Menu Fermer

Les outils de la pédagogie critique

La pédagogie critique ne se caractérise pas avant tout par ses méthodes pédagogiques, mais par son projet politico-pédagogique : former des citoyens critiques engagés dans la lutte pour la justice globale (sociale et environnementale). Néanmoins, les pédagogues critiques peuvent avoir recours à certaines pratiques spécifiques qui sont présentées ci-dessous.

Traduction d’un extrait de : Francy Helena Molina Arboleda, « ¿ Y qué de las pedagogias criticas ? », Revue Educacion, Communicacion, Technologia, Vol. 5, N°10, 2011

[…]

Le dialogue, outil méthodologique de la pédagogie critique

La conscientisation, comme moyen de réveiller une conscience critique et le surgissement de nouvelles pensées produit de la relation homme/monde impliquant la connaissance de la réalité pour la transformer et l’unir à l’action, a une valeur fondamentale. C’est le centre de la pensée éducative de cette perspective pédagogique et c’est de là que nous pouvons dire que la pédagogie critique interprète et analyse le processus formatif, ses implications dans les taches et la profession d’enseignant, l’école, le curriculum, la salle de classe et ses propositions théoriques sur l’enseignement et la recherche.

Comme objectif et principe de base d’un processus éducatif de conscientisation, il y a selon Freire le dialogue des savoirs. Le dialogue est un processus éducatif qui implique une prise de conscience et l’acquisition d’apprentissage qui fournissent des significations pour une interaction positive face aux problèmes. C’est un noyau commun de savoirs et d’échanges d’expériences avec ce qui arrive à l’école ou dans quelconque acte pédagogique avec les élèves, les parents, les éducateurs et les différents aspects qui permettent de créer un climat propice pour cet apprentissage. Il se distingue de la plupart des autres situations éducatives de l’école qui organisent des solutions prédéterminées où il y a des experts qui donnent des réponses aux questions que l’on ne s’est pas posé et dont le travail est de transmettre des connaissances à d’autres personnes.

Avec le dialogue, les éducateurs et les élèves cherchent une meilleure compréhension des problèmes qu’ils affrontent ensemble, les expériences et les opinions de chaque personne ont une valeur égale, tous participent à étudier les problèmes et à chercher les solutions. Le dialogue développe les personnes de manière critique, il permet l’échange des idées, mais également d’enquêter sur les processus qui sont vécus dans la salle de classe et dans les activités hors de l’école, en construisant une culture de l’enquête, de la formation et de la réflexion académique sous une forme critique.

Freire précise que pour dialoguer il faut de la confiance, de l’humilité, de l ‘amour et de l’espoir. Le dialogue se constitue dans un espace dans lequel affleure des émotions, des convictions, des savoirs et des intérêts. Bien que les objets de celui-ci soit les savoirs, il y a d’autres éléments qui rentrent en jeu. Il y a d’autres types de messages et d’autres types de lecture. Dans le dialogue, les raisons sont chargées d’émotions et les émotions chargées de raisons : « Le dialogue commence dans la recherche du contenu programmatique, cette recherche est celle qui inaugure le dialogue éducatif comme pratique de la liberté » (Freire).

La recherche du contenu programmatique comprend trois moments : l’enquête thématique, la thématisation et la problématisation.

L’investigation thématique

C’est le processus par lequel l’élève et l’éducateur cherchent des expressions de la culture, du jargon, du vocabulaire, du lexique, des faits, des traditions, des valeurs, des rôles, des événements et des coutumes des personnes du groupe. On sait que c’est l’étape de découverte pendant laquelle on recueille des paroles, des actions et des thèmes en lien avec la vie quotidienne de l’apprenant et du groupe social auquel il appartient. Les paroles, les actions, les pratiques et les thèmes sont sélectionnés en fonction de la richesse et de la signification sociale pour le groupe.

Cet étude se fait dans l’acte pédagogique dialogique impliquant la conversation, les rencontres informelles, la contemplation, la coexistence, pour sentir leurs préoccupation et capter les éléments de la culture dans une communauté éducative ou un quartier.

La thématisation

C’est le processus par lequel l’éducateur et l’apprenant codifient et décodifient les thèmes qui surgissent de la recherche en cherchant leur signification sociale, en prenant de cette manière conscience du monde dans lequel ils vivent. Ils découvrent, ainsi, de nouveaux thèmes en lien avec les thèmes initiaux. Durant cette phase surgissent des éléments propices pour travailler la lecture et l’écriture des mots et du monde.

La problématisation

C’est un processus par lequel les élèves cherchent à transformer leur vision passive d’un monde qui les entourent par une vision critique du contexte dans lequel ils vivent c’est-à-dire un devenir entre le concret et l’abstrait. Cela se termine par une problématisation du concret. On découvre les limites et les possibilités de sa vision première des choses. Et on sent la nécessite d’agir concrètement sur le culturel, le politique, le social, en cherchant à dépasser les situations qui nous limite c’est-à-dire les obstacles à la recherche de la liberté.

En synthèse, la connaissance de la réalité surgit du noyau commun de connaissance et d’ignorance de l’enseignant, de l’élève et des différents savoirs de la société : le savoir des experts, le savoir des leaders, le savoirs des enseignants et le savoirs des élèves.

La recherche-action-participative : une méthode de recherche engagée dans la pédagogie critique

Bien que la recherche-action-participative (RAP), la systématisation des expériences, l’ethnographie, le dialogue culturel, la reconstruction collective de la mémoire… fassent partie des recherche éducative avec une perspective qualitative et des méthodes participatives, engagées dans l’action sociale, élaborée dans les processus d’empowerment de divers époques et lieux du monde, le présent article insistera uniquement sur la RAP.

La pédagogie critique et la RAP sont deux mouvements situés dans le paradigme critique. […]

Pour la RAP, ce qui la caractérise va plus loin que l’explication ou la compréhension des situations sociales, c’est la reconnaissance et le dépassement des facteurs qui empêchent le développement humain par la voix de pratiques engagées dans le changement social. Comme méthode participative, elle est engagée dans le changement social. Certains chercheurs, dans les années 70, ont insisté sur la composante participative de la recherche donnant lieu au concept de RAP. Elle se comprend comme une perspective de recherche qui assume la construction de la connaissance, comme un engagement dans les problèmes sociaux en impliquant les personnes concernées. Leur caractère participatif permet de développer la démocratie en même temps qu’une connaissance qui contribue au changement social et consiste dans l’analyse, la synthèse de faits et la conceptualisation de problèmes qui constituent la base de programmes d’action, d’exécution, d’évaluation qui définissent de nouveaux problèmes et initient de nouvelles recherches.

Le paradigme critique a regroupé de multiples auteurs, pratiques et théories en relation avec le monde de la RAP aussi bien en Europe qu’en Amérique latine. En Europe, elle s’est appuyée sur les apports de Wilfred Carr, philosophe anglais, qui avec Stephen Kemmis, chercheur australien, a développé des études profondes sur la RAP avec une approche cirtique de leur pratiques, c’est-à-dire par la formation d’une théorie émancipatrice. Les deux chercheurs assument, cependant, l’intentionalité politique de l’enseignant, émancipateur, avec une volonté collaborative et dialogique. De son côté, Hargreaves, chercheur nord-américain, fait également des apports à la RAP quand il insiste sur l’analyse des cultures, des scénarios et formes de colonisation du travail des enseignants générant des questionnements sur la culture scolaire et le travail des maîtres. En Amérique latine, la RAP a émergé à travers deux courants de pensée : a) l’éducatif b) le sociologique. Le premier est très connu sous le nom de pédagogie de la libération et du dialogue (aujourd’hui pédagogie critique) et dans lequel se détache l’apport de Freire, particulièrement basé sur les méthodes de conscientisation. Le courant sociologique renvoie à Orlando Fals Board qui a réagit contre le fonctionnalisme de la recherche du courant positiviste et qui a généré un point de vue qui s’est développé dans le contexte de la radicalisation des luttes paysannes en Colombie, en relevant la bannière des intellectuels engagés dans les luttes sociales.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *