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Le temps des bilans

Que ce soit dans ses interviews, ses articles ou ses interventions, la ministre de l’Éducation nationale dresse le bilan de la Refondation de l’école, elle prépare ainsi la fin du quinquennat et la possible réélection de François Hollande. La Refondation serait terminée… et réussie.

Dans son dernier article paru dans Les Échos, Najat Vallaud-Belkacem ne présente pas le catalogue des mesures réalisées comme elle l’a fait dans ses interventions et entretiens précédents, mais elle défend clairement le bilan de politique éducative du gouvernement et aussi ses mesures économiques et sociales.
La priorité accordée à la jeunesse, promesse du président Hollande aurait été respectée. La seule chose que l’on peut admettre dans ses propos, c’est le maintien de l’enveloppe budgétaire pour l’Éducation, mais une autre orientation budgétaire plus ambitieuse aurait été possible. Ce qui aurait permis entre autres de combler le manque d’enseignants, de généraliser des expérimentations ou les mesures limitées aux REP +, de donner réellement la priorité à l’enseignement primaire, d’ouvrir de nouvelles classes au lieu d’en fermer, de reconstruire une formation continue indispensable pour un enseignement réfléchi par ses acteurs…

La priorité à la jeunesse ?
Mais quelle jeunesse ?
Celle des classes préparatoires, des filières d’excellence, des sections prestigieuses du lycée général, celle qui étudie dans les classes européennes ou les sections internationales, celle qui part en séjour linguistique, celle qui fréquente les espaces culturels avec sa famille, etc. ?
Et l’on pense à elle !
Une réforme du collège a été élaborée pour plus de mixité scolaire, mais les quelques propositions allant dans ce sens ont été réduites pour ne pas lui déplaire.

Mais quelle jeunesse ?
Celle qui s’étiole, car peu ou pas diplômée, celle qui reste au chômage plus longtemps que celle issues des bonnes formations, celle qui ne trouve que des emplois précaires et partiels et qui dans le meilleur des cas iront de CDD en CDD entre les périodes de chômage ?
Et l’on pense à elle !
Le gouvernement lui propose des formations, tant pis si l’emploi ne suit pas… tant pis aussi pour les illusions encore perdues.

Mais quelle jeunesse ?
Celle qui vit dans les quartiers de relégation, aux périphéries des villes, celle qui n’a à sa portée que des établissements scolaires sans mixité sociale et qui concentrent toutes les difficultés scolaires ?
Et l’on pense à elle !
L’Éducation nationale a qualifié leur territoire en REP + avec des mesures compensatoires, et pour les plus méritants un parcours d’excellence. Dans ces territoires, on trouve aussi la jeunesse qui n’est plus scolarisée. Elle se retrouve, se met en activité, se lance dans l’économie parallèle et l’éducation par les pairs l’initiera aux petits trafics, aux premiers délits… Certains entreront dans le banditisme, puis dans le circuit prison qui déterminera leur avenir.
Et l’on pense à elle !
Le ministère de l’Éducation nationale propose de la mobiliser sur les valeurs de la République – pour ceux qui sont encore scolarisés – de lancer quelques expérimentations éparses pour transformer les secteurs scolaires, mais rien pour revaloriser les lieux d’habitation, pour aménager l’environnement naturel, culturel et social, culturels pour mixer les populations, pour développer le secteur associatif, etc. Tout est laissé aux bonnes volontés territoriales.

Mais quelle jeunesse ?
Celle des familles pauvres qui se retrouve orientée dès l’enseignement primaire, la pauvreté considérée trop souvent comme un handicap et qui se retrouvera au mieux dans un lycée professionnel après une orientation non choisie ?
Et l’on pense à elle !
L’Éducation nationale propose des mallettes et des espaces pour les parents, pour qu’enfin ils puissent s’occuper correctement d’elle. Mais la bienveillance tant recommandée dans la Loi de Refondation n’est pas encore à l’ordre du jour pour les familles que l’école continue de tenir éloignées d’elle.

Mais quelle jeunesse ?
Celle qui vit dans les bidonvilles et qui n’a pas accès à l’école ?
Et l’on pense à elle !
On démantèle les campements, car ils sont dangereux et malsains pour elle, tant pis si enfin elle avait accès à l’école et qu’elle errera dans de nouveaux bidonvilles.

Bien sûr, je n’ai présenté que les jeunesses les plus visées par l’Éducation nationale.
Heureusement, des jeunesses multiples se croisent, voyagent ensemble, rêvent l’avenir. Elles proposent des alternatives, luttent, manifestent, mais certaines d’entre elles – et surtout celles que j’ai citées – n’y sont pas, celles que notre société et son système éducatif ont éloignées, ont rejetées depuis tant d’années.

La Loi de Refondation de l’École a inscrit, certes, quelques principes essentiels dans ses articles, mais elle a oublié qu’il fallait les faire vivre sur le terrain par tous ses acteurs pour qu’ils vivent et perdurent…

Du coup rien ne résistera aux visées ultralibérales sur l’Éducation ou réactionnaires et moins démocratiques selon les résultats des élections de 2017.

Article des Échos :

http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021789887660-education-ce-que-nous-faisons-pour-la-jeunesse-1209423.php

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