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Le genre contre la naturalisation du devenir scolaire

Du dépistage de la criminalité future des enfants de moins de trois ans à la crainte suscitée par l’introduction des théories du genre : c’est le même fantasme de la prédictibilité du devenir de l’enfant à partir d’une naturalisation de sa personnalité….

Un fantasme des idéologies conservatrices : la nature comme origine et comme norme

En 2006, Nicolas Sarkozy, suite à un rapport de l’INSERM, envisage la mise en place d’un dépistage précoce des risques de délinquance à partir du comportement des enfants de moins de trois ans. L’instabilité émotionnelle chez les très jeunes enfants serait un indice d’une attitude propice au développement de futurs comportements de délinquance. La délinquance apparaît ainsi comme un trait inné qui se manifesterait dès le plus jeune âge.

En 2014, des groupes d’extrême-droite organisent des journées de retrait de l’école contre l’introduction de ce qu’ils appellent la théorie du genre sous la pression de ce qu’ils qualifient de lobby LGBT. Selon eux, cette théorie aurait pour conséquence de faire croire que le genre (comportements masculins et féminins) et le sexe dit « biologique » sont dissociables. Là encore, ce qui est présent, c’est la thèse que les comportements masculins et féminins renverraient à une nature humaine biologique.

Dans les deux cas, ce qui apparaît, c’est l’idée incohérente, que tout en étant issus d’une nature immuable, ces comportements pourraient être modifiés. Dans le premier cas, le contrôle et la surveillance permettrait une rééducation du sujet. Dans le second cas, la remise en cause des stéréotypes de genre pourrait transformer la nature humaine, la pervertir.

Or ce qui est dicutable, c’est de supposer qu’une telle nature humaine originelle existe. De nombreux travaux scientifiques insistent actuellement sur la plasticité cérébrale et l’importance de l’épigénétique, et pas seulement de la génétique. Mais c’est une thèse que l’on peut trouver déjà présente dans la philosophie classique, par exemple chez Rousseau, avec la notion de perfectibilité. Cette notion désigne chez cet auteur l’idée que l’être humain se caractérise plus que d’autres espèces par une tendance naturelle à se transformer sous l’effet de la culture. De fait, pour Rousseau, il n’est pas possible de remonter à une prétendue naturalité en soi de l’être humain, nature et culture sont indissociables et ne peuvent être séparées que de manière fictive. Le dualisme nature/culture n’est qu’une construction intellectuelle. C’est également ce qu’exprime l’anthropologue Philippe Descola.

Une expérience de la déconstruction des catégories de genre

Enfant, dès la maternelle, je ne comprenais pas pourquoi il était mal vu que les petites filles se comportent comme les garçons et pourquoi ces derniers semblaient être considérés comme supérieurs en particulier dans les exercices physiques.

De fait, une de mes principales préoccupations à l’école maternelle et en primaire était de rivaliser avec les garçons de mon école et d’être intégrée à leurs jeux. Je me battais très souvent et je jouais au foot durant les récréations.

J’aspirais aux comportements les plus « virils ». Je ne comprenais pas comment un garçon pouvait déchoir en pleurant ou montrer des signes de peur lors d’une bagarre. A l’inverse, je n’avais que mépris pour les comportements des petites filles sages qui jouaient à l’élastique durant la récréation, se mettait devant en classe et avaient des cahiers bien propres. Mon année de CE1, par exemple, je l’ai passé en grande partie avec les garçons les plus indisciplinés à sauter sur les tables durant les heures de classe pour livrer des combats d’escrime armés de règles en plastique.

Mes velléités de transgresser les séparations de genre n’ont pas pu résister aux années de collège où la division entre garçons et filles était bien plus rigide : ce fut la fin de l’intégration aux parties de foot dans la cours de récréation.

A posteriori…

Ces bagarres à la maternelle et en primaire n’ont pas été en définitif les signes avant coureur d’une carrière de « délinquante ». En revanche, je suis devenue une pratiquante assidue des divers sports de combats….

A posteriori, il me semble ressentir pourquoi il pourrait y avoir une incompatibilité entre le métier d’élève et une certaine interprétation de la masculinité. Le rôle que je jouais était ainsi difficilement compatible avec celui d’une élève modèle, rôle qu’en outre j’associais à celui des petites filles sages. Néanmoins, il est exact également que la plupart des garçons de la classe n’étaient pas perchés sur les tables durant le cours.

Enfin, j’ai gardé dans la suite de ma scolarité le soucis de me distancier de la petite fille modèle assise devant, très soucieuse du plan du cours et du respect du programme par l’enseignant, qui soulignait consciencieusement les titres et changeaient de couleur pour écrire les points importants. Cela m’a conduit à mettre à distance le soucis de chercher à écrire dans les copies ce que je pensais que l’enseignant attendait que ce fusse pour lui faire plaisir ou pour me conformer à une norme scolaire. Rédiger un devoir, c’était avant tout écrire ce qui me semblait intéressant. Ainsi, sans doute que mon goût pour l’exercice de la dissertation provenait de sa dimension dialectique propice à la transformer en un combat entre des thèses opposées et en définitive dans la liberté d’affirmer ma personnalité ce que je pensais.

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