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Les enseignants comme intellectuels transformateurs

Cet article est l’un des plus célèbres du pédagogue critique américain Henry Giroux. Le propos de Giroux consiste à y dénoncer la prolétarisation des enseignants dans le système scolaire américain qui d’intellectuels se retrouvent réduits au rôle de techniciens qui appliquent des scripts pédagogiques produits par des experts scientifiques et soumettent les élèves à des tests standardisés. On reconnaît ici l’influence chez Giroux de la critique de la domination de la raison instrumentale issue de l’école de Francfort. Néanmoins, cette orientation pédagogique, qui s’est imposée au nom d’un enseignement plus efficace, n’empêche pas aujourd’hui les Etats-Unis de n’occuper qu’un rang médiocre au sein des évaluations censées mesurées l’efficacité des systèmes éducatifs.
Cependant cette tendance connaît actuellement un regain aux Etats-Unis et tente de s’exporter en France sous le nom de l’Evidence Based Education soutenue par la psychologie cognitive et l’économie de l’éducation. Certaines théories de l’enseignement explicite, mais pas toutes, relèvent de cette approche.
A cela, Giroux oppose la figure de l’enseignant comme intellectuel transformateur. La notion d’intellectuel renvoie ici à un concept présent chez le théoricien marxiste Gramsci et son rôle dans une lutte contre-hégémonique contre l’idéologie dominante.

Giroux Henry, « Teachers as Transformative Intellecutals »,
Social Education, v.49 n5 p376-79, May 1985

Contrairement à de nombreux mouvements de réformes éducatives passées, l’appel actuel au changement éducatif représente en même temps une mesure réellement inconnue jusqu’à maintenant dans l’histoire de notre nation. La menace est représentée par une série de réformes éducatives qui montrent une faible confiance dans l’habilité des professeurs de l’école publique pour exercer un leadership intellectuel et moral en faveur de la jeunesse de notre nation, qui ignorent le rôle que jouent les professeurs dans la formation des étudiants comme citoyens critiques et actifs; ou encore surgissent des réformes qui ne tiennent pas compte de l’intelligence, du point de vue et de l’expérience que peuvent apporter les enseignants dans les débats. Là où les enseignants sont pris en compte dans les débats, ils sont l’objet de réformes éducatives qui les réduisent la catégorie de techniciens supérieurs chargés de mener à leurs termes des avis et des objectifs décidés par des experts totalement éloignés des réalités quotidiennes de la vie de la classe. Le message implicite de cette pratique paraît être celui que les enseignants ne comptent pas quand il s’agit d’examiner de manière critique la nature et le processus de la réforme éducative.

Le climat politique et idéologique ne paraît pas favorable pour les professeurs en ce moment. En tout cas, ceux-ci sont soumis au défi d’entamer un débat public face à leurs détracteurs, ainsi qu’à l’opportunité de s’engager en procédant à l’autocritique nécessaire relativement à la nature et à la finalité de la préparation du professeur, des programmes de perfectionnement du professorat et des formes dominantes d’enseignement dans la salle de classe. Par ailleurs, le débat offre aux professeurs l’opportunité de s’organiser collectivement pour améliorer les conditions de leur travail et pour démontrer à l’opinion publique le rôle central que l’on doit réserver aux enseignants dans toute tentative viable de réforme de l’école publique.

Pour que les professeurs et les autres personnes en lien avec l’école s’engagent dans ce débat, il est nécessaire de développer une perspective théorique qui redéfinisse la nature de la crise éducative et qui en même temps fournit la base d’un point de vue alternatif sur la formation et le travail des enseignants. En bref, la reconnaissance que l’actuelle critique éducative a beaucoup à voir avec la tendance progressive à la réduction du rôle des professeurs à tous les niveaux éducatifs est un pré-requis théorique nécessaire pour que les enseignants s’organisent avec efficacité et fassent entendre collectivement leurs voix dans le débat actuel. En outre, cette reconnaissance devra aller de pair avec la lutte contre la perte croissante de pouvoir des professeurs dans ce qui relève de leurs conditions de travail, mais également en essayant de changer le regard sur leur rôle comme professionnels de la réflexion.

Je souhaiterais effectuer un petit apport théorique à ce débat et au défi que cela produit en examinant deux questions importantes qui sont nécessaires pour améliorer la qualité du « travail du professeur » qui inclut aussi bien les tâches administratives que l’instruction dans la salle de cours. En premier lieu, je pense qu’il est nécessaire d’examiner les forces idéologiques et matérielles qui ont contribué à ce que l’on pourrait appeler la prolétarisation du travail de l’enseignant, c’est-à-dire la tendance à réduire les enseignants à la catégorie de techniciens spécialisés au sein de la bureaucratie scolaire, avec la fonction suivante de gérer et de réaliser les programmes au lieu de développer ou d’assimiler de manière critique les programmes pour s’ajuster aux préoccupations pédagogiques spécifiques. En second lieu, se trouve la nécessité de défendre les écoles comme des institutions pour le maintien et le développement de la démocratie et également pour défendre les professeurs comme des intellectuels transformateurs qui combinent la réflexion et la pratique académique avec le but d’éduquer les étudiants pour qu’ils soient des citoyens réflexifs et actifs. Dans la fin de ce texte, j’essaierai de continuer de développer ces points en examinant en définitif leurs implications afin de proposer une vision alternative du travail des enseignants.

Dévaluation et déqualification du travail de l’enseignant

Une des menaces les plus importantes à laquelle doit faire face les futurs et actuels professeurs de l’école publique est le développement croissant des idéologies instrumentales qui accentuent l’approche technocratique aussi bien dans la formation du professeur que dans la pédagogie de la salle de classe. L’actuel accent mis sur les facteurs instrumentaux et pragmatiques dans la vie scolaire se basent essentiellement sur une série importante de postulats pédagogiques. Parmi lesquels il faut inclure : l’appel à séparer la conception de l’exécution, la standardisation de la connaissance scolaire dans le but d’améliorer sa gestion et son contrôle, et la dévaluation du travail critique et intellectuel de la part des enseignants et des étudiants en raison de la primauté des considérations pratiques.

Ce type de rationalité instrumentale trouve une de ses expressions les plus puissantes dans la formation des futurs professeurs. On peut montrer que les programmes de formation des enseignants aux Etats-Unis ont été dominés depuis un moment par une orientation behavoriste et par un accent mis sur la maîtrise des aires de connaissances et des méthodes d’enseignement. Les implications de cette perspective, comme le signale avec justesse Zeichner, sont :

« Sous cette orientation de la formation des professeurs se cache une métaphore de la production, une vision de l’enseignement comme une « science appliquée » et une vision du professeur comme un exécutant des lois et des principes de l’apprentissage efficace. Les futurs professeurs peut être peuvent avancer à leur propre rythme et peut être prennent ils part à des activités d’apprentissage variées ou standardisées, mais, dans tous les cas, ce qu’ils doivent maîtriser est un objectif limité (par exemple un ensemble de contenus professionnels et les habiletés d’enseignement) et cela est entièrement déterminé avant tout par la recherche sur les pratiques enseignantes efficaces. Le futur professeur est considéré comme un récepteur passif de ce savoir professionnel et il intervient à peine dans la détermination de la substance et l’orientation de son programme de formation ».

Les problèmes dérivés de cette perspective apparaissent clairement énoncés dans l’affirmation de John Dewey selon laquelle les programmes de formation des enseignants qui n’exercent que les compétences se révèlent d contre-productifs aussi bien pour la nature de l’enseignement que pour les étudiants. Au lieu de les amener à réfléchir sur les principes qui structurent la vie et la pratique de la classe, on enseigne aux futurs professeurs des méthodologies qui paraissent nier la nécessité même d’une pensée critique. Ce qui est décisif ici, c’est le fait que les programmes d’éducation du professorat perdent de vue la nécessité d’éduquer les étudiants pour qu’ils examinent la nature sous-jacente des problèmes scolaires. Cela va plus loin encore : ces programmes ont besoin de substituer le langage de la gestion et de l’efficacité par une analyse critique des conditions moins évidentes qui structurent les pratiques idéologiques et matérielles de l’instruction scolaire.

Au lieu d’apprendre à poser des questions au sujet des principes sous-jacents aux différentes méthodes pédagogiques, aux techniques de recherche et aux théories éducatives, les étudiants s’égarent dans l’apprentissage de « comment apprendre », avec quel « livres » le faire, ou dans la maîtrise de la meilleure manière de transmettre un corpus donné de connaissances. Par exemple, les séminaires obligatoires d’analyse de pratiques se réduisent à des étudiants qui partagent entre eux les techniques utilisées pour manipuler et contrôler la discipline dans la classe, pour organiser les activités d’une journée, pour apprendre à travailler avec une organisation spécifique du temps. En examinant un de ces programmes, Jesse Goodman pose quelques questions importantes aux sujets des déqualifiés silencieux présents. L’auteur cité écrit :

« On ne questionnait pas certains sentiments, postulats ou définitions dans ce débat. Par exemple, la « nécessité » des récompenses et des punitions pour « parvenir à ce que les jeunes apprennent ». C’était une chose qui est donnée comme fondée. Les implications éducatives et éthiques n’étaient mêmes pas mentionnées. Pas plus ne montrait-on une préoccupation pour stimuler et accroître le désir intrinsèque d’apprendre. On définit les bons élèves comme des « élèves tranquilles » ne travaillant sur leurs cahiers d’écoliers que le temps de la lecture, des devoirs comme apprentissage et parvenant au terme de l’étude de la matière en ayant effectué le nombre d’heures comme si c’était le but de l’enseignement. Toutes ces heures se sont passées sans aucune discussion. Pas plus n’ont été interrogés les sentiments d’urgence et de possible culpabilité pour ne pas se tenir aux horaires officiels. Un souci plus authentique voudrait serait que tous participent à ce type de débat. »

Ainsi, les rationalités technocratiques et instrumentales agissent dans le champ même de l’enseignement et développent un rôle important dans la réduction de l’autonomie relativement au déroulement et à la planification des programmes et dans l’application de l’instruction scolaire. Cela est évident surtout dans la prolifération de ce que l’on appelle les pratiques enseignantes efficaces. La base rationnelle de ces éléments réserve au professeur le rôle de simples exécutants de procédés liés à des contenus prédéterminés et instructionnistes. La méthode et l’objectif de ces matériaux est de légitimer ce que j’ai l’habitude d’appeler les pédagogies basées sur la gestion. C’est-à-dire que la connaissance est fractionnée en parties discontinue, elle est standardisée pour faciliter sa gestion et sa consommation, et qu’on la mesure à travers des formes prédéfinies d’évaluation. Les perspectives curriculaires de ce type constituent des pédagogies de gestion parce que les questions centrales liées à l’apprentissage se réduisent à un problème de gestion, que nous pourrions énoncer ainsi : « Comment assigner les ressources (professeurs, étudiants et matériels) pour parvenir à diplômer le plus grand nombre possibles d’étudiants dans un espace de temps déterminé ? ». Le postulat théorique sous-jacent qui guide ce type de pédagogie est que la conduite des enseignants doit être contrôlée et transformé en quelque chose de cohérent et de prédictible à travers les différentes écoles et populations étudiantes.

Ce qui est évident dans cette perspective, c’est que l’on organise la vie scolaire autour d’experts en curriculum, en instruction et en évaluation, auquel on assigne de fait la tâche de penser, tandis que les professeurs se voient réduits à la catégorie de simples exécutants de ces pensées. L’effet est que non seulement on déqualifie les professeurs et on les écartent du processus de délibération et de réflexion, mais en plus la nature de l’apprentissage et la pédagogie dans la classe se transforme en procédures routinières. Il n’est pas nécessaire de dire que les principes sous-jacents aux pédagogies gestionnaires sont en désaccord avec la prémisse selon laquelle les professeurs devraient participer activement à la mise au point des contenus curriculaires adéquats pour les contextes culturels et sociaux dans lesquels ils enseignent. Plus concrètement, la réduction des options curriculaires à un format inspiré par le « retour aux fondamentaux » et à l’introduction de pédagogies basées sur des exercices et des devoirs s’appuient sur le postulat théorique erroné que tous les étudiants peuvent apprendre en utilisant les mêmes supports, les mêmes techniques pour instruire dans la classe et les mêmes modalités d’évaluation. L’idée que les étudiants ont des histoires différentes et incarnent différentes expériences, pratiques linguistiques, culturelles et talents n’a aucune importance stratégique dans la logique et l’objectif de la théorie pédagogique gestionnaire.

Les professeurs comme intellectuels transformateurs

Par la suite, j’essaierai de défendre l’idée qu’une manière de représenter et de restructurer la nature du travail de l’enseignant consiste à considérer les professeurs comme des intellectuels transformateurs. La catégorie d’intellectuel est utile pour différentes raisons. En premier lieu, elle offre une base théorique pour examiner le travail des enseignants comme forme de travail intellectuel par opposition à une définition en terme purement instrumental ou technique. En deuxième lieu, cela éclaire les types de conditions idéologiques et de pratiques nécessaires pour que les enseignants agissent comme des intellectuels. En troisième lieu, cela contribue à éclairer le rôle que développe les professeurs dans la production et la légitimation des différents intérêts politiques, économiques et sociaux au travers de la pédagogies qu’eux mêmes approuvent et utilisent.

En regardant les professeurs comme des intellectuels, nous pouvons éclairer l’idée importante que toute activité humaine implique une forme de pensée. Aucune activité, aussi routinière qu’on a réussi à la rendre, ne peut se passer du fonctionnement de l’esprit dans une certaine mesure. C’est un problème crucial. Parce qu’en soutenant que l’utilisation de l’esprit est un élément général de toute activité humaine, nous exaltons la capacité humaine à intégrer la pensée et la pratique, et en faisant cela, nous mettons en relief le noyau de ce que signifie regarder les professeurs comme des professionnels réflexifs de l’enseignement. Au sein de ce discours, on peut considérer les professeurs comme quelque chose de plus que des « exécutants professionnellement équipés pour transformer en réalité effective n’importe quel but qu’on leur propose ». Mais, ils devraient au contraire se considérer comme des hommes et des femmes dont l’activité est orientée vers les valeurs de l’intelligence et l’élévation de la capacité critique des jeunes.

La vision des professeurs comme intellectuels fournit en outre, une forte critique théorique des idéologies technocratiques et instrumentales sous-jacentes à une théorie éducative qui sépare la conceptualisation, la planification et la conception des programmes avec des processus d’application et d’exécution. Il faut insister sur l’idée que les professeurs doivent exercer activement la responsabilité d’organiser les questions sérieuses autour de ce que eux-mêmes enseignent, sur la manière selon laquelle ils doivent l’enseigner et sur les objectifs généraux qu’ils poursuivent. Cela signifie que les professeurs doivent développer un rôle responsable dans la définition des objectifs et des conditions d’enseignement scolaire. Une pareille tâche est impossible au sein d’une division du travail dans laquelle les professeurs ont une faible influence sur les conditions idéologiques et économiques de leur travail. Ce point a une dimension normative et politique qui paraît particulièrement pertinente pour les professeurs. Si nous croyons que le rôle de l’enseignement ne peut être réduit au simple entraînement à des habilités pratiques, mais qu’au contraire cela implique l’éducation d’une classe d’intellectuelle vitale pour le développement d’une société libre, alors la catégorie d’intellectuel sert pour mettre en lien l’objectif d’éducation des enseignants, l’instruction publique et le perfectionnement des enseignants avec les principes mêmes nécessaires pour développer un ordre et une société démocratique.

Personnellement, j’ai soutenu que le fait de voir les professeurs comme des intellectuels nous encapacite pour commencer à repenser et réformer les traditions et les conditions qui jusqu’à maintenant ont empêché les professeurs d’assumer tout leur potentiel comme des professionnels actifs et réflexifs. Je crois qu’il est important de ne pas seulement voir les professeurs comme des intellectuels, mais également de contextualiser en termes politiques et normatifs les fonctions sociales concrètes que réalisent les enseignants. De cette manière, nous pouvons plus spécifiquement approcher des différentes relations qu’assument les professeurs aussi bien dans leur travail que dans la société dominante.

Un point de départ pour organiser la question de la fonction sociale des professeurs comme intellectuels est de considérer les écoles comme des lieux économiques, culturels et sociaux inséparablement liés aux thèmes du pouvoir et du contrôle. Cela veut dire que les écoles ne se limitent pas simplement à transmettre de manière objective un ensemble commun de valeurs et de connaissances. Au contraire, les écoles sont des lieux qui représentent des formes de connaissances et d’usages linguistiques, de relations sociales et de valeurs qui impliquent des choix au sein de la culture générale. En cela, les écoles servent à introduire et à légitimer les formes particulières de la vie sociale. Plus que les institutions objectives éloignées de la dynamique de la politique et du pouvoir, les écoles sont de fait des espaces disputés qui incarnent et expriment une certaine lutte sur quelles formes d’autorité et types de connaissances, de régulation morale et interprétations du passé et du futur devraient être légitimés et transmis aux étudiants. Cette lutte est par exemple évidente concernant les exigences des groupes religieux de droite qui essaient d’imposer la prière à l’école, de supprimer des livres des bibliothèques scolaires et d’inclure certains enseignements religieux dans les curriculum scientifiques. Naturellement, d’autres groupent formulent également leurs demandes comme les féministes, les écologistes, les minorités et autres groupes d’intérêts qui croient que les écoles devraient enseigner les études féministes, les cours sur l’histoire des noirs. Bref, les écoles ne sont pas des lieux neutres et par conséquent, les enseignants ne peuvent pas adopter une posture neutre.

Dans un sens plus large, les professeurs comme intellectuels doivent se penser en fonction des intérêts idéologiques et politiques qui structurent la nature du discours, les relations sociales dans la salle de classe et les valeurs mêmes qu’ils légitiment dans leur enseignement. Avec cette perspective à l’esprit, je dois tirer la conclusion que si les professeurs doivent éduquer les étudiants pour être des citoyens actifs et critiques, ils devraient se constituer eux-mêmes en intellectuels transformateurs.

Une composante centrale de la catégorie d’intellectuel transformateur est la nécessité de faire en sorte que le pédagogique soit plus politique et le politique plus pédagogique. Faire en sorte que le pédagogique soit plus politique, cela veut dire insérer l’instruction scolaire directement dans la sphère politique, en montrant que cette instruction représente une lutte pour déterminer ce qui est digne et en même temps une lutte autour des relations de pouvoir. Au sein de cette perspective, la réflexion et l’action critique deviennent une partie d’un projet social fondamental pour aider les étudiants à développer une foi profonde et dure dans la lutte pour dépasser les injustices économiques, politiques et sociales, pour s’humaniser davantage dans le cadre de cette lutte. Dans ce sens, la connaissance et le pouvoir sont inextricablement liés à la présupposition que choisir la vie, reconnaître la nécessité d’améliorer son caractère démocratique et sa qualité pour toutes les personnes, équivaut à comprendre les conditions précédentes nécessaire pour lutter pour elle.

Rendre le politique plus pédagogique, cela veut dire se servir de formes de pédagogie qui incarnent des intérêts politiques de nature libératrice, c’est-à-dire, se servir de formes de pédagogie qui traitent les étudiants comme des sujets critiques, rendre problématique la connaissance, recourir au dialogue critique et affirmatif, et appuyer la lutte pour un monde qualitativement meilleur pour toutes les personnes. Cela suggère que les étudiants transformateurs prennent au sérieux la nécessité de concéder aux étudiants la voix et le vote sur leurs expériences d’apprentissage. Cela implique, en outre, qu’il faut développer un langage spécifique attentif aux problèmes du quotidien, particulièrement dans la mesure où ils sont en relation avec les expériences connectées avec la pratique de la salle de classe. En cela, le point de départ pédagogique pour ce type d’intellectuel n’est pas l’étudiant isolé, mais les individus et les groupes dans leurs multiples contextes culturels, de classe sociale, radicaux, historiques et sexuels, ensemble avec la particularité de leurs divers problèmes, espoirs et rêves.

Les intellectuels transformateurs ont besoin de développer un discours qui conjugue le langage de la critique avec celui de la possibilité, de manière à ce que les éducateurs sociaux reconnaissent qu’ils ont la possibilité d’introduire certains changement. Dans ce sens, les intellectuels en question doivent se prononcer contre certaines injustices économiques, politiques et sociales, aussi bien au sein qu’en dehors des écoles. Parallèlement, ils doivent s’efforcer de créer des conditions qui fournissent aux étudiants l’opportunité de devenir des citoyens avec la connaissance et le courage nécessaire pour lutter avec le but que le désespoir devienne peu convaincant et l’espoir quelque chose de pratique. Aussi difficile que puisse paraître cette tâche aux éducateurs sociaux, c’est une lutte dans laquelle il vaut la peine de s’engager. Se comporter d’une autre manière équivaudrait à nier aux éducateurs sociaux la possibilité d’assumer le rôle d’intellectuels transformateurs.

(Traduit le 30/09/16)

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