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Les Chroniques de Véronique Decker (14) : Ali Baba

Tout au long de l’été, nous vous proposons de suivre les chroniques de Véronique Decker “Enseigner dans la 93”

Ali Baba

Évidemment, comme toujours depuis le début de cette chronique, les prénoms des gens cités ont été modifiés. Je n’ai heureusement jamais eu d’élève appelé Ali Baba. Mais comme j’aime beaucoup les mille et une nuits, et que je préfère Ali Baba à son frère Kassim, j’ai conservé ce nom là…
Ali Baba était tout petit. Sa soeur ainée était trisomique, son père était alcoolique, et sa mère demeurée mentale. Un bébé était né après lui. Tous les travailleurs sociaux du quartier étaient mobilisés, mais malgré cela, Ali Baba venait à l’école avec une couche pas changée depuis 3 jours, ne parvenait ni à parler, ni à rire. Un concentré du désespoir humain. Pour lui, pour nous ses enseignantes, pour la PMI qui ne savait plus par quel bout commencer, pour le « pôle social » qui multipliait les réunions et Ali Baba ne rencontrait pour autant jamais un morceau de savon, ni sans doute un calin.
L’histoire, commencée tristement ne pouvait pas bien finir. Ali Baba était méchant, il mordait, il frappait sa soeur trisomique, menaçait le bébé. Le temps que l’Etat Français a mis à prendre les tristes décisions nécessaires nous a semblé interminable. Je n’ai jamais su s’il avait pu devenir un grand garçon, ou si les malheurs qui l’avaient accablés enfant l’avaient détruit définitivement. J’aurais aimé une fin comme dans un film américain, la soeur aurait été guérie par un savant chinois de sa trisomie et elle se serait transformée en une magnifique jeune fille, le sort qui avait transformé Ali Baba en crapaud aurait été vaincu et un beau garçon serait apparu, sauvant le bébé des griffes du dragon qui voulait le dévorer. Alors, les parents enchainés dans les oubliettes du château auraient été délivrés par le héros et la famille aurait vécu longtemps dans une petite maison dans la prairie.
Le réel, parfois nous oblige à rêver pour ne pas nous atterrer.

1 Comment

  1. Sylvie Blanchet

    Les Chroniques de Véronique Decker (14) : Ali Baba
    Chère consœur vos chroniques me plaisent et je m’y retrouve bien, même si je ne travaille pas dans le 93, juste dans une cité un brin sinistrée de province.

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