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Léonarda ou l’humanité sous condition

L’épisode du renvoi de la collégienne Léonarda devrait nous avertir sur le degré d’enlisement où gît la pensée dé la Justice et de la Démocratie dans notre pays.

En effet comment comprendre qu’en quelques jours à peine, ce qui constituait une réaction saine, inespérée de la part d’une frange importante de la population et particulièrement de la jeunesse, ce qui avait provoqué comme un choc salutaire dans les rangs des représentants de la gauche…puisse dans un second temps s’écrouler misérablement en fin de compte renforcer les stéréotypes et la violence anti rroms?

A la base, il y avait tous les éléments pour espérer enfin mettre en difficulté la politique du Miniistre de l’Intérieur. Celui ci donnait tous les signes d’avoir franchi une ligne jaune.

Dans son camp même , les langues se déliaient. Ne voilà t il pas que même lui était d’abord tenté par le besoin de se justifier?

Cela n’aura été que de courte durée ; en deux jours à peine, il n’était plus question pour le Ministre de regretter quoi que ce soit.
La commission d’enquête sur la procédure concluait à sa légalité , puis une annonce surréaliste du président venait clore officiellement, autoritairement l’incident. Au delà, on ne pourra plus penser, plus parler, plus réfléchir.

Dès lors le signal était lancé. Léonarda , sa famille devenaient la cible de toutes les railleries journalistiques et de pesudo personnalités .

Faute de ne pas avoir pu fournir une belle image de martyr, la jeune fille était devenue un personnage caricatural, vulgaire, antipathique, douteux , intéressé.

Dorénavant, elle faisait rire, comme en témoigne le très récent tweet , de l’agrégée de lettre , défenseure de l’école de la République”, Natacha Polony.

Léonarda est une barbare; peut être même elle aussi, au fond une guenon, en tout cas quelqu’un pour qui il serait ridicule de mettre en oeuvre toute empathie ou humanité.

Léonarda vient en quelque sorte confirmer aujourd’hui la faillite de l’humanisme, de l’universalisme et de la pensée sociale qui devaient constituer le fondement de notre société et de ses institutions.

Nous voyons à son sujet revenir en force des tendances que l’on avait espérées détruites à jamais.

Si on veut en tant que pauvre, inspirer quelque compassion, il vaut mieux la mériter, paraître d’une honnêteté, d’une pureté irréprochable et jamais surtout au grand jamais , apparaître comme tout le monde: vouloir s’en sortir, bénéficier de confort, arranger ses affaires et celles de sa famille.

Rien de tout cela ne sied aux pauvres, aux faibles. Il faut au contraire que ces derniers ne soient que misère , passivité, et reconnaissance.

Mais s’il n’y avait que cela, on pourrait juste dire que rien n’aurait changé depuis le XVIIIème siècle.

Il semble bien au contraire que l’ambiance politique et médiatique que nous subissons soit encore bien plus agressive, et revancharde que cela.

Nul ne veut plus aujourd’hui recevoir de leçon d’humanité, ou de social. Les barrières ont cédé; il n’y a même plus de culpabilité honteuse; nous vivons enfin de façon décomplexée.

Les pauvres , les misérables et les étrangers n’ont que ce qu’ils méritent, il ne faudrait pas, surtout pas qu’ils viennent se plaindre.

La légalité dans la répression, respectée même de loin, permet dans la réalité au quotidien de multiplier les dénis de droit, les privations, les violences et abus administratifs et policiers de toutes sortes.

Dorénavant l’impunité est de rigueur et de principe.
Par un retournement stupéfiant, les suspects , les ennemis sont devenus les défenseurs mêmes de la démocratie, des droits de l’homme, Ce sont eux qui abusent, eux les vrais ennemis, et au fond les véritables extrémistes puisqu’ils exciteraient et rendraient visibles les extrêmes.

Par un simple renversement conceptuel , ce sont les défenseurs des droits des enfants et de droits de l’homme qui sont les vrais responsables de la misère, des migrants (en les encourageant), de leurs éventuelles exactions (en les excusant).
C’est leur propre engagement humaniste “jusqu’au boutiste”, qui provoquerait le racisme, ferait monter Marine Le Pen.

Arrêtons nous là, mesurons l’étendue de dégâts: ce qui aurait fait chuter hier un gouvernement, provoque une crue de populisme et une fuite en avant. L’inversion des esprits a fonctionné, elle a triomphé.: expulser, c’est faire justice, réprimer c’est prévenir, poursuivre les pauvres, c’est lutter contre la misère, réprimer les faibles c’est protéger la société.

Ne nous étonnons donc plus de voir perdurer et même se développer chaque jour des discriminations sans fin; pour les enfants rroms et pour eux seuls; en Essonne, par exemple, on met en place des bilans scolaires académiques préalables à toute scolarisation, dont la lenteur de mise en oeuvre permet d’attendre l’expulsion.

Telle commune s’appuie sur la circulaire d’aout 2012 pour refuser l’inscription scolaire des enfants au motif que les inscrire constituerait une rupture éducative préjudiciable à leur égard … quand on les expulsera.

Pour les rroms et pour les roumains, les CAF continuent d’interdire l’accès aux prestations les plus universelles , … contre toute légalité . Les banques continueront de donner instruction de refuser d’ouvrir des comptes, les caisses de sécurité sociale d’ouvrir les droits à la CMU, ou de dissuader de l’ouverture des droits AME en exigeant des preuves impossibles à fournir…

Un nouveau cynisme tient lieu de morale républicaine; qu’importe le moyen, un déni de droit c’est déjà cela de gagné; une personne éloignée c’est déjà ça de pris. Il n’y a pas de petit profit électoraliste, démagogique, politique.

A ce compte il ne sert à rien d’attendre 2014 et l’ouverture du droit au travail de ressortissants roumains et bulgares; il ne sert à rien d’attendre les lendemains d’élection municipales; il y a peu d’espoir à se faire que ce système s’autorégule, que la classe politique fasse son examen de conscience, que les mentalités évoluent.

Il est bien plus probable que les Léonarda d’aujourd’hui, les Rroms de demain ne contaminent des catégories de plus en plus larges de notre population: les jeunes des cités, bien sûr , mais rapidement aussi les chômeurs, les enfants et les jeunes en général et avec eux tous ceux à qui on ne pardonnera jamais le mal qu’on leur fait subir.

1 Comment

  1. ano

    Léonarda ou l’humanité sous condition
    La brutalité à l’école :
    http://www.alice-miller.com/courrier_fr.php?lang=fr&nid=754&grp=0706

    La maltraitance institutionnelle:
    http://www.alice-miller.com/courrier_fr.php?lang=fr&nid=764&grp=0706

    La gifle du professeur :
    http://www.alice-miller.com/courrier_fr.php?lang=fr&nid=1813&grp=0208

    Réponses :
    “AM : Je vous remercie de votre témoignage si important. La loi interdisant des châtiments corporels à l’école existe en France apparemment depuis 1834 (cité après: Olivier Maurel, La fessée, page21). Mais évidemment elle est négligée et ne préoccupe personne. Pourquoi ? Parce que, comme vous dites, les enfants battus par leurs parents regardent ce traitement violent comme tout à fait normal. Et les professeurs, des enfants battus eux aussi ont appris très tôt que la violence est un moyen efficace d’obtenir l’obéissance et l’attention. Peut-être que beaucoup d’entre eux choisissent cette profession justement pour se débarrasser de la rage, accumulée depuis la naissance dans leur corps, malheureusement aux dépens de leurs écoliers. Votre témoignage devrait être distribué largement et lu par les élèves pour qu’ils apprennent à connaître leurs droits et commencent à se défendre par les mots au lieu de rester aveugles et devenir criminels après.

    Réponse de Brigitte.

    Votre grand témoignage évoque bien, malheureusement ce qui se vit dans la majorité des institutions et des écoles même encore aujourd’hui.
    Pour les enfants qui sont niés, bafoués, trompés, malmenés dans le cercle familial, ils ne peuvent vivre la situation dans les écoles que comme une continuité de ce qui se passe déjà à la maison. C’est pourquoi ils ne peuvent pas en parler à leur parent, soit parce qu’ils ont acheté cette attitude comme normale, soit parce qu’ils craignent pire encore.
    Mais un enfant que l’on a respecté depuis sa naissance en lui offrant les ingrédients nécessaires à son développement, comme l’attention, la tendresse, la compréhension aura la possibilité de se défendre devant l’injustice des adultes mal intentionnés.
    Quand les parents n’ont pas peur de leurs émotions, alors ils n’ont pas peur et acceptent celles de leur enfant. De cette façon, ils lui montrent qu’il peut réagir tout naturellement devant l’inacceptable, bien sûr qu’il peut rencontrer l’abus de pouvoir des adultes, mais dans ce cas il pourra compter sur ses parents pour le défendre et il ne restera pas seul devant l’absurdité et l’incompétence des adultes.
    Cordialement, Brigitte”

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