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Les précaires sont des étrangers sans ailleurs

KroniKs 580 et Graines d’Orties

[bleu]On confond souvent la pauvreté et la précarité[/bleu] au point d’alterner ces deux concepts dans les mêmes discours et de les inter-changer.

Pourtant tout les oppose; la pauvreté , on connaît bien: elle est rareté, manque , pénurie, vide parfois. Elle pousse à réagir , à se déplacer, à entreprendre , à inventer et innover mille autres manière se vivre. Elle pousse à la trouvaille, la débrouille, au système D.

La précarité, nous commençons seulement à la connaître, car nous la voyons fleurir et nous envahir; elle devient la nouvelle norme et qui s’impose de tous côtés (on pourrait presque dire dans tous les milieux) , en effaçant toutes les différences.

Or, la précarité n’est pas du vide, mais du trop plein. On pourrait trouver cela paradoxal; pourtant c’est ce qu’elle est . [rouge]Le précaire est celui qui est encombré de tout et d’abord de lui même[/rouge]. Il s’épuise dorénavant à la gestion de sa vie et de son existence.

Tout lui est problème: s’alimenter devient même un dilemme insoluble: hallal, pas hallal, gluten, viande, bio; angoisse sur les origines de ce que je mange. Peur d’être empoisonné par ce que j’ingère. Je suis obnubilé par le contrôle de ce qui rentre en moi au moment même où mon corps ne peut plus se réaliser dans le travail.

Le précaire est absorbé par des choix continuels et déchirants… qui ne concernent que lui et qui ne changent rien dans sa vie.

[bleu]Il n’est pas inactif, il n’est pas disponible: il est « occupé »[/bleu] au sens où un pays et un territoire sont occupés par des forces hostiles.

[rouge]Il n’oppose plus la moindre résistance à toutes les forces d’occupations (et d’injonction) qui nous entourent:[/rouge] il est occupé par les médias, il est occupé par les démarches administratives, il est occupé par sa santé; il est occupé par ses enfants, ses relations de voisinage.

Tout est là pour qu’il ne décolle, jamais, pour qu’il ne bouge jamais et que jamais rien ne change.

[rouge]La précarité est indisponibilité comme elles est « occupation » (au sens militaire).[/rouge] Le précaire n’a pas d’ailleurs; il n’a pas d’espoirs, pas d’alternatives. Il est un réfugier sans refuge, un marginal sans marge, un exclu totalement inclu …au point de ne plus pouvoir bouger.

Cette précarité là , nous la subissons tous peu ou prou (et souvent même au travail), tandis que certains la cumulent et l’expérimentent comme unique mode de vie.

[bleu]Lutter contre la précarité consiste donc en une entreprise de libération.[/bleu] Il s’agit de libérer des territoires minuscules et de les agrandir petit à petit.

Nous libérons quelques ateliers de rue, quelques bas d’immeuble, quelques friches agricoles et urbaines. Nous libérons un peu de temps, un peu de disponibilité.

[rouge]Il s’agit également de se libérer de soi même et de notre propre gestion[/rouge]. Le précaire est débordé par lui même: il ne peut plus voir au delà, apercevoir ou comprendre l’étranger. Pou lui, les autres cessent d’exister; peu à peu il devient prisonnier de sa propre vie.

Curieusement on lui donne des conseils qui renforcent son mal: on lui enjoint de « prendre soin de lui même », de « s’écouter », de « se ressourcer » , de se retrouver ,[rouge]alors qu’il se noie déjà dans son propre monopole[/rouge]. On l’engage de s’occuper de ses affaires alors que ce sont justement ces mêmes « affaires » qui l’occupent.

Se libérer de ce qui nous rive , de ce qui nous ancre et nous enferme, passe par la réouverture d’espaces d’étrangeté, par la collision avec ce qui ne nous concerne pas, par l’accident de la vie.

Le travail social avait été pensé à l’origine, dans des contextes tout autres, pour réduire les marges des marginaux et lutter contre l’exclusion des exclus; aujourd’hui , c’est le contraire: nous n’avons pas besoin d’être ramenés, nous avons besoin d’ailleurs.

[bleu]A nous , acteurs sociaux, d’imaginer et de créer des refuges pour les réfugiés,[/bleu]des marges à conquérir pour les marginaux, et de nouveaux territoires pour les exclus.

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Association Intermèdes-Robinson

1 Comment

  1. HNO

    Les précaires sont des étrangers sans ailleurs mais pas sans contexte
    Ce billet est complétement décontextualisé. Sur le blog d’où il vient il a un sens, mais là…c’est incompréhensible. Je réagis donc sur un certain nombre de points qui proviennent j’en suis sûr d’erreur de rédaction, mais qui heurtent quelqu’un comme moi qui est, lui aussi, un précaire…

    D’abord on ne peut pas séparer précarité et pauvreté! Les précaires ne sont pas de nouveaux pauvres, ce sont les mêmes pauvres qui sont précaires! Mais en dehors de la pauvreté, on peut s’en tirer et être précaire. Intermittent par exemple, intérimaire…

    Je renvoie vers la définition de précaire et précarité: c’est toujours quelque chose de subi! Renvoyer les précaires vers une “faute” de leur part (un manque de réaction ici), considérer que l’aliénation est leur fait revient à dire que le capital ou l’état ne broient que ceux qu’ils le veulent… et puis ensuite glorifier l’action individuelle avec de mot “entreprendre”, qu’on nous met à toutes les sauces pour justement éviter de porter des solutions globales je trouve ça hallucinatoire, même si sans doute l’inverse de ce qu’on a voulu dire… libérer l’individu, ce n’est pas le pousser à entreprendre parce qu’il est pauvre – comme si la pauvreté était une qualité morale qui s’exprimait dans une créativité que non seulement tous les pauvres n’ont pas, mais qui n’a pas besoin d’exister sous ses termes quand la solidarité existe! Je comprends qu’il faille dire à chacun qu’il est capable, ça n’équivaut pas à lui dire de se sortir les doigt du cul pour réaliser son entreprise (quelque soit le sens du mot entreprise d’ailleurs).

    Enfin après le côté plus psychologique, l’aliénation causée par la précarité est également objective. Quand on est pas pauvre, mais qu’on doit changer de boulot tous les mois ou tous les ans, qu’on doit changer de boîte tous les mois ou tous les ans, on a pas l’occasion d’observer beaucoup de solidarités: on a pas le temps de connaître ses collègues et de monter des projets. Voilà le principal de la précarité: tout projet est impossible. On ne sait pas où on sera dans quelques mois, on a beau décider de ce qu’on veut, il est fort probable qu’on ne puisse rien mener à bout. Non parce qu’on ne prend pas le temps de faire, mais parce qu’on nous ne le laisse pas! On n’a pas le temps de comprendre qui sont nos interlocuteurs, ne serait-ce que pour réaliser la tâche pour laquelle on est payéEs…

    Donc en conclusion, le débat me semble mal orienté: oui à l’empowerment des précaires (après deux jours de réflexion et en passant sur le blog initial, j’ai fini par comprendre que c’était le thème du texte), non à la culpabilisation de répondre aux symptômes plutôt qu’au mal. N’oublions pas que les précaires ne sont pas exclus, mais inclus dans notre société, qu’on les utilise pour des tas de choses, depuis le travail jusqu’au bouc-émissariat… Il ne s’agit donc pas de dire aux précaires de s’inclure, mais de les y inclure, il ne s’agit pas de ne pas leur laisser d’espaces hors de leur précarité, mais de remédier à cette précarité.

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