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Les chroniques de Véronique Decker (5) : On


Partout, dans une école, il est possible d’entendre « On monte ! » « On y va » « On va faire de l’histoire ce matin »
et puis à la cantine « On se lave les mains », On prend sa serviette » et puis au stade « On fait un petit tour pour s’échauffer et après on va à fond »…
Je déteste ce « On ».

Parce qu’il est impersonnel, et qu’en refusant de désigner les enfants comme des personnes, les adultes ne disent ni qui décide, ni qui subit, et qu’à y regarder de près, plus ils disent « on », plus les adultes ont décidé tout à fait seuls, sans jamais construire un espace démocratique.
Dès que l’adulte dit « Nous ! Nous montons en classe. Nous entrons. » ou « Vous : Vous sortez vos cahiers, vous vous installez dans la bibliothèque, vous pouvez aller remplir les brocs d’eau », tout de suite l’ambiance change. Le groupe est nommé. Le pronom désigne bien un nom, des noms.

Surtout lorsqu’il faut être précis et clair, dire « tu » et lorsque je suis fâchée « Toi, Abdoulaye Sissoko, tu » ou « Toi, Vanessa Bertrand (tous les noms de cette chronique sont inventés, évidemment, s’il existe une Vanessa Bertrand en vrai ou un Abdoulaye Sissoko, ils ne sont en rien concernés par cette chronique, et je m’excuse d’avance d’avoir utilisé leur patronyme choisi seulement parce qu’il est courant…) Je reprends : lorsque je suis fâchée (et j’ai des motifs assez fréquemment car heureusement, les enfants en bonne santé, par essence, ne sont pas sages, testent, tentent, se laissent tenter, essayent de franchir les limites, et parfois le regrettent…) Je dis toi, j’ajoute l’identité complète, de manière à convoquer même les mânes de l’enfant à la situation, je désigne, je nomme, j’explique, mais toujours avec une vraie considération pour l’enfant, même en me fâchant net.

Jamais de « on », car en ne désignant pas qui fait, qui parle, qui agit, qui décide, les décideurs qui parlent ainsi empêchent de comprendre les enjeux du monde et de ses lois. En disant à l’enfant « Je te parle », je lui permets de me répondre. En lui expliquant que personne n’a le droit d’insulter, de se battre, de se moquer, je lui dis que la loi qui l’empêche m’empêche moi aussi.
« On n’a pas le droit de crier » comme c’est souvent écrit sur les murs des classes et des cantines, ne signifie ni qui ni pourquoi, ni comment ce serait possible alors que les adultes crient dans le brouhaha, que personne ne leur en fait grief et que seuls les enfants reçoivent des sanctions. .

Pour finir, « on » empêche les enfants d’entendre la conjugaison des verbes, on chante, on respire, on se range, ne fait pas entendre nous chantons, vous respirez, nous rangeons, vous avez fini, nous descendons, …si dès la maternelle, tous les adultes de l’école avaient des formations pour en finir avec ce « on », le niveau de compréhension de conjugaison monterait d’un coup. Même PISA en serait tout surpris…

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