir sans que s’établissent une correspondance dans le champ des savoirs qui les appuient et les justifient, de sorte qu’il n’y a pas de savoir qui ne présupposent des relations de pouvoir. [ …]

Dans ce que Foucault appelle la « société disciplinaire moderne », ce régime de vérité inclut les sciences humaines (éducation, psychologie…) comme des discours qui sont acceptés comme vrais au moyen de la « raison scientifique », qui se chargent de l’identification du « vrai » par un groupe déterminé qui s’auto-désigne comme « intellectuels » ou « scientifiques ». Ainsi, savoir et pouvoir se connectent et se produisent au moyen d’une action de gouvernement […]. La « rationalité politique du gouvernement » génère de l’autodiscipline, comme un art de gouvernement basé sur des technologies de soi. Le pouvoir existe seulement dans l’action et s’actualise dans le corps, dans les actions et dans les conduites. Pour Foucault, pouvoir et savoir s’unissent dans le discours : le discours transmet et renforce le pouvoir, mais également il peut s’opposer à lui, car le même discours selon les circonstances peut revêtir de multiples relations avec le pouvoir comme des blocs tactiques qui opèrent dans un champ de forces avec différentes stratégies, en maintenant une relation discursive et instable, car tout est dangereux.

Il n’y a pas de discours et de pratiques qui sont intrinsèquement libératrices : elles le sont en fonction du contexte. Les technologies de soi et le pouvoir-savoir opèrent au micro-niveau des pratiques concrètes. Le pouvoir surgit à partir de pratiques spécifiques dans des champs locaux d’action. C’est relationnel et cela ne se met pas en place s’il n’y a pas de foyers d’opposition. Il faut comprendre que ce pouvoir envahit tous les aspects de la vie et des relations : aussi bien les comportements et les normes éthiques, que la détermination des formes sociales et des modes de vie à tous les niveaux.

L’interprétation foucaldienne de la pédagogie radicale : la pédagogie critique et la pédagogie féministe

Selon Lusted, la pédagogie est « le processus au moyen duquel on produit du savoir ». Les institutions éducatives non seulement reproduisent et transmettent les savoirs, mais elles les génèrent de manière intéressée et déterminée par des instances supérieures. Le « comment on enseigne » ne peut pas être séparé du « qu’est-ce qu’on enseigne », qui détermine « comment on apprend ». Surgit alors la préoccupation pour les processus d’enseignement, qui demandent de faire attention aux contextes politiques dans lesquels ils surgissent, qu’il faut considérer que l’instruction et la vision sociale sont des composantes analytiques de la pédagogie.

Depuis la perspective de Foucault, les régimes de vérité ne sont pas négatifs, mais nécessaires : savoir et pouvoir sont en relation, normalement, de manière productive. Il faut utiliser des régimes de vérité comme une technologie de soi. Foucault ne prétend pas résoudre et déterminer quels discours et pratiques sont libératrices et lesquelles ne le sont pas. Il est contre les solutions dogmatiques concernant les questions politiques et il préfère le débat polarisé. Il ne donne pas de solution pratique aux problèmes de relation entre pouvoir et savoir, ni à la question de comment équilibrer les relations de pouvoir dans les classes, qui est ce qui intéresse les pédagogies féministes et radicales. Cela est du au fait que Foucault ne prétend pas produire un système politique total, mais dessiner sa vision du monde concernant les régimes de vérité enfermant et critiquer leur existence pour qu’aucun ne puisse s’instituer comme l’unique et le véritable […]

Pour analyser une régime de vérité, il faut analyser certains aspects politiques comme :
– Le système de différentiations qui caractérise un régime déterminé qui permet que quelqu’un agisse sur les actions d’un autre ou exerce le pouvoir
– Les fonctions et les objets recherchés par ceux qui agissent sur les actions des autres dans un régime déterminé
– Les techniques et pratiques spécifiques qui actualisent les relations de pouvoir.
– Les institutions dans lesquelles s’établissent les pratiques.
– La formation du savoir que décrit la réalité produite par un régime de pouvoir déterminé et qui suscite des problèmes immanents à cette réalité.

Il faut également analyser des aspects éthiques déterminés :
– Les aspects de soi qui sont problématiques dans un régime déterminé : l’aspect physique, le comportement, les gestes et les attitudes
– Au nom de quoi on modèle et on discipline le soi
– Les techniques spécifiques qui se déroulent pour atteindre une configuration déterminée de soi.
– Les objectifs assignés à ces pratiques d’auto-modélisation, ou le modèle auquel on aspire.

Dans le propos de la pédagogie radicale, on suppose que dans chaque discours se structure des relations de pouvoir qui déterminent quels sont les individus autorisés pour parler et ceux qui ne le sont pas, constituant le soi des pédagogies critiques et féministes, et établissant des régimes de vérité […]

Selon Foucault, les écoles et l’éducation formelle augmentent le pouvoir disciplinaire qui s’exerce à travers des techniques de normalisation de soi converties en instruments pédagogiques. La pédagogie est un élément important dans la recherche de techniques et de pratiques qui actualisent un régime de vérité : on travail sur le corps (la manière de s’asseoir, de lever la main pour prendre la parole, d’entrer ou de sortir de la classe…) pour déterminer une discipline de manière subconsciente. La pédagogie opère comme un régime de vérité.

On a l’habitude d’utiliser le terme de « pédagogie » comme synonyme d’ « enseignement » ou d’instruction, en relation avec les perspectives positivistes des sciences de l’éducation. Si on met en valeur les déterminations sociopolitiques, alors apparaissent les « pédagogies progressistes », les « pédagogies radicales », les « pédagogies féministes », par opposition aux pédagogies traditionnelles. De cette manière, nous nous retrouvons avec la PERSPECTIVE RADICALE, qui comprend la PEDAGOGIE CRITIQUE et la PEDAGOGIE FEMINISTE.

Les pédagogies radicales ont historiquement immergées dans des créations discursives institutionnelles de la production intellectuelle et elles se différencient par leur volonté de vérité (dans une discipline concrète) et une volonté de savoir (dans la connaissance en général). Pour les pédagogies critique et féministe, la pédagogie constitue un moyen fondamental pour rechercher le changement éducatif et social et essayer de mettre en pratique différentes visions du monde, de sorte que PEDAGOGIE ici ne se réfère pas seulement à l’objectif d’une éducation formelle et réglée, mais également à l’ACTIVITE DANS TOUS LES APPRENTISSAGES ET A TOUTE LA REPRODUCTION INTERDISCIPLINAIRE DU SAVOIR.

Ces formes de pédagogie radicale se centrent sur des MACRO-QUESTIONS d’enseignement, comme les INSTITUTIONS et les IDEOLOGIES qui déterminent les objectifs et les pratiques dans l’enseignement. Elles dénoncent le fait que l’ECOLE N’EST PAS NEUTRE. Chaque perspective prend cette prémisse dans un sens pour mettre en avant sa propre vision sociale de la SCOLARISATION et de l’EDUCATION.

La pédagogie radicale se présente alors comme une pédagogie libératrice et revendicative qui se découpe en deux tendances : la pédagogie critique et la pédagogie féministe.

La PEDAGOGIE CRITIQUE : qui se subdivise en courants et en degrés qui dépendent de l’importance que l’on donne à la critique des institutions et à la vision sociale. Ces différents courants suivent deux axes fondamentaux :
1- L’articulation de la vision sociale et éducative
2- Celle qui insiste sur le déroulement des pratiques éducatives explicatives adaptées à des contextes spécifiques.

La PEDAGOGIE FEMINISTE se différencie également en plusieurs tendances :
– La première diffuse les aspects instructifs de la pédagogie qui proviennent des études de genre
– La seconde tendance provient des facultés de sciences de l’éducation et insiste sur les conséquences qui découlent des visions sociales féministes pour l’éducation.
– La troisième est la tendance qui insiste sur la vision critique sociale et éducative
– Et la quatrième est celle qui donne le plus d’importance aux pratiques enseignantes comme l’indique Paulo Freire.

Les REVENDICATIONS COMMUNES à tous les courant de la pédagogie radicale sont :
– L’insistance sur l’expérience et la voix des élèves
– Réaffirmer les objectifs d’encapacitation personnel et social orientés vers la transformation sociale en général
– Elles parlent de l’autorité des maîtres et des controverses liées aux contradictions internes à une idée d’autorité pour l’émancipation
– Elles sont liées avec des mouvements politiques et sociaux qui visent à éradiquer les multiples formes d’oppression.
– Elles suggèrent de mettre en place des pratiques similaires à celles de ces mouvements sociaux dans la classe.
– Les dissensions dans les discours sont dus au manque de coopération et de vision unitaire au moment d’établir des critiques générales : cela tient à ce que chaque courant travail de manière indépendante et en se critiquant les uns les autres.

Bien qu’il y ait différentes tendances dans la pédagogie radicale, il n’y a pas tant de désaccord que cela dans ces discours, mais plutôt un manque de compromis pratiques. Ces tendances se présentent comme des possibles alternatives à la pédagogie traditionnelle, mais elles ne parviennent pas à stabiliser une forme d’instruction pratique qui les différencie d’elle.

En suivant l’idée de Foucault des REGIMES DE VERITE, on peut diriger une critique des pédagogies radicales, fondées sur des mouvements politiques et sociaux d’opposition, fondamentalistes, extrêmes et iconoclastes. Si « tout est dangereux », il faut tenir compte que les discours de type libéraux et émancipateurs manquent d’effets garantis : ils apparaissent comme des moyens pour contre-carrer les vieilles idées et méthodes d’enseignement dominants, mais ils tombent dans la recherche moderniste d’explications de type universelles et basées sur l’idée de progrès qui les condamne à l’échec parce qu’en se présentant comme des discours émancipateurs, ils reproduisent les effets de domination des discours qu’ils critiquaient.

La question du genre dans la classe :

A partie de la pédagogie féministe, on décide que la perspective de genre peut être appliquée à tous les concepts examinés pour critiquer le régime de vérité qui a dominé dans l’éducation et qui aujourd’hui commence à reculer doucement, grâce aux revendications féministes pour dépasser la situation de domination androcentrée et patriarcale. Aujourd’hui on exige une meilleure prise en compte des concepts d’égalité d’opportunités, en critiquant la transmission des rôles sociaux discriminateurs dénonçant la monopolisation patriarcale du savoir, manifeste dans, par exemple, la faible présence de noms de femmes dans les personnages de savoir et le peu de diffusion des auteures et des autorités féminines dans le monde de la création et de la connaissance, dans l’orientation professionnelle et universitaire qui se divise de manière discriminatoire en fonction du sexe, dans l’usage d’un langage inconsciemment sexiste qui reflète le modèle de la direction du monde scolaire dominé par des hommes. Les livres de texte aident à maintenir les stéréotypes […] car non seulement ils ne présentent pas d’images d’autorités féminines dans le monde de la connaissance, mais en outre lorsque les femmes sont mises en scène, ce sont dans des rôles subalternes et subsidiaires.

Cela implique une prémisse d’autodétermination des femmes pour revendiquer leur place dans le monde de la culture et de l’éducation.

De point de vue du genre, l’autorité doit être entendue depuis trois points de vue : autorité devant l’enfant, autorité comme pouvoir, autorité comme auteure.

L’autorité comme enfant génère le « paradoxe de la femme à barbe » : d’un côté on espère que les mères et les enseignantes incarnent le modèle de la famille classique et d’un autre côté, l’enseignante est celle qui incarne une autorité et qui utilise des connaissances et une raison, qui selon le point de vue traditionnel, sont des valeurs masculines. Cela génère trois problèmes :
1- Cela nous indique que l’autorité continue d’être liée à un certain mode de raison et de rationalité à caractère patriarcal
2- Cela montre que l’on continue à associer la rationalité et la masculinité
3- On continue à considérer l’enseignante, au niveau des élèves, comme une mineure, comme une espèce de mère et de soignante.

Depuis le modèle classique de la famille, on comprend que la mère joue un rôle au côté du père : le père représente l’autorité et le pouvoir tandis que la mère est l’être dépendant de l’autorité paternelle, soumis à sa volonté et dévolue à s’occuper des enfants.

Ainsi, les relations de pouvoirs dans les écoles seraient une reproduction du pouvoir social, de tel manière que la femme dans la classe n’est pas dotée d’autorité. Cela n’est pas flagrant, mais quelque chose de subtil et de parfois de seulement visible pour qui est sensibilisé avec les problèmes de genre.

L’école joue un rôle très important dans la construction des identités de genre. C’est le premier milieu dans lequel les enfants et les adolescents établissent des relations sociales hors de l’orbite familial. Ce n’est pas un espace neutre. En reproduisant les rapports sociaux, l’école n’est pas seulement un centre de transmission de connaissances, mais détermine également les formes à travers lesquelles les adolescents structurent leur vision du monde, d’eux-mêmes et des relations interpersonnelles.

Beaucoup d’enseignantes féministes comprennent que l’autorité est en relation avec le pouvoir et celui-ci avec les formes patriarcales de domination et en appelle plutôt à une autorité liée à l’authenticité.

Ainsi Friedman explique que « nous avons besoin d’une théorie qui reconnaisse en premier lieu la négativité androcentrique de toute autorité pour les femmes et en deuxième lieu, qui nous indique le moyen de nous exprimer avec un voix authentique qui ne se base pas sur la tyrannie ». « Avec notre disposition à ne pas nous montrer hiérarchique et à offrir notre aide au lieu d’agir de manière tyrannique et implacablement critique, nous avons parfois participé à la négation patriarcale de la pensée des femmes (…) avec notre sensibilité vis à vis de la psychologie de l’oppression dans la vie de nos élèves, souvent nous nous sommes niées à nous mêmes l’autorité que nous avons essayé de développer chez nos élèves ».

Et selon une autre auteure, J. Pagano, les éducatrices féministes peuvent traiter les questions relatives à l’autorité à partir de la question de l’auteure : « Etre auteure n’est pas garanti par la vérité, mais par la véracité. La véracité ne peut pas être jugée uniquement en utilisant un langage commun, dans la cohérence de récits partagés et diffusés dans le monde et par les autres. Les éducatrices féministes devraient considérer l’enseignement comme une mise en pratique de la narration dans laquelle l’autorité fait allusion à la capacité à représenter la réalité des signifiants et d’imposer l’accord avec ses propres actes significatifs ».

Conclusion :

Les idées de Foucault comme critique des tendances de la pédagogie traditionnelle comme essentiellement hiérarchique, patriarcal et androcentrique, peuvent être appliquées à la tache de parvenir à une société plus égalitaire en terme de genre, en démocratisant la classe, en donnant une voix à l’élève et en facilitant la participation dans la classe dans des égales conditions indépendantes de genre et de manière à ce que l’enseignant établisse une relation de pouvoir-avec et non une relation de pouvoir-sur l’élève et qu’il respecte les capacités de débat et de dissension avec les idées institutionnelles, qui ne doivent pas être acceptées de manière a-critique. Cela exige un meilleur engagement du corps enseignant dans l’éducation à des valeurs, un véritable pari pour l’utopie, en espérant que réellement l’école ne soit pas un simple moyen de transmission de faits, mais qu’elle fasse usage de sa capacité à inculquer des régimes de vérité et qu’elle serve d’instrument aux principes basiques d’un vivre-ensemble égalitaire.

Traduction de l’espagnol : Irène Pereira (22/08/16)

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